Même pas 15.000 signes, espaces comprises, c’est tout ce qu’il faut pour embarquer le lecteur dans un parcours qui frôle la folie. Quand on s’appelle Laurence Biberfeld toutefois, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Cette micro-nouvelle ne met en scène rien que du banal : une jeune femme, peut-être un peu légèrement vêtue pour la saison ; un parcours en métro ; un rendez-vous dans un bistro ; une pression ; un autre parcours, en voiture cette fois-ci. C’est là que cela se corse, d’abord pour le client en herbe, pour le lecteur ensuite, emporté dans une nuit de débauche que rien n’a vraiment préparée, et dont rien ne laisse croire qu’elle aura une suite quelconque, malgré la formule magique prononcée en fin de parcours, avec les corps des amants de circonstance en proie aux blessures de la nuit, le frein « un peu déchiré » pour l’un, « le con en bouillie, le cul à vif » pour l’autre.
Entre le début banal, une jeune femme qui emprunte le métro pour se rendre à un « rencard », et la fin, banale elle aussi mais ô combien douloureuse, l’auteur réussit à créer un superbe paysage langagier et émotionnel, peuplé de ses trois protagonistes dans la plus grande simplicité des moyens, avec une discrétion verbale qui incite à lire et à relire les quelques paragraphes dans l’espoir de trouver la formule magique ayant permis à Laurence Biberfeld de comprimer l’univers entier au point de le faire ensuite éclater dans les têtes avec la violence d’un big bang créateur.
Un chef d’œuvre, tant dans la précision de son vocabulaire que dans celle de ses coups de bistouri mettant à nu un monde glacé dans lequel la chaleur n’a droit de cité que dans les viscères de la pauvreté. À lire, de toute urgence.
Laurence Biberfeld
Le Furet
ISBN : 9791023401721
sKa éditeur numérique
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