Alison est un des premiers titres à être publiés par les Éditions La Bagatelle, tout jeune acteur dans le champ des pure players de l’édition numérique, spécialisé ce qui plus est dans un domaine que le Sanglier littéraire apprécie tout particulièrement, à savoir l’érotisme. Impossible donc de passer à côté quand j’ai vu défiler, dans le fil des nouveautés d’Immatériel, une fournée de quatre titres les uns plus prometteurs que les autres, tous publiés par une maison dont le nom m’était resté inconnu jusque-là. Rien d’étonnant à cela pourtant, vu que les recherches initiées par cette découverte m’ont très vite révélé que cette maison-là venait d’ouvrir ses portes et de faire ses premiers pas dans le monde de la littérature numérique, et que les quatre titres en question constituaient la première fournée de leurs parutions, fournée livrée toute chaude et croustillante aux internautes et aux amateurs de littérature – numérique et érotique.
À propos « premiers pas » : c’est un terme qui ne saurait s’appliquer au fondateur de la maison, Nicolas Cartelet, qui s’est acquis une certaine renommée dans la communauté numérique en tant que propriétaire du blog les choses dites et auteur d’un roman de science fiction mythologique, Néagè, réputation qu’on verra sans doute s’affirmer dans les mois à venir, M. Cartelet ayant eu le courage de lancer sa propre maison d’édition.
Un premier coup d’œil sur les titres proposés par la maison révèle tout d’abord la beauté des couvertures, un point que l’éditeur a cru assez important pour lui consacrer un article du blog accompagnateur du site de la maison, La peinture classique au service de l’érotisme. Quelle bonne surprise en effet que de voir la belle Sjaantje van Ingen, une ancienne connaissance des habitués de la Bauge, étaler ses formes plantureuses sur la couverture d’un roman signé Éric Mouzat, Petites confidences estudiantines.
Quant au texte qui nous intéresse de plus près, Alison, la couverture utilise une œuvre de street art signée Rustoff, artiste urbain brésilien, posée par celui-ci sur les murs d’un bâtiment au coin de la rue de Ménilmontant et de la rue des Amandiers. Le texte présente, sous forme de journal, l’initiation d’Alison, jeune étudiante, qui se découvre une addiction pour le sexe entre les mains de Marc, le père quinquagénaire de son petit copain Léo. L’auteure ayant choisi de publier sous pseudonyme, il faut s’en tenir au seul texte, sans toutefois passer sous silence la bizarrerie que s’est permise l’éditeur en collant dans la page auteur du titre en question un texte extrait de l’article Wikipédia consacré à – Marguerite Duras.

Une petite remarque avant de plonger vers le cœur du sujet : le texte semble avoir changé de titre à la dernière minute vu que, dans la version que j’ai reçue en SP par l’éditeur, il porte un titre différent de celui qui s’affiche sur la couverture : Menus plaisirs. Je ne connais pas les raisons de ce changement, mais cela n’est toutefois qu’une question de détail.
Le texte se présente donc comme un journal, et l’auteure se propose de raconter un moment décisif de sa vie, à savoir les mois qui ont tout bouleversé, qui lui ont fait perdre des amis et rater ses examens universitaires, mais qui l’ont changée en « jeune femme assoiffée de jouissance, boulimique du sexe, gourmande de plaisirs polissons ». Tout commence, comme si souvent, par une invitation à passer le week-end « en dehors de la ville », dans la maison habitée par son petit copain et le père de celui-ci. Ce séjour sera effectivement le point de départ d’un changement en profondeur de la jeune femme, et le lecteur a le privilège d’y assister, de devenir le témoin d’un bouleversement qui fera d’une jeune fille habituée à faire l’amour en tout bien tout honneur une ogresse qui ne se « contente plus d’un seul sexe » et qui projette « d’essayer avec un homme et une femme ». Pour un changement, c’en est un, et la jeune Alison nous permet de l’accompagner sur cette route de l’épanouissement. Et les rencontres qu’on peut y faire sont tout simplement des plus bandantes !
Cela commence, et c’est un point capital, par la langue. La lecture est un véritable plaisir de ce côté-ci aussi, et on sent, malgré quelques fautes qui se sont glissées dans le texte, que l’auteure maîtrise son outil principal avec un art tout à fait adapté au sujet en question. Sujet qui profite d’une certaine retenue linguistique de la part de l’auteure qui ne commet pas la faute si commune dans le domaine érotique bon marché de noyer le lecteur dans une marée de termes trop souvent ordinaires et mal adaptés aux situations, peu aptes dans la plupart des cas à traduire le côté humain d’un érotisme qui se définit plutôt comme une attitude qu’un simple exercice mécanique.
Alison accepte donc de passer un week-end dans la maison que son petit copain Léo se partage avec son père. Rien de plus innocent, mais la première rencontre entre Alison et Marc ne manque pas de faire résonner une certaine corde chez la jeune fille qui attribue à cet homme, de 25 ans son aîné, « quelque chose de sexy en plus (l’expérience peut-être ?) ». Est-ce qu’elle aurait dû se méfier quand, un peu plus tard, Léo ne semble nullement se soucier de la présence de son père, à quelques mètres de leurs ébats potentiellement bruyants ? Loin de là, elle prend du plaisir à cette seule idée :
« Je ne sais pas ce qui s’est passé. Sans que je comprenne comment cette idée s’est introduite dans mon esprit, imaginer son père entendre son fils batifoler m’affola le bas-ventre. »
Ne voulant pas gâcher le plaisir des lecteurs futurs de ce petit texte, je ne vais rien dévoiler des escapades futures de la demoiselle, mais soyez en sûr que plaisir il y aura, et non seulement celui des passages carrément érotiques – qui ne manquent pas de piquant ! –, mais surtout celui de pouvoir assister aux réflexions, aux remises en question et aux hardiesses de la jeune femme qui apprend à s’assumer avec une facilité tellement déconcertante que cela ressemble parfois à de la préméditation.
En résumé, Alison est un beau petit texte qui donne envie. Non seulement celui que vous pensez, mais surtout celui de vouloir lire – et bientôt – d’autres textes coulés de la même plume. Un texte qui, en somme, augure favorablement de l’avenir de ce nouvel éditeur qui vient de donner une belle preuve de son savoir-faire.
Alison S.
Alison
Éditions La Bagatelle
ISBN : 978−2−372−10001−4
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