Comme vous avez pu le lire dans un article précédent, c’est par le plus pur des hasards que j’ai découvert Sullivan Rabastens, à l’occasion d’un petit texte de peu de conséquence, mais qui a eu l’heur de me faire passer quelques instants agréables. Et comme j’ai l’habitude d’étouffer mes articles en faisant des recherches au sujet des auteurs afin de les mettre dans un contexte, de suivre quelques pistes, voire – le cas échéant – d’en lire davantage, j’ai aussitôt cédé au premier réflexe de l’internaute en lançant un moteur de recherche. Qui m’a très rapidement guidé vers cette mini-série dont le titre m’a bien fait rire : L’Édile ou Les érections municipales. Et qui connaît l’importance que j’accorde – sans rire – à l’humour dans les textes – et principalement dans ceux d’inspiration érotico-pornographique – devine ce qui suit : séduit, je me suis presque aussitôt rendu dans ma librairie de confiance – 7switch depuis des temps immatériels – pour faire entrer Mme le Maire et ses administrés dans le giron de mon Enfer personnel.
L’intrigue, on s’en doute, se joue principalement entre une femme placée à la tête de l’administration d’une bourgade quelque part en France – Christine – et un des jardiniers – Antoine – chargés du maintien de l’ordre dans les serres et les parcs municipaux. Un noyau qui, de par la force des affinités électives, finira par emporter, d’abord, l’adhésion du mari de l’Élue de la ville – Jean – et ensuite de la maîtresse de celui-ci – Estelle. Une fois passée l’étape des préliminaires, tout se bouscule dans le plus joyeux des Capharnaüms, les bites se dressent et les cuisses s’écartent et on devra se rendre à l’évidence que cette élue-là ne lésine pas sur les moyens quand il s’agit du plaisir de ses administrés. On ne pourra certes pas reprocher à l’auteur de distraire ses lecteurs par de trop grands efforts intellectuels, mais comment lui en vouloir quand le propos de la série est de passer – ou de faire passer – à l’acte, tout en s’amusant à faire subir au mobilier et aux installations de la République des usages sans doute très peu imaginés quand il s’est agi, au moment de leur acquisition, de pondérer les pour et les contre.
Quant à la forme, M. Rabastens a opté pour un format qui a eu son heure de gloire il y a déjà deux siècles et qui depuis, sans jamais tout à fait disparaître dans les limbes du has-been, a perdu beaucoup de sa pertinence, à savoir le récit épistolaire, à travers les échanges de lettres entre les personnages concernés. La force de ce procédé réside dans le fait de pouvoir donner la parole à tour de rôle aux divers intervenants, permettant à ceux-ci de s’exprimer directement sans devoir passer par un tiers, un narrateur quelconque, dont on ne peut sonder avec précision le biais qu’il ne tient qu’à lui d’imprimer à la parole d’autrui. C’est donc un moyen propice à l’épanchement sentimental, un moyen dont on devine l’intérêt dans un récit érotique qui, si les actions des personnages n’ont pas toujours un rapport aux sentiments, met en avant le désir et la volonté de jouir et de faire jouir. Sans oublier de mentionner en passant le fait que la proximité des corps profite souvent à la naissance des sentiments. Si j’applaudis donc l’émergence d’une forme qui a prouvé ses mérites et qui a été abondamment utilisée par quelques-uns des meilleurs esprits des royaumes de France et de Navarre, on ne peut pas passer sous silence le fait que l’auteur, et ceci est une faiblesse qui mérite d’être relevée, permet à un de ses personnages de sortir du cadre imposé à l’édile et à son zélé administré, vu que le mari a lui aussi droit à la parole, mais sans devoir passer par la plume réservée à Christine et à Antoine. Ceci constitue un véritable défaut de construction qui, dans un texte dont l’ambition aurait été à chercher plus loin que l’instant Chantilly, aurait sans doute sonné le glas pour notre aimable édile et ses agissements peu catholiques – mais comment s’en étonner dans un pays où la Laïcité est défendue avec une passion qui n’est pas sans rappeler la ferveur des croisés d’antan…
Mais arrêtons donc de chercher noise à notre brave auteur et passons à ce qui nous intéresse bien davantage : les parties de jambes en l’air. Si le premier épisode, L’édile, se borne à permettre au jardinier de déclarer sa flamme à l’édile de son cœur, les choses se corsent dès le deuxième épisode, Le rosier, et la lettre de Christine donne le ton des épisodes suivants, vu qu’elle pousse le vice jusqu’à placer dans l’enveloppe destinée au jardinier une de ses culottes déjà portées. Et c’est par la même occasion que le mari de Christine se mêle de l’affaire qui, infidèle invétéré et impénitent, a le bon goût de ne pas céder à la jalousie quand une des lettres en question lui tombe entre les mains et qui décide, dans une démarche sous le signe du plus pur esprit scientifique – en bon médecin – de se fier à ses observations et d’aller voir par lui-même pour être le juge de ce qui se passe. Une démarche qui se révèle payante, le bon docteur étant le témoin privilégié de ce qui se passe entre sa moitié et un jardinier qui se donne toutes les peines du monde pour convenablement s’occuper de son jardin. Et c’est au fur et à mesure de la progression de l’intrigue que le bon docteur passe du statut de témoin à celui d’intervenant, ce qui permet à l’intéressé de découvrir des pratiques dont il ne se serait jamais cru capable. Et quand on connaît l’importance accordée par le Sieur de Rabastens aux plaisirs de la pénétration anale, on devine les découvertes réservées au mari zélé.
Quant aux détails de ce qui se passe, je ne vais rien révéler ici vu que c’est quand même là l’intérêt principal d’un texte érotique. Qu’il me suffise de vous indiquer que M. Rabastens sert de maître de cérémonie et de guide de débauche à des personnages dont le souci principal est de jouir et de pousser plus loin dans un domaine qui leur offre – comme tout jardin qui se respecte – des dédales où le désir peut impunément s’égarer et des grottes propices aux épanchements – sentimentaux et autres.
Malheureusement, le dernier épisode en date, Le Farniente, a vu la lumière du jour il y a de cela presque trois ans, le 1 juin 2016, en pleine deuxième saison. Qu’est-ce qu’il faut en déduire ? Un succès commercial en-deçà des attentes ? Une créativité en berne ? L’envie – ou la nécessité – de se consacrer à d’autres projets ? Quoi qu’il en soit, c’est un phénomène tout sauf rare dans le domaine des séries, et je garde encore la nostalgie de l’excellente série Margaret et ses filles brisée au bon milieu d’un envol si prometteur. Mais bon, c’est un des risques qu’on court à s’intéresser à des titres récemment parus.
Sur ce, je vous laisse à vos occupations, en espérant toutefois que les unes ou les autres délieront leurs bourses afin de s’offrir un dépaysement en compagnie de Mme le maire et de son joli troupeau. Mais soyez tranquille, je ne vous quitte pas sans vous dresser la liste des épisodes afin de vous permettre de vous y retrouver. Ce qui me donne l’occasion de vous donner un conseil pratique : Les épisodes parus sont au nombre de sept, les cinq premiers ayant été rassemblés dans un seul volume : Liberté, Égalité, Sexualité. Et quand on sait que les épisodes se vendent à 1,99 €, on peut faire de sacrées économies en acquérant la compilation au prix très honnête de 2,99 €.
Les épisodes de L’Édile ou Les érections municipales :
- L’édile (ISBN : 9791023403640)
- Le rosier (ISBN : 9791023403930)
- Réflexion fête (ISBN : 9791023404104)
- Coups de bambou (ISBN : 9791023404203)
- Jour de fête (ISBN : 9791023404302)
- Divine édile (ISBN : 9791023404951)
- Farniente (ISBN : 9791023405095)
- Liberté Égalité Sexualité (compilation des cinq premiers épisodes) (ISBN : 9791023404333)
Liberté, Égalité, Sexualité
SKA éditeur
ISBN : 9791023404333