Aujourd’hui, la Bauge change d’en-tête pour accueillir une sorcière, captée en plein vol par le pinceau de Luis Ricardo Falero, sujet digne d’orner les murs de la Bauge qui parle si souvent de choses insolites. Mais, avant de plonger dans les abîmes de la sorcellerie en peinture, commençons par le début.

Comme vous le savez, je suis fasciné par la peinture, et je passe un certain temps à rechercher des tableaux insolites, de préférence de peintres pas ou peu connus. Tâche qui, grâce aux outils de la toile comme Google Images ou Wikipedia, devient de moins en moins pénible. Et parfois, et c’est une leçon qu’il faut retenir, on peut faire des découvertes là où normalement on n’aurait fait que passer. Parce qu’il y a de ces peintres, inconnus du grand public et honnis des experts, qui ont pourtant des choses à nous montrer dignes du plus grand intérêt. Et, dans la plupart des cas, il suffit de garder les yeux grands ouverts et de faire confiance à ses regards. C’est ainsi que j’ai déjà pu trouver, entre autres, la petite merveille qu’est la Scène d’orgie, croquis de Gustave Boulanger, dont les huiles n’ont pas toujours de quoi bouleverser le spectateur.

Cette fois-ci, je suis tombé sur un peintre espagnol à vocation cosmopolite, Luis Ricardo Falero, issu de la haute noblesse ibérique et destiné par ses parents à une carrière militaire. Enfant, il a été scolarisé en Angleterre, d’où il est parti, à neuf ans, pour un premier séjour à Paris. C’est dans cette même ville qu’il choisit de s’installer pour étudier la peinture après avoir déserté, vers 1867, la marine de son pays natal. Une grande partie de son travail est dédiée aux femmes, un sujet dont on peut dire avec impunité qu’il a dominé tout le XIXe siècle. Et parmi les femmes, se sont les sorcières qui l’ont particulièrement fascinées et qu’il a représentées dans bon nombre de ses toiles comme par exemple la Vision de Faust (1880) ou le Départ au Sabbat (1878).
La plupart des portraits et des tableaux de ce petit maître presque oublié sont, aujourd’hui, carrément « inregardables ». Falero a pourtant laissé quelques croquis qui savent étonner. Et parmi ceux-ci une Étude de Sorcière où le dynamisme du pinceau répond à celui du sujet et qu’on ne se lasse pas de regarder. Contrairement aux habitudes, la sorcière y vole en plein jour, mais le bleu du ciel y est tout sauf paisible, déchiré par la force des bourrasques qui semblent s’opposer de toute leur force au vol de la femme démoniaque en train de littéralement fendre l’air. Des ombres noires, jetées sur le carton avec une négligence dérangeante qui rappelle celle des enfants, accompagnent la femme dont la carnation est d’un éclat terrible, rehaussé par le blanc des contours dans la partie supérieure du corps, magnifique, qui chevauche non pas le balai mais bien la tempête elle-même. Sa chevelure, ébouriffée par les vents déchaînés, rappelle les serpents de la Méduse. Et que dire de son regard, de ses yeux cachés dans la pénombre d’un visage obscur ? On y devine une telle intensité qu’on est presque soulagé de ne pas devoir le subir de plein fouet.
Cette étude, vendue aux enchères en 2007 par Bonhams à New York, donne une idée de ce qu’aurait pu être l’art de ce peintre obscur s’il avait su se libérer des conventions. Et que dire d’une esquisse aussi charmante que celle intitulée La Sorcière en retard ? Toute petite sur son balai, partie trop tard pour rejoindre le cortège de ses sœurs, elle se lance à l’assaut d’un ciel orageux, petit être humain tout chétif qui ose pourtant confronter le grand monde et ses dangers… De tels chefs d’œuvre peuvent racheter l’honneur de celui dont les tableaux « finis » sont le plus souvent d’un goût pour le moins discutable et qu’on trouve le plus souvent rassemblés sur des sites plutôt obscurs.

Il n’est d’ailleurs pas si facile que ça de rassembler des dates biographiques fiables à propos de Falero. Dans les dictionnaires disponibles en ligne, on trouve très peu de dates, et celles qu’on donne semblent parfois être plutôt des estimations. Sur un même registre, les attributions des peintures ne sont pas toujours très claires [1]Le tableau ci-dessus, La sorcière en retard, a p.ex. été attribué à Albert-Joseph Pénot par le site Frontaal Naakt., et les titres de certains tableaux y sont collés de façon parfois arbitraire, surtout pour ce qui est des deux peintures déjà citées supra, La Vision de Faust et Le départ au Sabbat.
Voici encore quelques indications qui peuvent se révéler utiles afin d’approfondir le sujet :
- Luis Ricardo Falero sur Master Paintings of the world
- Dictionnaire universel illustré, biographique et bibliographique, de la France contemporaine, Paris 1885, p. 557
- Luis Ricardo Falero sur ArtMagick (avec d’ailleurs confusion entre La Vision de Faust et le départ au Sabbat)
- Sexy Witch, un site d’amateur avec quelques articles et de nombreuses illustrations
Références
↑1 | Le tableau ci-dessus, La sorcière en retard, a p.ex. été attribué à Albert-Joseph Pénot par le site Frontaal Naakt. |
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Commentaires
2 réponses à “Luis Ricardo Falero, maître ès sorcières”
Intéressant, mais ces tableaux ne valent pas les dessins de Rops.