Avant d’embarquer dans la suite des aventures, érotiques & autres, d’Iris et de Simon, un petit rappel de ce qui s’est passé dans le tome 2, Dans la peau d’Iris : La protagoniste, tombée sous le charme de ce qu’elle croyait un coup d’une nuit, se sent piégée dans sa petite vie. Restée, suite à un concours de circonstances, sans nouvelles de Simon, elle décide de tout larguer quand elle apprend enfin, grâce à une copine mieux rodée à l’usage des médias sociaux, que celui-ci lui a bien laissé des messages dans l’espoir de la revoir. Un bon soir, elle se pointe donc à la porte de son appartement où elle est accueillie par une – sa ? – femme. Après ce beau cliffhanger, le temps est venu de voir ces derniers mois à travers les yeux de Simon et pour démêler les affaires. Ce qui est le propos du t. 3, Ladies & Gentleman.
Pour tous ceux qui entendraient parler pour la première fois de cette BD exquise, je rappelle que les deux premiers volumes ont été édités en auto-édition. Cette aventure-ci s’est terminée, la série Amabilia ayant été reprise par La Musardine où elle côtoie, dans la collection Dynamite, quelques grands noms de l’érotisme dessiné comme par exemple Ardem ou Rebecca. Un beau succès pour le couple d’auteurs / dessinateurs qui s’est rangé sous la bannière du pseudo E.T. Raven, et je les félicite pour cette consécration qui, dans le paysage éditorial actuel, revient à une première reconnaissance de la part de l’establishement littéraire. Leur parcours n’est d’ailleurs pas sans rappeler – dans un tout autre domaine, il est vrai – celui d’Agnès Martin-Lugand, auteure auto-éditée pendant à peine quelques mois avant de se faire remarquer, grâce à la qualité de son texte et à un écho très favorable dans la blogosphère, par Michel Lafon. « À quand le projet de porter la sensualité d’Iris et de Simon au grand écran ? » Une question qu’on est presque tenté de se poser, en lorgnant encore une fois du côté d’Agnès qui a pu susciter l’intérêt de Harvey Weinstein. Remarque : C’est sûr que je me laisserais tenter par un tel film ;-)
Après Iris, c’est donc le tour de Simon. On s’y attendait un peu à ce que notre duo, après avoir si magistralement illustré le parcours d’Iris suite à son one night stand avec Simon, donne la parole à celui-ci pour mettre à l’honneur la perspective masculine. Mais Simon ne se pavane pas seul sous les projecteurs, et je dirais même que les personnages qui l’accompagnent présentent un intérêt bien plus prononcé encore (Je dis cela dans une perspective purement masculine, sans la moindre intention de froisser mes lectrices. Dont j’aimerais d’ailleurs, via la fonction commentaires, connaître l’avis à propos de ce détail.) : Il y a d’abord Charlotte, l’assistante et amie de Simon qui l’aide dans son métier de peintre. Et cette Charlotte, lesbienne qui proclame haut et fort ses inclinaisons, a pris l’habitude de se taper les modèles de son ami, des proies faciles rendues très accessibles aux propositions univoques de le part de cette femme séduisante et quelque peu inquiétante, dans l’ambiance d’atelier où celles-ci sont obligées de se présenter dans le plus simple appareil, soumises aux doigts experts de Charlotte qui se fait une joie de les « préparer ». Le lecteur a le bonheur d’assister à une de ces séances, avec ses préliminaires ô combien sensuels, mettant en scène la rencontre entre Charlotte et Eva, le deuxième personnage qui a droit à plusieurs apparitions dans les 70 pages de cette bande dessinée chaude bouillante.

On ne tarde pas à se rendre compte que Simon, lui, n’est pas resté insensible aux charmes d’Iris, croisée au cours d’une soirée. Mais, comme il ne sait plus où il a pu ranger la carte contenant les coordonnées de celle-ci, il reste incommunicado, personne ne sachant lui donner des détails à propos de cette ravissante inconnue dont seul le prénom le nargue à longueur de journée. Le prénom, et le souvenir de son corps exquis livré à ses prouesses, exalté par la tendresse et le désir que Simon a su faire naître en cette compagne d’à peine quelques heures.
Je laisse, comme toujours, à vous, mes lectrices et lecteurs que j’apprécie bien trop pour vous gâcher le plaisir de la découverte, le soin de percer les mystères de l’intrigue, la joie d’assister aux jeux torrides dans lesquels s’engagent les personnages, et les délices que conjure la ligne pure et austère d’E.T. Raven, le clair-obscur magique où se fondent les protagonistes, propice à l’impudeur qui est le propre du couple amoureux, soumis à la fascination sexuelle au point de pouvoir oublier jusqu’aux yeux qui guettent dans le noir.
Je voudrais pourtant, avant de vous laisser à votre tour séduire par cette lecture, attirer votre attention sur un détail qui ne laisse pas de me fasciner. Je vous ai parlé de Charlotte, la prédatrice lesbienne dont les traits se parent d’une certaine cruauté quand elle s’apprête à fermer ses griffes sur ses proies. Et bien, ce personnage a tout pour fasciner, mais je trouve le dessin parfois un peu flou, parfois même un brin rudimentaire. Une observation qui s’applique aussi aux autres personnages féminins du récit, comme Eva ou encore Manon. Mais quelle différence quand il s’agit de dessiner Iris, la véritable héroïne de la saga, une femme dont on a l’impression que ses dessinateurs sont tombés réellement amoureux, tellement elle est resplendissante, servie à merveille par le style sobre et presque avare qui est celui d’E.T. Raven. On dirait que c’est le fait de pouvoir tirer son portrait qui est la véritable récompense des auteurs, et l’intrigue ne semble parfois qu’un prétexte pour pouvoir parler de cette déesse des temps moderne, cette Vénus nouvelle, née non pas de l’écume, mais de l’encre.

Ladies & Gentleman, troisième volume de la série Amabilia, est disponible en format numérique, mais fait également partie de L’INTEGRALE – LIVRE I. La version numérique est d’ailleurs sortie un 14 février, jour de la Saint Valentin, dans la collection de la Musardine. Quelle meilleure date trouver pour une publication qui peut se déguster en couple, sous la couette ?
Vous trouverez d’ailleurs, dans ce volume-ci comme dans le précédent, une forme très élégante et raffinée de product placement. Dans le tome 2, on a vu Iris céder à la tentation de son gode Adam de chez Idée du désir, cette fois-ci, on voit Charlotte arborer un ensemble ultra élégant signé Les Dessous de Karen, ensemble qui immanquablement attire les regards des lecteurs et des femmes qu’elle a choisi de séduire. Pour enfoncer le clou, cet ensemble vient d’être baptisé Amabilia. Beau moyen de visualiser les interactions entre littérature et monde environnant.
E.T. Raven
Amabilia – Ladies & Gentleman
Dynamite
ISBN : 9782362346255