En-tête de la Bauge littéraire

Arta­lys – un autre édi­teur disparaît

Dans le domaine lit­té­raire, l’an­née 2016 se ter­mine sur un grand bémol. Après avoir son­né le glas pour des édi­teurs comme House made of dawn, Nel­son Dis­trict et La Bour­don­naye, voi­ci venu le tour des Édi­tions Arta­lys de mettre leur clé sous le paillasson :

Les Édi­tions Arta­lys annoncent leur fer­me­ture sur leur compte Facebook.

Il n’est certes pas inha­bi­tuel de voir dis­pa­raître des édi­teurs, sur­tout dans un domaine qui, comme l’é­di­tion en numé­rique – toutes les mai­sons évo­quées dans le para­graphe pré­cé­dent étaient en grande par­tie orien­tées vers le numé­rique – est en pleine effer­ves­cence, mais il est tout aus­si vrai que chaque dis­pa­ri­tion laisse une lacune dif­fi­cile à com­bler. Et pas seule­ment, contrai­re­ment à ce que l’on pour­rait croire, pour les auteurs, mais aus­si et sur­tout pour les lec­teurs qui, eux, se voient pri­vés de l’ac­cès à un grand nombre de textes.

Quant aux édi­tions Arta­lys, je ne suis pas un grand habi­tué de cette mai­son dont le cata­logue est prin­ci­pa­le­ment axé, d’a­près la pré­sen­ta­tion qui se trouve sur leur site inter­net, sur la romance (la col­lec­tion « Sen­ti­men­tal ») et « les lit­té­ra­tures de l’imaginaire : fan­ta­sy, fan­tas­tique ou science-fic­tion » (col­lec­tion « Hors réel »), des genres qui n’at­tirent pas plus que ça votre ser­vi­teur. Mais Arta­lys a aus­si eu le mérite de comp­ter dans ses rangs une autrice dont j’ai eu l’oc­ca­sion de par­ler à plu­sieurs reprises et dont les textes m’ont pro­cu­ré des heures d’un plai­sir non miti­gé. J’ai nom­mé Eri­ka Sauw, une femme qui s’est conquis une renom­mée cer­taine par­mi les ama­teurs de lit­té­ra­ture éro­tique et dont j’ai fait entrer le der­nier titre en date – Dési­rs de Nymphes, une série dont seuls les deux pre­miers tomes ont déjà été publiés – dans l’é­di­tion 2016 des Lec­tures esti­vales. À côté d’E­ri­ka, il faut citer, par­mi les auteurs que j’ai déjà pu accueillir dans les colonnes de la Bauge, Yann­nis Z. et Marie Laurent, dont les textes publiés chez Arta­lys ne seront plus dis­po­nibles à par­tir du 1 jan­vier 2017. À moins, bien sûr, qu’ils réus­sissent à trou­ver un nou­vel édi­teur, ce qui, même pour un auteur déjà publié, est loin d’être évident.

À lire :
Erika Sauw, Désirs de nymphes

Et voi­ci qu’il convient de s’in­ter­ro­ger à pro­pos du lec­teur qui, lui aus­si, fonce droit dans le mur d’une pro­blé­ma­tique liée à l’é­di­tion numé­rique, à savoir celle de la dis­po­ni­bi­li­té des textes en cas de dis­pa­ri­tion de l’é­di­teur. Les livres en papier res­tent en cir­cu­la­tion des années voire des décen­nies après leur publi­ca­tion, et conti­nuent à s’é­chan­ger entre par­ti­cu­liers. Un tour sur Ebay ou le mar­ché aux puces du coin suf­fit pour s’en convaincre. Mais qu’en est-il du livre numé­rique ? Essayez un peu de vous pro­cu­rer un exem­plaire de, par exemple, De mons­tro­rum natu­ra, texte de Syl­vain Namur ayant som­bré dans le même trou noir que feu son édi­teur, House made of dawn. Les librai­ries numé­riques auront déjà sup­pri­mé le titre de leurs cata­logues, et vous vous trou­ve­rez dans l’im­pos­si­bi­li­té de l’ac­qué­rir. Il est certes pos­sible, dans un cer­tain nombre de cas, de pas­ser par des sites de télé­char­ge­ment dont on peut remettre en ques­tion la légi­ti­mi­té, mais rien n’est moins sûr que d’y trou­ver le texte pré­cis qu’on aime­rait lire – pour pas­ser sous silence les consi­dé­ra­tions morales et juri­diques liées à une telle démarche. Car, vous l’au­rez com­pris, toute cette ques­tion est liée au sta­tut du livre numé­rique, à la ques­tion du droit de pro­prié­té et de ceux du lec­teur. Encore une fois, aucun pro­blème du côté des livres papier, mais un ter­rain vierge – ou presque – du côté du numé­rique. Lio­nel Mau­rel aka Cali­maq s’est pen­ché sur la ques­tion de l’épui­se­ment des droits d’au­teur (par la vente d’un livre, par exemple) et a expo­sé le pro­blème de façon pertinente :

Cet épui­se­ment des droits per­met­tait au lec­teur d’exercer libre­ment tout un ensemble de facul­tés, du moment qu’il ne fai­sait pas de copie de l’ouvrage : en dis­po­ser, l’annoter, le prê­ter, le don­ner, le revendre même, sans que le droit d’auteur n’ait rien à redire. Avec le livre numé­rique, les choses sont com­plè­te­ment dif­fé­rentes et même après l’achat du fichier, les droits du lec­teur demeurent étroi­te­ment condi­tion­nés par le droit d’auteur. (Cali­maq, Le livre numé­rique, les liber­tés et l’appel des 451)

Je n’ai pas l’in­ten­tion de m’en­ga­ger plus loin dans cette ques­tion, ma seule inten­tion étant de mettre en garde mes lec­teurs à pro­pos d’un des pro­blèmes liés à la dis­pa­ri­tion d’un édi­teur numé­rique. Si vous êtes donc ten­tés par un des auteurs de chez Arta­lys que je viens de citer, allez‑y tout de suite, fon­cez vers la librai­rie numé­rique de votre confiance et déliez les cor­dons de votre bourse. Dans quelques semaines à peine, il sera trop tard, et il vous sera inutile de baver sur mes articles à pro­pos d’une Eri­ka Sauw, vous ne pour­rez plus plon­ger dans l’in­dé­cence de l’u­ni­vers lubrique de Com­pro­mis­sion ou de Dési­rs de nymphes. Du coup, je vous rend la démarche plus facile en vous four­nis­sant ici même le lien vers la tota­li­té des titres de chez Arta­lys sur 7switch.

À lire :
Les Chattes se refont une beauté - sur papier

Une petite remarque avant de conclure : Ne serait-il pas pré­fé­rable de consul­ter plus sou­vent – et de façon régu­lière – les cata­logues des petites mai­sons numé­riques ? Avant qu’il ne soit trop tard et qu’on se désole – une fois de plus et bien inuti­le­ment – devant un espace vide…