Numériklivres, éditeur numérique pure player dont la Bauge a déjà accueilli plusieurs titres dans ses colonnes virtuelles, vient de lancer, le 29 mars 2013, son programme de fidélisation « Point Lire ». Le principe de celui-ci est assez simple : il suffit de s’inscrire sur leur site pour ouvrir un compte, et chaque fois que, par la suite, on achètera un de leurs textes et qu’on en parlera, après lecture, sur un réseau social ou un blog, ce compte sera crédité de un ou de deux points, en fonction du titre. Dès qu’on en aura obtenu cinq, on pourra choisir un livre de leur collection qu’on recevra gratuit.
Un programme qui, d’emblée, profite à tout le monde, dans la mesure où le lecteur obtient des réductions sur le prix des textes proposés (qui, il faut bien le dire, ne sont plus aussi bon marché qu’il y a un ou deux ans [1]À titre d’exemple, j’ai acheté, il y a exactement un an, l’excellent roman d’Audrey Betsch, La pile du pont, pour 3,99 €. Aujourd’hui, il faut le payer 5,99 €. C’est quand même une … Continue reading), et que l’éditeur (et, avec lui, ses auteurs bien sûr) jouit d’un plus grand écho dans les publications du web 2.0. Ce qui, pour un éditeur numérique face à une presse toujours réticente de parler de textes parus en dehors des voies « classiques », représente un atout assez considérable.
Mais il y a un enjeu plus important au cœur de ce programme. Tout le monde est au courant du piratage qui vise, principalement, l’industrie de la musique et du film. Mais ce piratage existe aussi dans le domaine littéraire, et de nombreux textes sont disponibles sur des sites de téléchargement gratuits, procédé parfaitement illégal. Et tant pis pour l’auteur et l’équipe éditoriale qui en sont pour leurs frais. Parce qu’il ne faut pas se tromper, un texte, peu importe qu’il soit publié en numérique ou sur papier, nécessite un travail qui dépasse de loin celui de sa rédaction par l’auteur. Il y a d’abord les nombreuses relectures que doit subir le texte avant de satisfaire à toutes les exigences, ensuite les corrections, la mise en forme et l’adaptation aux multiples formats imposés par la grande variété de tablettes et de liseuses qui sont dans la nature (principalement MOBI pour Kindle et EPUB pour tout le reste, sans évidemment oublier les nombreuses adaptations du code nécessitées par les interprétations divergentes du standard du côté des producteurs), puis le travail sur la couverture, la rédaction du texte pour la présentation (qui remplace en partie la bonne vieille quatrième de couverture), et, last but not least, la promotion sur les réseaux (Facebook, Google+, Twitter) et les blogs dont le nombre augmente de jour en jour. Et c’est surtout cette dernière étape qui se révèle la plus coûteuse et la plus difficile à réaliser dans la mesure où elle demande un engagement durable, ce qui représente un énorme investissement de temps. Et le temps, on le sait, est avant tout – de l’argent.
L’espoir de Jean-François Gayrard, patron de l’éditeur de Toulouse, est qu’en récompensant – autrement que par la qualité des textes – celles et ceux qui font le choix de soutenir l’éditeur, il verra le nombre de ventes légales augmenter et le nombre de téléchargements illégaux diminuer. Certes, un livre sur lequel on reçoit une réduction est toujours plus cher que celui qu’on vole, mais il faut espérer qu’un nombre croissant de lecteurs finiront par se rendre compte de la valeur que représente le travail fourni par les auteurs, les éditeurs et la multitude d’hommes et de femmes impliqués dans le travail sur un texte. Et qu’il serait dommage de voir disparaître un « écosystème » (pour reprendre le terme cher à Gayrard) aussi prometteur avant de lui avoir donné l’occasion de faire évoluer de nouvelles formes d’écritures, conditionnées par un support nouveau. Une disparition qui réduirait le numérique, au moins dans un avenir prévisible, à un débouché supplémentaire des mastodontes de l’édition, dont on ne peut pas toujours dire qu’ils sont à l’origine d’un renouveau littéraire.
Références
↑1 | À titre d’exemple, j’ai acheté, il y a exactement un an, l’excellent roman d’Audrey Betsch, La pile du pont, pour 3,99 €. Aujourd’hui, il faut le payer 5,99 €. C’est quand même une différence… |
---|