Annie May, Dr Medusa

Voi­ci un texte qui s’est fait attendre. Au point que je déses­pé­rais déjà de le voir jamais paraître. Le der­nier article consa­cré à la série a été publié en jan­vier 2015, peu après la paru­tion des tomes 3 et 4 de la série, Oui, mon colo­nel et SVP doc­teur. Ensuite quelques mois plus tard en août 2015, le tome 5 a vu le jour, La guerre tendre[1]Quelques mois plus tard, le 30 octobre 2015, la série a accueilli un petit der­nier, un tome 6 inti­tu­lé Hal­lo­ween, mais comme il s’a­git là d’un texte HS où ne figure pas la pro­ta­go­niste, Stel­la, … Conti­nue rea­ding. Je ne sais plus pour­quoi je n’ai jamais par­lé ici de ce der­nier texte, sans doute parce que, comme d’ha­bi­tude, les Lec­tures esti­vales absor­baient à ce moment jus­qu’au der­nier ins­tant de mon temps libre et que, une fois celles-ci ter­mi­nées, d’autres textes avaient détour­né mon atten­tion de l’u­ni­vers des Aspi­rantes. Ce qui n’empêche que j’ai gar­dé un bon sou­ve­nir de ce cin­quième opus, un apo­gée sur les cha­peaux de roue, un cliff-han­ger digne des meilleures séries de Net­flix et d’autres géants du binge wat­ching.

Et puis, depuis donc fin octobre 2015, pen­dant presque quatre ans, plus rien sauf par­fois des articles sur le blog de l’au­trice pour expli­quer que cela n’a­van­çait pas, comme par exemple à la date du 27 juillet 2016 sous l’in­ti­tu­lé on ne peut plus clair, Délai pour la publi­ca­tion de Dr Medu­sa :

C’est étrange comme cette his­toire devient de plus en plus dif­fi­cile à écrire, alors même que la suite est de plus en plus claire dans ma tête.[2]Annie May, Délai pour la publi­ca­tion de Dr Medu­sa

J’ai vu d’autres séries se ter­mi­ner sans conclure, et Mar­ga­ret et ses filles et Entre de bonnes mains ne sont que les exemples les plus dou­lou­reux d’un par­cours du com­bat­tant éter­nel­le­ment pri­vé de l’ins­tant chan­tilly, si je peux me per­mettre de me ser­vir dans un tel contexte de la for­mule consa­crée par Espar­bec. Mais cette fois-ci, j’ai eu une adresse mail, et il y a déjà eu et des échanges entre l’au­trice et moi au fur et à mesure de la publi­ca­tion de mes articles. Et comme un San­glier est têtu et que, une fois séduit, la Bête ne lâche rien, je n’ai pas arrê­té de don­ner de mes nou­velles et de deman­der en même temps ce qu’il en était de la suite des aven­tures de Stel­la. Et j’ai tou­jours eu une réponse ! Par­fois des mois plus tard, mais réponse quand même, ce qui m’a déjà mis dans des dis­po­si­tions très favo­rables. On sen­tait qu’il y avait un réel enga­ge­ment der­rière ces petits bouts de vie qui m’ar­ri­vaient de l’autre côté de l’o­céan, et je ne déses­pé­rais pas de voir l’au­trice don­ner une suite aux frasques de ses Aspi­rantes. Et voi­ci que j’ai reçu, très exac­te­ment le 10 avril 2019, un petit mot où Annie m’an­non­çait qu’elle « ne lâchait pas Stel­la » ! J’ai été très exci­té, parce que cela pal­pi­tait de vie et de sérieux. Et voi­ci que, la baga­telle de quatre mois plus tard, j’ai enfin pu accueillir un nou­veau tome dans ma liseuse, le tout gar­ni d’un visuel qui indi­quait très clai­re­ment que cette suite se pla­çait corps et âme dans l’u­ni­vers ten­ta­cu­laire de Stel­la, de ses Aspi­rantes, des Abo­mi­na­tions et des Conver­tis qu’il fal­lait mani­pu­ler en « ser­rant » leurs pis­tils. Un lan­gage pro­met­teur dont j’a­vais gar­dé le meilleur sou­ve­nir, porte d’un uni­vers bien par­ti­cu­lier que j’a­vais hâte de retrouver.

Rece­voir l’an­nonce de la paru­tion pro­gram­mée pour le 1er août et ache­ter le livre une fois la date fati­dique arri­vée ne furent qu’un – ou presque, abs­trac­tion faite des quelques jours entre l’an­nonce de la pré­vente et l’ac­tuelle dis­po­ni­bi­li­té du texte. Et cette fois-ci, je me suis octroyé le plai­sir de lire au plus vite – en pleine Lec­ture esti­vale – ce nou­vel épi­sode afin de ne pas tom­ber dans le même piège que quatre ans plus tôt. Après tout, l’en­ga­ge­ment au long cours de la part de l’au­trice, sa volon­té d’ai­rain de sur­mon­ter tous les obs­tacles afin de faire revivre sa créa­ture, ne méritent-t-ils pas un petit effort de la part du San­glier afin de par­ler à ses lec­teurs dans les meilleurs délais de ce texte atten­du pen­dant aus­si longtemps ?

À lire :
Dominique Lémuri, En Adon je puise mes forces

Après quatre ans, le plus dur a été de se sou­ve­nir de ce qui s’est pas­sé pour conduire Stel­la là où l’au­trice nous la fait redé­cou­vrir, à savoir dans la base, dans son lit au milieu du dor­toir, en train de – se faire plai­sir. J’ai bien réflé­chi un peu, j’ai relu mes propres articles, et j’ai déci­dé d’a­voir le cou­rage des lacunes et de me lan­cer en fai­sait confiance à l’au­trice de ne pas lais­ser ses lec­teurs se débrouiller tous seuls. Et c’est exac­te­ment ce qu’elle a fait en plan­tant çà et là des indices pour faci­li­ter la redé­cou­verte de sa pro­ta­go­niste. Quant à l’am­biance, aucun pro­blème de ce côté-ci, l’au­trice maî­tri­sant un style bien à elle pour assu­rer une immer­sion totale dès les pre­mières lignes. Nous retrou­vons donc Stel­la de retour à la base, après sa décon­fi­ture à la fin de l’é­pi­sode pré­cé­dent qui l’a vue fuir les machi­na­tions du colo­nel Craggs et de ses sombres cama­rades de débauche. Et comme la vie de Stel­la est pla­cée, depuis le début de son enga­ge­ment en tant que’As­pi­rante, sous le signe de l’hu­mi­lia­tion sexuelle, on ne s’é­tonne pas de la voir aus­si­tôt sous l’emprise de la Ser­gente Aki Rhys, son enne­mie de plu­sieurs épi­sodes pas­sée maî­tresse dans l’art d’a­néan­tir jus­qu’au der­nier reste d’hu­ma­ni­té dans sa façon de trai­ter les recrues.

Après un tel départ sur les cha­peaux de roues, la suite de l’a­ven­ture amène Stel­la à renouer avec les per­son­nages croi­sés au fur et à mesure des épi­sodes pré­cé­dents, comme pré­ci­sé­ment avec la Ser­gente Rhys et le colo­nel Craggs, mais sur­tout avec Cla­ra, cama­rade et amante qui lui fera décou­vrir un amour allant plus loin que les plai­sirs de la chair :

Elle [i.e. Stel­la] avait ces­sé de comp­ter les orgasmes ; il y avait déjà un moment qu’elle ne les dis­tin­guait plus les uns des autres. Stel­la déci­da qu’elle n’en pou­vait plus, que ses mâchoires étaient très endo­lo­ries, sa langue trop raide, alors elle arrê­ta. Cla­ra se redres­sa, un sou­rire écla­tant aux lèvres, et la pres­sa contre elle. Elles s’embrassèrent encore, dou­ce­ment, mêlant la cyprine à la sève dans un bais­ser [sic] qui était le sou­ve­nir de leurs ébats. Et Stel­la com­prit ce qu’était l’amour.[3]May, Annie, Dr Medu­sa (Bio Super Élite : les Aspi­rantes t. 7), Édi­tions les Che­mins Obs­curs, empla­ce­ment 476

Leur ren­contre, dans les toi­lettes atte­nant au dor­toir, consti­tue d’ailleurs un des moments culmi­nants de l’é­pi­sode, un véri­table débor­de­ment de sen­sua­li­té où l’au­trice tire un sin­gu­lier pro­fit de l’op­po­si­tion entre d’un côté l’en­vi­ron­ne­ment froid et presque cli­nique et de l’autre la dou­ceur des chairs expo­sées et la pas­sion des caresses. Et il y a autre chose encore qui place cette scène à un niveau bien supé­rieur par rap­port à celles de ces gestes les­biens qu’on a pris l’ha­bi­tude de trou­ver dans pra­ti­que­ment n’im­porte quel texte se reven­di­quant éro­tique : au cours de ces retrou­vailles presque aus­si­tôt dégé­né­rées en séance de bouffe-minou, c’est le res­sen­ti de Stel­la qui est pla­cé sous le feu des pro­jec­teurs. Et comme celle-ci n’a pas le moindre secret devant la voix nar­ra­tive qui se révèle ici omni­sciente, au cou­rant des pen­sées les plus intimes de la pro­ta­go­niste, elle sera entiè­re­ment dévoi­lée aux lec­teurs, jus­qu’à ses réflexions les plus intimes, seule­ment à moi­tié conscientes. C’est grâce à cette omni­science que le lec­teur a le plai­sir – mais aus­si la sur­prise – de pou­voir accom­pa­gner Stel­la dans un voyage qui l’a­mè­ne­ra bien au-delà de ses réserves ini­tiales où il est même ques­tion de dégoût et de l’é­goïsme de celle qui pro­fite des atten­tions pas­sion­nées de la part d’une cama­rade clai­re­ment amou­reuse en res­tant, de son côté, froide sans pou­voir assu­rer la réci­pro­ci­té des sen­ti­ments, assu­mant la tâche qui lui revient comme une cor­vée méca­nique. Et puis que se pro­duit, face à la « vision magni­fique [d”]un être aimé sou­mis au plai­sir », face à la force d’une pas­sion déclen­chée par des caresses ini­tia­le­ment pure­ment méca­niques mais reçues par une femme qui aime, le miracle d’une pas­sion qui englobe celle qui offre les caresses et se retrouve embar­quée à son tour dans le mael­strom d’une pas­sion échap­pée à tout contrôle. J’ai très rare­ment eu le plai­sir de lire une ana­lyse aus­si per­ti­nente et de pou­voir assis­ter à une trans­for­ma­tion aus­si radi­cale, la pas­sion et l’a­mour se sub­sti­tuant au dégoût ini­tial et aux remises en ques­tion, une expé­di­tion qui se résume en quelques para­graphes, mais dont l’é­ten­due se mesure en années-lumière.

À lire :
Annie May, Bio Super Élite. Le bonheur est dans le pré

Aux liens pas­sés viennent s’a­jou­ter de nou­veaux per­son­nages comme la capi­taine Sum­mer Dor­man et le doc­teur Medu­sa, per­son­nage énig­ma­tique au visage caché par un masque ce qui donne lieu à toute sorte de sup­po­si­tions quant aux défi­gu­ra­tions dues aux muta­tions subies. Ces nou­velles ren­contres auront d’ailleurs un effet presque immé­diat et assez bou­le­ver­sant sur Stel­la. Rom­pant avec les habi­tudes d’une vie entière, elle décide d’embrasser enfin ses ori­gines, son iden­ti­té pro­fonde et cachée jusque-là, s’af­fi­chant désor­mais dans la splen­deur de son corps de mutante à l’é­pi­derme satu­ré de chlorophylles.

Si Stel­la embrasse donc, d’un côté, les humi­lia­tions aux­quelles Aki Rhys et le colo­nel Craggs deve­nu proxé­nète la sou­mettent dans un effort com­mun, au point de lui faire accep­ter un nou­veau ren­dez-vous avec les tor­tion­naires du tome pré­cé­dent, de nou­velles ren­contres contri­buent à la pro­pul­ser en avant, à dépas­ser le pas­sé figé dans la dis­si­mu­la­tion, un pas en avant qui s’ac­com­pagne par la décou­verte, sous la langue de Stel­la, d’un amour bien plus intense que la somme de ses orgasmes. Cette dyna­mique per­son­nelle s’ac­com­pagne d’é­vo­lu­tions au niveau social dans le groupe des Aspi­rantes où une nou­velle dyna­mique, créée au moins en par­tie grâce aux révé­la­tions des per­son­nages nou­vel­le­ment intro­duits, abou­tit à moins d’a­ni­mo­si­té entre les jeunes femmes sou­cieuses de pous­ser vers l’é­tape sui­vante ce qui amorce une meilleure col­la­bo­ra­tion au sein du groupe.

Dans le sep­tième tome de Bio Super Élite des liens se renouent et de nou­velles rela­tions se tissent, des chan­ge­ments pré­pa­rés de longue date se pré­cisent, mais l’au­trice, l’at­ten­tion entiè­re­ment consa­crée aux déve­lop­pe­ments de sa pro­ta­go­niste, nous laisse dans le noir quant à la direc­tion que va prendre l’in­trigue. Et à côté des retrou­vailles, il y a aus­si une grande absence. L’élé­ment ten­ta­cu­laire, intro­duit dès le pre­mier volume, est presque absent de ce sep­tième épi­sode, sauf dans un très court pas­sage où la nar­ra­tion reste étran­ge­ment vide de toute pas­sion et où la des­crip­tion de l’ef­fet des pis­tils sur le corps et la psy­ché de Stel­la reste tout ce qu’il y a de plus som­maire. Cette lacune est d’au­tant plus à déplo­rer que ce fut là un des points forts de la narration.

Le nou­veau volume des aven­tures de Stel­la res­semble, après les points forts et l’in­trigue éprou­vant du volume pré­cé­dent, à une sorte de tran­si­tion, un texte où des déve­lop­pe­ments pré­pa­rés dans les volumes pré­cé­dents se pré­cisent et qui pré­pare en même temps l’é­mer­gence d’une nou­velle Stel­la prête à faire face aux défis à venir. Il ne reste plus qu’à attendre la nature de ces défis.

Bio Super Élite – la série

Annie May, Bio Super Elite
Annie May, Bio Super Elite – les six pre­miers tomes parus entre 2013 et 2015

Annie May
Dr Medu­sa
Les Aspi­rantes, t. 7
Auto-édi­tion
ISBN : 9780463036433

Annie May, Dr Mabuse. Les Aspirantes t. 7
Annie May, Dr Medu­sa. Les Aspi­rantes t. 7

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Quelques mois plus tard, le 30 octobre 2015, la série a accueilli un petit der­nier, un tome 6 inti­tu­lé Hal­lo­ween, mais comme il s’a­git là d’un texte HS où ne figure pas la pro­ta­go­niste, Stel­la, il est pas­sé un peu sous le radar.
2 Annie May, Délai pour la publi­ca­tion de Dr Medusa
3 May, Annie, Dr Medu­sa (Bio Super Élite : les Aspi­rantes t. 7), Édi­tions les Che­mins Obs­curs, empla­ce­ment 476
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95