Mauvaises nouvelles, voici un titre qui fait réfléchir. Parce qu’on aimerait savoir quelles sont au juste ces mauvaises nouvelles. Celles qui, jour après jour, nous arrivent d’un peu partout dans le monde, que ce soit depuis la côte orientale des États-Unis ravagée par Sandy ou depuis l’Orient où les gens s’entre-déchirent en Syrie ? Ou est-ce qu’il s’agirait d’une allusion à ce genre littéraire apparemment mal aimé par les éditeurs français ? Allons voir ça de plus près.
Le texte en question vient de paraître aux Éditions Numériklivres, dans la collection e‑lire dirigée par Anita Berchenko. Collection dont nous connaissons déjà toute la valeur après avoir lu les contributions d’Audrey Betsch, La Pile du Pont et de Jeff Balek, Lisa. Deux textes de très bonne qualité dont le mérite littéraire fait briller la collection entière. Ce qui, d’un côté, lui assure une notoriété certaine, tout en relevant, de l’autre, la barre au-dessus de laquelle doivent passer les nouveaux-venus. Exercice, on le conçoit, pas toujours facile.
Le texte de Xavier Fisselier est d’un genre tout à fait différent que ceux des deux auteurs cités. C’est de la prose, certes, mais c’est à peu près le seul point commun entre un roman assez traditionnel comme celui de Mme Betsch, la nouvelle onirique, toute en douceur de M. Balek, et le monologue sans fin qui remplit – et charrie – les Mauvaises Nouvelles.
Vous avez bien compris, « sans fin », et ce malgré sa taille assez réduite. Parce que c’est un texte qui se mord dans la queue, qui tient en haleine, non pas à la manière des coureurs qui arrivent en fin de parcours, mais à celle des ânes ou des vaches qu’on fait tourner en rond pour moudre le grain ou pour faire monter l’eau dans les puits. Une activité qui n’a pas de fin ni de limites et dont on ne sort que par cette porte qu’on ne franchit qu’une seule fois. Une image d’ailleurs particulièrement bien adaptée à ce texte, parce que l’univers qu’on y découvre, à travers la plongée au fond des pensées embrouillées du narrateur, est particulièrement aride. Rarement, une couverture a été mieux choisie pour accompagner un texte que celle du volume en question, inspirée par une photo de Louise Imagine.
Le narrateur en est d’ailleurs conscient, de son périple qui ne le mène nulle part, et ce depuis les premières phrases :
Chaque matin est identique au matin précédent. Je crois. Je ne me souviens jamais de rien. Les jours s’enchaînent et je ne sais pas pourquoi, je n’en comprends pas le sens.
Les jours s’enchaînent, et le narrateur se réveille, chaque jour, enfermé dans un huis-clos dont les issues sont condamnées depuis toujours, au point qu’on se demande si celles-ci ont jamais existé. Le maître-mot y est la solitude. La solitude et l’insignifiance de l’état où on se trouve. Je dis bien état, parce qu’on ne saurait dire s’il s’agit de vie ou de mort, d’absence ou de présence. La seule certitude, c’est celle d’entendre le tic tac de l’horloge, de voir le jour passer, assis à la table dont on se lève uniquement pour aller dans la salle de bain pour y contempler le spectacle de sa propre nudité et des gouttes d’eau qui s’écrasent, au même rythme toujours, contre l’émail de l’évier.
Tout ce texte est une longue et lente réflexion sur l’être et le non-être, à la mesure des jours qui se ressemblent, qui s’ouvrent sur un coup de revolver et qui se terminent par le sommeil qui, malheureusement, n’est pas éternel. Un texte difficile à digérer, dont émane une fatigue de plomb qu’il faut combattre pour éviter que les paupières ne se ferment, que las vision ne s’embrouille. Un texte visqueux qui s’étire, aux lettres imprégnées d’ennui qui pénètre insidieusement dans le monde de ce coté-ci de l’écran, et on se surprend à lorgner l’armoire qui contient les bouteilles pour suivre l’exemple du narrateur :
Seule la brûlure ardente de l’alcool fort qui s’écoule et se plaque le long de ma gorge parvient à ressusciter mes sens et mes émotions.
Je n’ai pas vraiment aimé ce texte, où rien ne se passe, ou presque, et où les réflexions semblent ralentir, voire anéantir, la vie. Mais, après tout, quelle importance ? Parce que, même si je n’ai pas aimé, je l’ai relu par deux fois. Et j’ai interrompu la lecture pour relire des paragraphes dont le sens m’échappaient. Qui n’ont peut-être pas de sens, d’ailleurs. La lecture des Mauvaises Nouvelles me laisse déconcerté, avec un sentiment de solitude devant ces lettres dont je n’arrive pas à percer le secret. Qui n’établissent aucune complicité entre moi et le narrateur ou encore l’auteur. C’est ça, la mauvaise nouvelle ? À moins que ce soit celle qui s’adresse au narrateur qui, malgré sa volonté d’en finir, constate, chaque matin, qu’il se réveille, encore une fois.
Xavier Fisselier
Mauvaises nouvelles
Éditions Numériklivres
ISBN : 978−2−89717−344−9

Commentaires
Une réponse à “Xavier Fisselier, Mauvaises nouvelles”
Un grand, grand merci à vous. Très touché par votre article que je viens de découvrir.
Très bon weekend à vous,
Xavier