Dans le domaine littéraire, l’année 2016 se termine sur un grand bémol. Après avoir sonné le glas pour des éditeurs comme House made of dawn, Nelson District et La Bourdonnaye, voici venu le tour des Éditions Artalys de mettre leur clé sous le paillasson :

Il n’est certes pas inhabituel de voir disparaître des éditeurs, surtout dans un domaine qui, comme l’édition en numérique – toutes les maisons évoquées dans le paragraphe précédent étaient en grande partie orientées vers le numérique – est en pleine effervescence, mais il est tout aussi vrai que chaque disparition laisse une lacune difficile à combler. Et pas seulement, contrairement à ce que l’on pourrait croire, pour les auteurs, mais aussi et surtout pour les lecteurs qui, eux, se voient privés de l’accès à un grand nombre de textes.
Quant aux éditions Artalys, je ne suis pas un grand habitué de cette maison dont le catalogue est principalement axé, d’après la présentation qui se trouve sur leur site internet, sur la romance (la collection « Sentimental ») et « les littératures de l’imaginaire : fantasy, fantastique ou science-fiction » (collection « Hors réel »), des genres qui n’attirent pas plus que ça votre serviteur. Mais Artalys a aussi eu le mérite de compter dans ses rangs une autrice dont j’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprises et dont les textes m’ont procuré des heures d’un plaisir non mitigé. J’ai nommé Erika Sauw, une femme qui s’est conquis une renommée certaine parmi les amateurs de littérature érotique et dont j’ai fait entrer le dernier titre en date – Désirs de Nymphes, une série dont seuls les deux premiers tomes ont déjà été publiés – dans l’édition 2016 des Lectures estivales. À côté d’Erika, il faut citer, parmi les auteurs que j’ai déjà pu accueillir dans les colonnes de la Bauge, Yannnis Z. et Marie Laurent, dont les textes publiés chez Artalys ne seront plus disponibles à partir du 1 janvier 2017. À moins, bien sûr, qu’ils réussissent à trouver un nouvel éditeur, ce qui, même pour un auteur déjà publié, est loin d’être évident.
Et voici qu’il convient de s’interroger à propos du lecteur qui, lui aussi, fonce droit dans le mur d’une problématique liée à l’édition numérique, à savoir celle de la disponibilité des textes en cas de disparition de l’éditeur. Les livres en papier restent en circulation des années voire des décennies après leur publication, et continuent à s’échanger entre particuliers. Un tour sur Ebay ou le marché aux puces du coin suffit pour s’en convaincre. Mais qu’en est-il du livre numérique ? Essayez un peu de vous procurer un exemplaire de, par exemple, De monstrorum natura, texte de Sylvain Namur ayant sombré dans le même trou noir que feu son éditeur, House made of dawn. Les librairies numériques auront déjà supprimé le titre de leurs catalogues, et vous vous trouverez dans l’impossibilité de l’acquérir. Il est certes possible, dans un certain nombre de cas, de passer par des sites de téléchargement dont on peut remettre en question la légitimité, mais rien n’est moins sûr que d’y trouver le texte précis qu’on aimerait lire – pour passer sous silence les considérations morales et juridiques liées à une telle démarche. Car, vous l’aurez compris, toute cette question est liée au statut du livre numérique, à la question du droit de propriété et de ceux du lecteur. Encore une fois, aucun problème du côté des livres papier, mais un terrain vierge – ou presque – du côté du numérique. Lionel Maurel aka Calimaq s’est penché sur la question de l’épuisement des droits d’auteur (par la vente d’un livre, par exemple) et a exposé le problème de façon pertinente :
Cet épuisement des droits permettait au lecteur d’exercer librement tout un ensemble de facultés, du moment qu’il ne faisait pas de copie de l’ouvrage : en disposer, l’annoter, le prêter, le donner, le revendre même, sans que le droit d’auteur n’ait rien à redire. Avec le livre numérique, les choses sont complètement différentes et même après l’achat du fichier, les droits du lecteur demeurent étroitement conditionnés par le droit d’auteur. (Calimaq, Le livre numérique, les libertés et l’appel des 451)
Je n’ai pas l’intention de m’engager plus loin dans cette question, ma seule intention étant de mettre en garde mes lecteurs à propos d’un des problèmes liés à la disparition d’un éditeur numérique. Si vous êtes donc tentés par un des auteurs de chez Artalys que je viens de citer, allez‑y tout de suite, foncez vers la librairie numérique de votre confiance et déliez les cordons de votre bourse. Dans quelques semaines à peine, il sera trop tard, et il vous sera inutile de baver sur mes articles à propos d’une Erika Sauw, vous ne pourrez plus plonger dans l’indécence de l’univers lubrique de Compromission ou de Désirs de nymphes. Du coup, je vous rend la démarche plus facile en vous fournissant ici même le lien vers la totalité des titres de chez Artalys sur 7switch.
Une petite remarque avant de conclure : Ne serait-il pas préférable de consulter plus souvent – et de façon régulière – les catalogues des petites maisons numériques ? Avant qu’il ne soit trop tard et qu’on se désole – une fois de plus et bien inutilement – devant un espace vide…