E.T. Raven, Ama­bi­lia – Nue sous le masque

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Tout d’abord une petite remarque pour me per­mettre de par­ler avec plus de faci­li­té des auteurs de cette bande des­si­née, Ama­bi­lia – Nue sous le masque. Der­rière le pseu­do­nyme E.T. Raven se cachent deux auteurs – illus­tra­teurs, un couple marié d’après leur blog d’auteurs, et si je conti­nue donc d’utiliser le pseu­do­nyme comme s’il s’agissait d’un seul artiste, vous voi­là désor­mais aver­tis de la vraie nature de ce binôme.

Alors, in medias res : Ama­bi­lia – Nue sous le masque, pre­mier volume d’une série qui devrait en comp­ter cinq, est l’illustration (et c’est le cas de le dire) de l’utilité des réseaux sociaux vu que j’en ai enten­du par­ler pour la pre­mière fois dans un groupe qui réunit les auteurs éro­tiques sur Face­book. Fas­ci­né par les extraits publiés là et ailleurs, j’ai par­ti­ci­pé à quelques petits échanges, et ma déci­sion a vite été arrê­tée – il me fal­lait voir ça de plus près, d’autant plus que le prix deman­dé est des plus modestes (4,90 € au moment de la rédac­tion de cet article).

J’ai tout d’abord été atti­ré par le des­sin mini­ma­liste en noir et blanc, un coup de crayon  qui se contente des lignes les plus simples pour évo­quer une ambiance où la séduc­tion et l’érotisme des gestes et des mots relèguent à l’arrière-plan les élé­ments ordi­naires du récit – l’intrigue et la pein­ture des carac­tères – les enfouis­sant dans le noir qui y règne par­tout en maître incon­tes­té, le noir de la nuit d’amour que s’apprêtent à pas­ser un homme et une femme qui se sont croi­sés grâce au hasard d’une soi­rée, nuit qui laisse par­fois échap­per un per­son­nage, qui en englou­tit d’autres, et qui dévoile juste assez pour lais­ser devi­ner les contours de Simon et d’Iris, les pro­ta­go­nistes, enga­gés dans une cho­ré­gra­phie qui tan­tôt les rap­proche dans un tête-à-tête des plus éro­tiques, tan­tôt les éloigne dans une attente mali­cieuse de ce que les heures de la nuit leur tiennent en réserve.

À lire :
Lectures estivales 2015 - Les titres

Si donc l’économie (voire la modes­tie) du des­sin et des gestes m’a séduit au pre­mier abord, je n’ai pas tar­dé à me rendre compte de l’efficacité de l’usage de la cou­leur par ces deux magi­ciens du pin­ceau, avares juste pour mieux séduire et pour pro­duire de plus écla­tants effets. C’est jus­te­ment la par­ci­mo­nie de la cou­leur – le rouge des ongles et des lèvres d’Iris, le rose de leurs chairs intimes – tétons, vagin, gland – qui crée des foyers qui brillent dans la nuit, des explo­sions qui couvent dans les ténèbres et n’attendent que la flamme du désir pour tout ava­ler. Des pages entières sont ain­si domi­nées par la cou­leur, mal­gré la par­ci­mo­nie qui pré­side à son usage, des réseaux se tracent entre les foyers, et le regard ne sait plus où se poser, hési­tant entre les lèvres qui illu­minent la nuit – tan­tôt bou­deuses, tan­tôt gon­flées d’une joie débor­dante – et les ongles, inquié­tants par leur mul­ti­pli­ci­té san­gui­naire, res­sem­blant à des griffes de quelque créa­ture sor­tie des ténèbres pour jouer avec sa proie avant de l’engloutir.

J’ai beau­coup appré­cié cette bande des­si­née et le des­sin mini­ma­liste, presque avare, de ses auteurs. Tout y est dans le clair-obs­cur des scènes, les marées de noir avec ses eaux d’encre tan­tôt mon­tantes tan­tôt recu­lantes, méca­nique lunaire pétrie d’une étrange jouis­sance, ponc­tuée par des concen­trés de cou­leur, un désir figé. Je vous conseille de décou­vrir au plus vite l’u­ni­vers assez par­ti­cu­lier de Ama­bi­lia – Nue sous le masque, uni­vers où la séduc­tion est rame­née à sa plus simple expres­sion. Pour tous ceux qui vou­draient se faire une idée du des­sin très aus­tère et en même temps bouillon­nant de E.T. Raven, ren­dez-vous sur la page des­sin de leur blog où les auteurs donnent un aper­çu de leur art.

À lire :
E.T. Raven, Candice Solère - Femmes fatales

Erra­tum

Dans une ver­sion anté­rieure de cet article, j’a­vais sou­te­nu que les des­sins étaient exé­cu­tés en numé­rique. Les auteurs m’ayant contac­té pour m’in­di­quer cette erreur (cf. le com­men­taire du 18/10/2015), j’ai rec­ti­fié le tir.

Mise à jour

Depuis le 21 jan­vier 2016, la série Ama­bi­lia est pas­sée dans le giron de La Musar­dine et de sa col­lec­tion de BD adulte, Dyna­mite. Un belle confir­ma­tion pour nos deux auteurs, de la part de cet édi­teur jus­te­ment célèbre dans l’u­ni­vers de l’é­ro­tisme lit­té­raire. Toutes les féli­ci­ta­tions de la part du Sanglier !

E.T. Raven
Ama­bi­lia – Nue sous le masque
Dyna­mite
ISBN : 9782362346255

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

Commentaires

6 réponses à “E.T. Raven, Ama­bi­lia – Nue sous le masque”

  1. Ouah !! Mer­ci pour cette cri­tique de notre livre, elle nous fait énor­mé­ment plai­sir. Juste une petite pré­ci­sion : notre coup de crayon n’est pas numé­rique. Les des­sins sont faits à la main au crayon sur feuilles et calques avant d’être scan­nés. En espé­rant lire rapi­de­ment votre cri­tique de notre tome 2. Mer­ci infiniment !

    1. Et pour­tant, j’au­rais juré que c’é­tait exé­cu­té en numé­rique… Déso­lé, je vais de ce pas cor­ri­ger cela. Au plai­sir de décou­vrir les autres volumes de la série ;-)

      1. Pas de soucis ;).