Cela fait longtemps que je n’ai plus donné de nouvelles de ces peintres impressionnistes qu’on s’acharne à oublier. Aujourd’hui pourtant, fruit du hasard de mes pérégrinations telaires, je suis en mesure de continuer cette petite série, en vous faisant pénétrer dans les régions si fertiles qui s’étendent au-delà de la barrière de Quiévrain, à savoir les Pays-Bas, patrie d’innombrables peintres depuis le Moyen-Age. Si leur renommée artistique a quelque peu diminué depuis ces temps-là, ce n’est certainement pas, comme on va le voir, faute à une fertilité réduite des territoires compris entre l’Escaut, le Rhin et la mer du Nord.

Si l’article que vous êtes en train de lire ne se propose pas de partir à la recherche d’une quelconque explication de ce phénomène, mais cherche à illustrer, par un exemple flagrant, la richesse qui peut exister en dehors des vitrines du monde où le grand public vient épier ce qu’il y a de nouveau, je voudrais quand-même, en passant, évoquer deux pistes dont l’exploration est réservée à la réflexion de gens mieux renseignés que moi :
- Le XIXe siècle est caractérisé, un peu partout en Europe, par l’émergence et à la montée inexorable d’un phénomène nouveau, à savoir le nationalisme, dont les conséquences, on le sait, ont été des plus néfastes. Est-ce que cette montée-là, en morcelant l’espace culturel européen, aurait contribué à un certain retranchement culturel aussi ?
- Ou faut-il, par contre, en attribuer la faute à un phénomène tout à fait contraire, et qui invaliderait l’argument précédent, à savoir à la prééminence de la France, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, dans pratiquement tous les domaines artistiques, fait universellement reconnu ayant plus ou moins obligé les artistes de tous poils à choisir leur domicile dans l’Hexagone, tel un Van Gogh, dont le souvenir est tellement lié à la France qu’on aurait tendance à oublier ses racines, ou encore un Barthold Jongkind, grand précurseur de l’Impressionnisme et un des maîtres de Monet, dont parle encore le moindre petit livre consacré aux peintres impressionnistes ?
Je disais donc que j’allais me borner à parler d’un peintre dont le sort est beaucoup plus modeste que celui de ses deux compatriotes évoqués plus haut, et ce malgré un nombre élevé de tableaux d’une exquise beauté, et malgré, surtout, un séjour de plusieurs années à Paris. J’ai nommé Isaac Israëls (1865−1934), un peintre ayant appartenu à l’école impressionniste d’Amsterdam et dont la notoriété reste largement circonscrite aux territoires où se parle le bel idiome de Rembrandt.
Il suffit de quelques petites recherches pour se rendre compte du fait que ce n’est pas seulement la renommée – immatérielle – d’Isaac Israël qui est pour ainsi dire assignée à résidence, presque quatre-vingt ans après sa mort, mais qu’on peut faire le même constat à propos de son héritage matériel. La base de donnée Joconde, outil de référence pour l’inventaire des musées français, ne recense aucun tableau de ce peintre, nulle part dans le vaste Hexagone, dont la richesse des collections est pourtant presque proverbiale. Résultat tout à fait étonnant, vu le séjour prolongé d’Israëls dans la capitale et la richesse de sa production. Pareil résultat pour les collections prestigieuses allemandes et américaines.

Frustré par tant d’absences, on doit se résigner à constater que l’histoire d’Isaac se chuchote dans les seuls couloirs des musées des Pays-Bas. Mais, et on ne peut pas assez souligner ce détail, elle y trouve des oreilles ouvertes et des yeux qui savent voir. D’où un certain succès, même populaire, un de ses tableaux, Nu allongé (Slaantje van Ingen) (voir supra), ayant été élu, en 2009 « le plus beau nu des Pays-Bas », ce qui est dire, vu la concurrence dans un pays où les grands noms comme Rembrandt et Rubens sont légion. Et dans quatre musées néerlandais se prépare, pour l’été 2012, une grande série d’expositions[1]Il s’agit de ces cinq expositions-ci : Isaac Israels and the City of The Hague at the Historical Museum of The Hague ; Isaac Israels and fashionable Scheveningen at Muzee Scheveningen ; Isaac Israels … Continue reading consacrée aux aspects de la vie du peintre d’Amsterdam. Et comme les Pays-Bas sont bien desservis depuis Paris, ce sera l’occasion rêvée de partir à la découverte des toiles d’Isaac, de contempler les charmes féminins à travers son regard, et de réparer en même temps un oubli tout à fait incompréhensible en inondant nos yeux de beauté.

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La partie supérieure de cet article est encadrée par deux figures féminines, en noir et blanc. Il s’agit de (détails de) dessins, transformés par moi en noir et blanc :
- Dans les cabines d’essayage (« In de kleedkamer ») (détail), lithographie exposée au Rijksmuseum Twenthe
- Selon uns notice sur Artnet, il s’agirait du dessin d’une Femme des Îles.
Références
↑1 | Il s’agit de ces cinq expositions-ci : Isaac Israels and the City of The Hague at the Historical Museum of The Hague ; Isaac Israels and fashionable Scheveningen at Muzee Scheveningen ; Isaac Israels and Louis Couperus at the Louis Couperus Museum (until 4 November) ; Isaac Israels, painter of women at Panorama Mesdag ; Isaac Israels at The Hague Municipal Archives (until 22 September). Malheureusement, les ressources en ligne ayant disparues de la toile, il faut se contenter de cette énumération. |
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Commentaires
Une réponse à “Isaac Israëls (ces Impressionnistes qu’on oublie, part IV)”