Jes­sy Drake, Le Chan­tage : Le cal­vaire d’une prof

Il y a une chose qu’on peut affir­mer sans cou­rir le moindre dan­ger de com­mettre une erreur : Le texte de Jes­sy Drake, dont des extraits ont été publiés très récem­ment sur le site Nou­velles éro­tiques, est ban­dant. Très bandant.

Après avoir donc d’en­trée de jeu affir­mé l’ef­fet de cette lec­ture, on peut y regar­der de plus près pour don­ner quelques rai­sons sup­plé­men­taires aux lec­teurs / lec­trices futur(e)s (si le besoin devait se faire res­sen­tir de cacher ses envies de se faire plai­sir sous des consi­dé­ra­tions plus « avouables ») de se ruer sur le site d’E­di­livre et de le com­man­der illi­co pres­to.

Noé­mie Fox est prof de lit­té­ra­ture, quelque part dans un pays anglo­phone. Elle aime les femmes et elle s’af­firme les­bienne, dès la pre­mière page :

L’une comme l’autre [Noé­mie et sa sœur Bar­ba­ra], nous nous reven­di­quons les­biennes. (p. 3)

Si seule­ment elle se dou­tait du périple dans lequel elle est des­ti­née de s’embarquer, le tout déclen­ché par le cadeau bien par­ti­cu­lier qu’elle reçoit le jour même de son anni­ver­saire, de la part d’une amie à laquelle Noé­mie aime­rait décer­ner un titre bien plus intime. On s’en doute, Jes­sy Drake ne lésine pas sur les moyens de mettre le lec­teur sous le charme, et ce dès la pre­mière page, en le fai­sant assis­ter à une soi­rée entre filles des plus agréables. Mal­heu­reu­se­ment, la vie de Noé­mie se trou­ve­ra très bien­tôt cham­bou­lée par des évè­ne­ment qu’elle ne contrôle plus, elle qui tire pour­tant sa fier­té pro­fes­sion­nelle du fait d’être une prof auto­ri­taire à laquelle la « sévé­ri­té […] assure un control [sic !] presque abso­lue sur [ses] élèves » (p. 13). C’est, et elle le com­pren­dra peu après le début de l’an­née sco­laire, comp­ter sans son hôte. Noé­mie sera contrainte de se remettre en ques­tion, elle et ses convic­tions d’i­den­ti­té sexuelle, par des ren­contres mul­tiples et diverses, mani­gan­cées par un pro­jet de ven­geance que ni elle ni lec­teur ne voit venir ! Ne nous trom­pons pas, il ne s’a­git pas d’un poli­cier dans la mou­vance des who­dun­nit, et on devine assez tôt qui se cache der­rière les déboires de Noé­mie. Quant aux moti­va­tions, c’est une autre paire de bottes. L’in­trigue éro­tique se double donc d’un mys­tère qu’il faut résoudre, ce qui ajoute une dimen­sion sup­plé­men­taire à la construc­tion de Jes­sy Drake.

À lire :
Axel, Une femme fidèle

Je l’ai dit dès le départ, c’est un roman ban­dant, ce qui veut dire confé­rer ses titres de noblesse à un roman éro­tique. J’ai ter­mi­né ses 200 pages dans quelques heures, c’est dire à quel degré les aven­tures de Noé­mie m’ont fas­ci­né. Il ne faut pour­tant pas pas­ser sous silence les quelques fai­blesses du texte sur les­quelles tré­buche le lec­teur, même si l’in­trigue contri­bue for­te­ment à rem­plir sa tête d’i­dées et d’i­mages bien autre­ment fas­ci­nantes. Il n’y a rien à dire sur la construc­tion, mais le texte méri­te­rait un tra­vail édi­to­rial sérieux. Les fautes de gram­maires et d’or­tho­graphes sont légion, et même si l’in­trigue fait pas­ser outre, on finit par avoir mal aux pieds, à force de tré­bu­cher en cours de lec­ture. La même obser­va­tion est valable pour les répé­ti­tions assez fré­quentes qui, si elles ne gâchent pas le plai­sir de la lec­ture, font quand même regret­ter l’ab­sence du savoir-faire d’un édi­teur avéré.

Pour résu­mer, on peut dire qu’on est est ici en pré­sence d’un très beau texte d’un auteur qui ose aller loin sans avoir peur de se mouiller, et qui sait sur­prendre ses lec­teurs. D’un texte qui est l’illus­tra­tion des fai­blesses et des mérites d’un sys­tème comme celui pro­pul­sé par Edi­livre. S’il faut saluer le fait que le roman a pu être publié (suite à des refus de la part d’é­di­teurs plus clas­siques mais mal avi­sés ?), on regrette de le voir se pré­sen­ter dans un état pour ain­si dire « pré-publiable ». Reste à espé­rer (je ne connais pas les détails des contrats d’E­di­livre) qu’une mai­son plus à même d’as­su­rer non seule­ment son édi­tion mais encore sa dif­fu­sion finisse par s’in­té­res­ser à ce joyau qu’il faut encore polir pour le faire briller avec l’é­clat qu’il mérite.

À lire :
Petit retour sur la portativité en littérature

Avant de conclure, un mot à pro­pos de l’au­teur : Je ne sais abso­lu­ment rien de Jes­sy Drake, à part le fait qu’il ou elle a contri­bué une nou­velle à une de mes Lec­tures esti­vales, Osez… 20 his­toires de sexe en vacances, et que j’ai beau­coup aimé le texte qui raconte les vacances de deux femmes, obli­gées, suite à une erreur de réser­va­tion, de par­ta­ger non seule­ment le même appar­te­ment mais encore le même lit. Je ne sau­rais même pas dire si Jes­sy Drake (pseu­do ? pas pseu­do ?) est un homme ou une femme. J’ai­me­rais l’i­ma­gi­ner en femme, mais c’est là qu’on entre dans les ter­rains glis­sants des fan­tasmes. Tou­jours est-il que, peu importe l’i­den­ti­té – sexuelle ou autre – de l’auteur(e), je ne peux que vous recom­man­der ce texte exquis.

Mise à jour

Ce texte a ini­tia­le­ment été publié sous le titre Une prof sous chan­tage et le nom de plume Tobin Williams. Il y a quelques semaines, il a été reti­ré du cata­logue d’E­di­livre pour réap­pa­raître, quelques jours plus tard, dans celui du géant de Seat­tle. Ces détails importent peu, le texte étant tout sim­ple­ment excellent. Et puis, il est deve­nu beau­coup moins cher…

Jessy Drake, Le chantage

Jes­sy Drake
Le chan­tage
Auto-édi­tion
ASIN :  B0163HTRVG (for­mat Kindle)

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95