En-tête de la Bauge littéraire
Auguste Clésinger, Femme piquée par un serpent (détail), Musée d'Orsay

Le propre des ouvrages col­lec­tifs, c’est la diver­si­té des styles et des approches qui se côtoient dans un seul volume. Et, de même, on ne s’é­ton­ne­ra pas de trou­ver, dans le der­nier volume des Édi­tions Blanche, Secrets de femmes, des textes très divers, tant par la façon de trai­ter le sujet impo­sé, à savoir le secret, que par la qua­li­té lit­té­raire dont les auteures res­pec­tives se montrent capables (déso­lé, amis puristes, si cette construc­tion vous choque, mais le choix d’une forme fémi­nine s’im­pose dans un cas pareil).

Il y a, dans les dix-huit textes de ce recueil, tel qui se contente de faire ban­der (ce qui, dans une col­lec­tion éro­tique, n’est cer­tai­ne­ment pas un défaut), tel qui peut cap­ter par sa mise en scène inso­lite ou la ten­dresse du regard qui se pose sur les per­son­nages, et encore tel qui se révèle capable d’en­trou­vrir des uni­vers entiers. Ceux qui appar­tiennent à cette der­nière caté­go­rie sont rares, mais toute per­sonne qui a déjà eu le bon­heur de péné­trer dans l’u­ni­vers clos du « Manoir » d’Emma Cava­lier ne s’é­ton­ne­ra pas d’ap­prendre que c’est pré­ci­sé­ment cette jeune auteure-là, décou­verte il y a peu par les Édi­tions Blanche, qui a su accom­plir l’ex­ploit de cacher des mondes en fusion der­rière les fronts ô si inof­fen­sifs d’un couple que l’art de l’au­teure a réus­si à rendre inson­dable et donc vrai. Ses « Petits papiers » nous dévoilent la pro­fonde huma­ni­té de l’é­pouse qui, après cinq ans de mariage, croit tout connaître de son mari, han­tée par la vision des années qui s’é­coulent tou­jours pareilles, et qui se trou­ve­ra, au bout de huit pages, rede­ve­nue femme, emme­née vers le cœur noir et fer­tile d’un conti­nent jusque-là défen­du, gui­dée par l’homme qui la serre de près, la ras­sure par son étreinte un peu plus ferme, et qui devient le com­pa­gnon des expé­di­tions vers le désir.

À lire :
Les femmes de Maître Golov - la beauté plus vraie que nature

À côté de celui d’Em­ma, il y a d’autres textes qui méritent ample­ment d’être men­tion­nés, et notam­ment ceux de

  • Marie Godard, « L’é­veil de Lau­rence », qui joue avec le sté­réo­type de la créa­ture de luxe délais­sée et qui se découvre des pen­chants très peu avouables,
  • Octa­vie Del­vaux, « La carte de vœux secrète », où les adieux pro­lon­gés d’un couple illé­gi­time déclenchent de nou­veaux ébats, ima­gi­nés et sur­tout décrits avec une telle force qu’on croit entendre la maî­tresse frot­ter son sexe gon­flé contre l’é­toffe du pan­ta­lon de son amant,
  • Isa­belle Loré­dan, « Les Tour­ments de Marie-Laure », où une bigote se voit for­cée d’é­cou­ter la voix impé­ra­tive de son corps et finalement
  • Fran­çoise Rey, maî­tresse du genre, avec le petit joyau d’i­ma­gi­na­tion qu’est « Sous le voile », dont la conclu­sion est aus­si sur­pre­nante que l’ap­pé­tit insa­tiable de la protagoniste.

Une fois de plus, Franck Spen­gler a réus­si le pari de réunir une équipe brillante autour d’un sujet don­né, et le livre qui est issu de cette ren­contre est lar­ge­ment à la hau­teur de ce qu’on a le droit d’at­tendre d’une mai­son aus­si réputée.

Col­lec­tif
Secrets de Femmes
Édi­tions Blanche
ISBN : 978−2−84628−465−3