Voici la lecture estivale que j’ai ratée cet été. Une gaffe pourtant inévitable, vu que ce texte magnifique de Roman K., Les trips insulaires de Carline, n’est sorti qu’à la fin du mois de novembre. Et c’est peut-être tant mieux ainsi, parce qu’il y a tant de soleil et de chaleur dans ces pages qu’il en déborde et que la grisaille omniprésente en est plus facile à supporter.
C’est donc l’été, et le narrateur est en route vers l’ouest, plus précisément la Charente Maritime, où la météo annonce du soleil et 30° à 33°. Un weekend parfait s’annonce, d’autant plus que le narrateur, qui raconte son histoire à la première personne, est superbement accompagné, avec sur le siège du mort la belle Carline, une fausse blonde racée, le « corps fin et le cul ferme », le tout rendu plus appétissant encore par des « seins coniques aux extrémités roses et tendres » et une chatte à la « fine toison couleur café ». Voici donc dressé en quelques mots le portrait des protagonistes, dont il faut sans doute préciser qu’ils se sont sauté dessus à peine une heure après s’être croisés pour la première fois, et ce malgré l’aveu de Carline d’être « avec le barman ». Parce que, le narrateur l’apprendra plus tard, elle « aime par-dessus tout être infidèle ». À part ces quelques traits, les protagonistes restent des inconnus, mais l’intérêt de ce petit roman n’est pas précisément dans la crédibilité psychologique de ses personnages, et on ne peut que se ranger à l’avis du narrateur quand il résume ainsi leur portrait :
Elle avait 25 ans, moi 41. J’étais célibataire depuis quelques mois. Aucun enfant sur les bras, ni de divorce en attente ou de crédit pour perpète. Ma vie d’avant importe peu dans cette histoire que je vous raconte, car j’estime qu’elle s’est déroulée entre parenthèses.
Une entrée en matière où il est question, dès le premier paragraphe, de fesses dénudées et de tétons qui se dressent ne laisse subsister aucun doute quant au caractère de ce qui va suivre, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas l’eau de rose que fait couler l’auteur, d’autant plus que l’éditeur n’hésite pas à qualifier, sur la quatrième de couverture, ces trips bien particuliers de « texte pornographique ». Une netteté et une liberté de ton que le Sanglier apprécie tout particulièrement, surtout quand on oppose l’attitude franche et directe des Éditions Dominique Leroy à la pruderie nauséabonde qui s’offusque du moindre bout de téton brandi en public.
Bref, nos deux héros, quand ils décident de passer un weekend à la plage, ne s’embarrassent pas de questions de moralité dans leur recherche des meilleures façons de s’éclater. Exercice qui leur réussit plutôt bien, il faut le concéder sans la moindre amertume. Et la créativité dont fait preuve Roman K. quand il s’agit d’inventer des variations toujours plus excitantes de ce jeu vieux comme le monde et auquel les personnages de ce court roman s’adonnent avec une verve rafraîchissante, est soutenue et mise en valeur par une écriture qui sait réellement s’emparer du lecteur, qui fait brûler les rayons de soleil sur sa peau et le sable sous ses pieds, et qui fait monter une envie furieuse de côtoyer les femmes bandantes qu’on y croise à tout bout de champ, tout comme celle de disparaître avec Carline derrière les dunes pour des rencontres improvisées qui appellent bien plus que des regards.
Ce premier roman est une promesse d’emblée tenue, et on ne peut que féliciter les collaborateurs des Éditions Dominique Leroy d’avoir su débusquer un auteur capable de manier sa plume avec une telle verve. Les Trips insulaires de Carline, c’est un texte qui sait dépayser avec une facilité déconcertante et auquel on souhaite un très grand nombre de lecteurs, tant pour la joie de vivre qu’il respire que pour le plaisir d’une écriture tout en légèreté qui sait nommer les choses avec la plus grande crudité tout en gardant entiers le charme et le mystère.

Roman K.
Les trips insulaires de Carline
Éditions Dominique Leroy
ISBN : 9782866888244
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