Francine est le premier titre de la collection « Hot » des Éditions Pulsio, éditeur avec à son actif, au moment de la rédaction de cet article, un seul auteur, ses autres titres ayant été puisés dans le vaste réservoir des classiques du genre où tout le monde a l’habitude, ces jours-ci, de se servir (Gamiani, Les onze mille verges, etc.). Une première remarque, avant de plonger plus avant dans le sujet de cet article : Pour un éditeur qui se dit « 200% sexy » et une collection qui tire son nom de la chaleur érotique, il y a bien peu de sexe dans ce petit roman ! Mais faisons lui justice : Je n’ai pas (encore) lu la deuxième partie, Kuala Lumpur, et j’ai l’impression que le texte qui constitue l’actuelle première partie ne soit qu’une sorte de longue introduction, des préliminaires qui, dans les jeux érotiques, commencent souvent en douceur, ce qui ne laisse pourtant rien prédire de la tournure que prendront, éventuellement, les choses.
L’auteure de Francine a choisi de publier sous pseudonyme, Hamsa, ce qui renvoie à la mythologie hindoue, comme l’éditeur nous l’explique en appendice de son texte :
« Son nom de plume est inspiré par l’oie mythique qui sert de monture à Brahma. »
Le lecteur européen, face à une telle image, ne peut pas s’empêcher de songer à un autre exemplaire de la gent palmipède ayant servi de monture, au nom beaucoup plus prosaïque, à savoir Martin, fidèle compagnon des voyages du jeune Nils Holgersson qui lui ont permis de découvrir la Suède avec ses régions et ses peuples. Mais qu’on se détrompe, on est très loin, dans le monde de Francine, d’un voyage didactique à l’intention des élèves de l’école publique. Même si le parcours de Francine est, lui aussi, initiatique, et qu’il s’agit de lui faire découvrir – l’amour physique.
La protagoniste de notre histoire est donc vierge encore, à 27 ans. Ou, comme elle préfère exprimer ce fait assez inattendu : « Je n’ai pas connu d’homme » (chapitre « La tentation »). Cela peut être embarrassant quand on se trouve en compagnie d’un beau mâle, croisé à peine quelques heures plus tôt, et qu’on aimerait justement se débarrasser de cet état devenu inopportun. Mais cela prend des allures de catastrophe quand le mâle en question, placé devant le fait (pas) accompli, commence à se faire tout un film à propos des circonstances qu’il faut réunir quand il s’agit de faire franchir cette étape-là à une femme :
« Je veux que votre première fois soit empreinte de romantisme. Je veux le coucher du soleil, le chant du rossignol, et le vent dans les roseaux… Je veux un arc-en-ciel sous vos pieds, un diadème d’étoiles sur votre tête, et les embruns de l’océan dans votre haleine… »
Excusez du peu ! La réplique de notre héroïne ne laisse pas de doute à propos de ses priorités (« Si je suis avec vous, je me fiche du reste ! ») et est à la hauteur de sa façon incongrue de demander à son amant de se charger de son initiation : « Je veux être dépucelée par vous. » (« La tentation »). Une fille qui ne mâche pas ses mots, cette Francine !
Mais revenons en arrière pour mieux comprendre comment Francine a pu se retrouver dans une situation pareille. Tout a commencé avec sa visite, un jour d’hiver, chez une « pythonisse ». Venue pour savoir si elle doit ou non contracter un prêt immobilier (cela peut paraître ridicule, mais à force de songer aux affaires qui secouent le monde des finances et aux tentatives de nous les expliquer, cela le devient nettement moins), la « magicienne » lui révèle qu’elle trouvera l’amour. Ce qui semble se réaliser quand elle tombe, quelques semaines plus tard, sur un inconnu en train de sonner à la porte de son appartement. Il s’agit d’un ami et collègue de sa colocataire, un dénommé Longwei, médecin de son état et voyageur au long cours, employé d’une organisation humanitaire qui a pour but de combattre le Sida. Et quand la vierge rencontre le docteur, ça fait « boum » !
Mais il faut sans doute préciser que la belle Francine – 27 ans, des boucles blondes (une vraie blonde, comme on l’apprendra un peu plus tard), un corps d’albâtre – sort d’une journée assez mouvementée : Bossant pour une entreprise de mode, elle réussit à réaliser une très grosse affaire avec des clients arabes. Du coup, elle se retrouve promue directrice générale et responsable des boutiques que son patron s’apprête à acquérir en – Malaisie, pays où elle devra se rendre dans quelques jours en compagnie de son patron. Et comme si tout cela n’était pas assez, elle tombe donc sur un type tout ce qu’il y a de plus séduisant et qu’elle ne tardera pas à choisir entre tous pour être son premier. Mais comme les choses se compliquent, nous l’avons déjà vu, cela ne se passe pas comme ça. Pire encore, cela ne se passe pas du tout, parce que, au lieu de passer à l’acte, le sieur Longwei décide de demander Francine en mariage. Celle-ci, après mainte évocation, de par les deux partis concernés, du destin, de la folie et des difficultés de faire publier les bans en temps voulu, finit par accepter une proposition qu’on pourrait qualifier, pour le moins, d’inattendue…
Pouh ! On ne peut pas dire qu’il ne s’y passe rien, dans ce petit texte, bien au contraire… Sauf qu’il n’y a pas de sexe, dites-vous ? Du calme, lecteur impétueux, l’incendie a bien été allumé (dixit Francine), et notre héroïne trouvera enfin les arguments pour convaincre Longwei de s’occuper de sa belle comme il se doit. Mais, petit rappel, sans la pénétrer. Tout ça, donc, pour une session de broute-minou ? Oui, mais je dois avouer que celle-ci est belle. Ce qui est bien la moindre des choses après une attente qui ressemble à un martyre.
Il faut dire que cela ne m’arrive pas souvent de lire un texte classé hot où la femme, prête à tout, doit pratiquement mendier les caresses. Et où le protagoniste, après s’en être servi une dose généreuse à lui-même, recommande à sa partenaire de se procurer, et de consommer régulièrement, de l’huile essentielle de marjolaine afin de calmer ses ardeurs. On se demande vraiment à quoi peut ressembler la suite de cette aventures-là, et j’ai grande envie de me la procurer.
Qu’en est-il maintenant de ce texte ? Si je me suis permis d’en parler avec une certaine ironie, je ne voudrais pourtant pas en déconseiller la lecture. Il y a sans aucun doute certains passages plutôt faibles, comme p.ex. les dialogues qui parfois ressemblent à de véritables interrogatoires, et l’auteure n’échappe pas à cette funeste coûtume de sacrifier, tout au long du chapitre « Le cénacle », à la mode insupportable de placer les héroïnes dans un environnement de luxe, l’habitat naturel de tous ces distingués manipulateurs de chair féminine rendus tristement célèbres par le succès commercial de certains nuances. Mais on y trouve aussi une certaine naïveté de ton (et d’idées) qui donne un charme bien particulier à ce (début de) roman et il faut concéder à Hamsa qu’elle sait aussi surprendre, surtout par un certain réalisme des descriptions et des analyses qui semble remettre en question certains propos loufoques que ses personnages ne se privent pas de débiter. Et il y a bien sûr la protagoniste, la délicieuse Francine, dont la disposition aussi soudainement que miraculeusement éclose de découvrir le côté charnel des plaisirs promet de belles pages pour les chapitres à venir. Disons, pour conclure, que ce texte m’a rendu curieux, et c’est là une bien belle chose.
Francine – Paris (première partie)
Éditions Pulsio
ISBN : 978−2−37113−000−5