
George Sand, est-elle l’auteure d’un texte érotique ? C’est au moins ce que proclament haut et fort les Éditions SKA dans un communiqué diffusé sur internet et les réseaux sociaux, annonçant la parution d’Inferno pour le 1 avril. Mais, à force de consulter les sites qui s’occupent de cette femme, extraordinaire à bien des égards, on peut concevoir des doutes. Cécile Pichot, auteure du site « George Sand », est formelle :
« George Sand n’a jamais écrit de textes érotiques, ceux qui sont publiés sur internet sont des faux, fabriqués au 19e siècle ! »
Et la célèbre Lettre de George Sand à Alfred de Musset, lettre dont il faudrait lire une ligne sur deux pour dévoiler un contenu carrément pornographique, a depuis longtemps été démasquée comme un canular, lui aussi datant du XIXe, siècle d’autant plus friand d’écrits licencieux qu’une morale mesquine était à l’ordre du jour.
Et pourtant, George Sand continue à alimenter tous les fantasmes, et certains sont même allés jusqu’à lui imputer un rôle actif dans la rédaction de Gamiani, texte pornographique des plus explicites qu’on s’acharne à attribuer à Alfred de Musset. Imputation que son appartenance à une lignée déjà longue ne rend pas pour autant plus véridique ni moins contestée [1]Cf. le résumé très intéressant de Sch., Henry, À Propos de Gamiani ou Deux nuits d’excès, roman licencieux de 1832–1833. Cf. aussi : Lubin, Georges, Faux et Usage de Faux. In : Les Amis … Continue reading.
Le « coup de tonnerre » annoncé par les Éditions SkA le 4 mars 2014 fait donc partie d’une tradition plus que séculaire, tradition dont la popularité, le caractère croustillant et la longévité même lui assurent une attention bienveillante de la part des professionnels et des lecteurs. Mais de quoi s’agit-il au juste ? « Un inédit érotique de George Sand » aurait été retrouvé, en Italie, accompagne de plusieurs lettres éclairant les « circonstances de cette création » et d” « illustrations originales de Marie Brizard, élève de Grandville », le tout cautionné par le professeur Ettore Delsedere affirmant que « ce manuscrit est de la main de Georges Sand » [2]cf. la vidéo présentée sur la page.
Qu’en est-il de tous ces noms et de la situation à laquelle le bref texte fait référence ? Le séjour de George Sand et d’Alfred de Musset en Italie (plus précisément à Venise) est véridique et aisément vérifiable, et la rencontre avec le Dr. Pietro Pagello a bien eu lieu, tout comme la relation amoureuse entre celui-ci et l’auteure de la Mare du diable. Pourtant, on cherche en vain une dénommée Marie Brizard, élève de Grandville et auteure présumée des illustrations. Quant à Grandville, il n’y a pas à douter qu’il s’agisse du caricaturiste Jean Ignace Isidore Gérard, plus connu sous le pseudonyme J. J. Grandville, mais sa prétendue élève n’a pas laissé de traces ni dans l’histoire de l’art ni sur la toile. Et que penser de l’avis d’un « docteur Ducul » ? L’usage de l’italien n’est certainement plus aussi répandu aujourd’hui que du temps de Stendhal et de George Sand, mais j’ai gardé assez de notions de mes cours universitaires pour reconnaître le mot sedere qui désigne tout bêtement le – postérieur.
Quoi qu’il en soit en fin de compte de l’authenticité du texte que la Dame SKA nous promet pour ce 1 avril, jour des fous et des bouffonneries, j’ai hâte de l’avoir entre les pattes. Parce qu’il ne sera pas dit que le Sanglier littéraire aura refusé de saluer et d’apprécier une bonne blague littéraire. Et encore moins un beau texte érotique !
↑1 | Cf. le résumé très intéressant de Sch., Henry, À Propos de Gamiani ou Deux nuits d’excès, roman licencieux de 1832–1833. Cf. aussi : Lubin, Georges, Faux et Usage de Faux. In : Les Amis de George Sand, Bulletin de Liaison, n° 3, 1978 |
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↑2 | cf. la vidéo présentée sur la page |
Commentaires
2 réponses à “George Sand, Inferno. Texte érotique authentique ou poisson d’avril ?”
j’en était arrivée au meme point ! :
L’auteur de la découverte « le professeur Delsedere » , dont je ne trouve aucune trace a part cité sur le site des éditions SKA : Sedere signifie s’assoir en italien, mais en argot, cela signifie « cul » ou « derche », ce qui nous donne un Signore « DUCUL »
Edmond Bieverfield :, le prétendu professeur de littérature comparée de l’université de Berkley et expert de Sand, qui aurait contribué à authentifier le manuscrit (dont on ne trouve aucune trace ni référence d’un quelconque travail universitaire, ni sur Sand ni sur tout autre auteur, à se demander s’il existe vraiment !) : avec une légère altération orthographique on obtient « Beaver » qui signifie « Castor » en anglais, et comme chacun sait, le castor travaille avec sa queue !
L‘illustratrice Marie Brizart, qui avec un petit changement orthographique également évoque une célèbre liqueur (évoquée dans l’extrait de texte proposé par l’éditeur ».
Plus la jarretière rose (avec de l’adnd de GS bien sur !), le papier piqué d’insectes…(attestant) de leur ancieenté et authenticité… (ah bon, c’est comme cela qu’on expertise des documents anciens ! ?)
Allez, c’était bien tenté tout de même…
Sophie
D