Eri­ka Sauw, Ten­ta­tions – Dési­rs de Nymphes, t. 3

Il sem­ble­rait que cer­tains ont la mort dure, sur­tout dans le domaine de l’é­di­tion numé­rique. On se rap­pelle que les Édi­tions Arta­lys avaient annon­cé leur dis­pa­ri­tion pour le 31 décembre 2016, annonce relayée et com­men­tée par votre ser­vi­teur le 4 novembre de l’an­née pas­sée. Mais voi­ci que, trois mois après la date fati­dique, cette même mai­son publie Ten­ta­tions, troi­sième et der­nier épi­sode de la saga éro­tique Dési­rs de Nymphes signée Eri­ka Sauw. Faut-il désor­mais croire aux reve­nants lit­té­raires ? L’ex­pli­ca­tion est, mal­gré les pré­fé­rences de l’au­trice dont nous nous apprê­tons à par­ler, moins sur­na­tu­relle que ce que ces acti­vi­tés post mor­tem pour­raient lais­ser croire. L’é­di­teur prend la parole et s’en explique dans un post publié sur la page Face­book de la mai­son : Arta­lys n’é­tant pas en liqui­da­tion judi­ciaire, rien ne s’op­pose à la pour­suite des acti­vi­tés, mais celles-ci seront désor­mais très restreinte.

Il s’a­git donc, au lieu d’une triom­phante résur­rec­tion pré-pas­cale, d’une volon­té mani­feste de faire le ménage avant de par­tir afin de satis­faire, dans la mesure du pos­sible, les auteurs et les lec­teurs, et de ne pas lais­ser les affaires en sus­pens. Ce qui aurait pu arri­ver à Mme Sauw et ses char­mantes créa­tures, expo­sées au risque de se voir pri­vées de – conclusion.

Le pire a donc été évi­té, et les lec­teurs peuvent à nou­veau goû­ter aux délices sen­suels qu’E­ri­ka Sauw sait si bien tra­duire en paroles, au point de mettre sous le charme jus­qu’au moins éso­té­rique de ses lec­teurs, enclin à pas­ser l’é­ponge sur les cou­lisses par trop sur­na­tu­relles de cette série éro­ti­co-fan­tas­tique. Pour­vu que ça baise ferme au pays des satyres et des nymphes, et que la cyprine y coule à flots ! Et on constate très vite qu’E­ri­ka n’a pas l’in­ten­tion de déce­voir ses habi­tués qui se retrouvent presque aus­si­tôt dans une ambiance des plus cocasses où Ber­nard le satyre n’a aucune inten­tion de cacher sa volon­té de bai­ser la fille et la mère en même temps et où cette der­nière regarde, avec une cer­taine appré­hen­sion, cou­ler la semence du satyre sus-men­tion­né le long des cuisses de sa pro­gé­ni­ture visi­ble­ment épanouie.

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Les vacances sont finies, en ce début de troi­sième épi­sode, et il s’a­git de ren­trer au domi­cile où Karine doit confron­ter ses parents aux chan­ge­ments qu’elle a subis pen­dant son séjour en bord de mer et à la pos­si­bi­li­té d’un départ défi­ni­tif pour l’u­ni­vers des joies sans fin réser­vées aux jeunes filles per­chées sur les queues de leurs amants infa­ti­gables. Mais, avant d’a­bor­der ce sujet épi­neux, Karine, de retour dans les lieux qui l’ont vu gran­dir, prend un malin plai­sir à y lais­ser l’empreinte de son édu­ca­tion sexuelle par­ache­vée, par exemple en s’é­gout­tant sur la moquette de sa chambre dans la mai­son de ses parents :

Mon sexe nu lais­sa tom­ber quelques gouttes de cyprine sur la moquette de ma chambre.

Quel beau résu­mé pour scel­ler la fin de l’a­do­les­cence et l’a­vè­ne­ment de la femme adulte et épa­nouie au-delà du possible !

Eri­ka, rom­pue à l’exer­cice de l’é­cri­ture éro­tique, excelle une fois de plus dans l’art de pous­ser ses phrases bien au-delà de toute décence, tout en gar­dant un ton tout ce qu’il y a de plus conve­nable, un ton qu’on ima­gine à sa place dans n’im­porte quelle conver­sa­tion. Et on constate, éba­hi, un sens phé­no­mé­nal de l’é­qui­libre, lui per­met­tant d’ap­pe­ler les choses par leurs noms sans jamais céder au mau­vais goût :

Il me fai­sait bon­dir sur lui comme si je n’avais rien pesé et mon vagin était vigou­reu­se­ment raboté.

Dési­rs de Nymphes est, comme son titre l’in­dique, un texte qui puise une bonne par­tie de son ins­pi­ra­tion dans une mytho­lo­gie assez éclec­tique pour ne pas dire hété­ro­clite. C’est cette par­tie mytho­lo­gique dont j’au­rais pu me pas­ser et qui par­fois me met mal à l’aise, sans pour autant rien ôter au plai­sir de la nar­ra­tion trem­pée de sen­sua­li­té jus­qu’à la moelle. Il serait trop facile et pas tout à fait juste de dire que celle-ci y est omni­pré­sente, mais on peut affir­mer qu’elle sous-tend le texte, qu’elle sourd de l’in­trigue et des paroles sans qu’on puisse dire laquelle des deux ins­pire l’une et condi­tionne l’autre. C’est plu­tôt que les deux dimen­sions du récit s’in­ter­pé­nètrent, s’en­ri­chissent, se fécondent mutuel­le­ment, pour abou­tir à un ensemble où résonnent des cris de ten­dresse et des mur­mures orgasmiques.

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Je ne ren­drais pas jus­tice au texte si j’o­met­tais un petit bémol : Vers la fin, les choses se pré­ci­pitent un peu trop et le lec­teur ter­mine la der­nière page en se deman­dant si, par hasard, l’au­trice n’au­rait pas vou­lu se débar­ras­ser de ses per­son­nages deve­nus inop­por­tuns à force de les côtoyer pen­dant trop long­temps. À moins que la pers­pec­tive de voir sa cré­me­rie fer­mer les portes ne l’ait pous­sée à conclure en vitesse, un pro­cé­dé mal pla­cé dans le contexte sen­suel du texte en ques­tion. Mais cette conclu­sion pré­ci­pi­tée ne sau­rait faire oublier les points forts d’une lec­ture aus­si coquine que raf­fi­née, et je ne peux que recom­man­der les aven­tures de Karine aux lec­teurs sou­cieux de dépay­se­ment éro­tique. Si j’ai lar­ge­ment pré­fé­ré Com­pro­mis­sion pour ce qui est de la belle réa­li­té contem­po­raine qu’E­ri­ka sait y évo­quer, une réa­li­té bario­lée de sen­sua­li­té et de désir, j’ai quand même appré­cié Dési­rs de Nymphes parce qu’on y retrouve la même sen­sua­li­té enivrante et enva­his­sante dont Eri­ka Sauw semble avoir le secret et qu’elle réus­sit si bien à cou­ler en paroles, peu importe le contexte.

Eri­ka Sauw
Ten­ta­tions (Dési­rs de Nymphes, t. 3)
Édi­tions Arta­lys
ISBN : 9782375900123

La Sirène de Montpeller