Ques­tions à Paul Leroy-Beau­lieu, édi­teur numérique

Le monde de l’é­di­tion est en ébul­li­tion. Depuis l’ar­ri­vée en masse des liseuses de tout gaba­rit (Kindle, Nook, Kobo, Ipad & Cie), on annonce la fin du livre en papier, si ce n’est le cré­pus­cule de la civi­li­sa­tion en géné­ral et de l’é­di­tion en par­ti­cu­lier. Il est vrai que j’aime beau­coup les scé­na­rios un peu extrêmes et la fin d’un monde en fait très cer­tai­ne­ment par­tie. Mais qu’en est-il réel­le­ment de l’é­di­tion numé­rique, de son poten­tiel et des défis qu’elle relève (ou pose) ?

Et si, pour éclai­rer nos lan­ternes, on don­nait la parole à un de ces ogres que cer­tains s’ef­forcent de peindre dans les cou­leurs les plus noires pos­sibles tan­dis que d’autres le pré­sentent comme une sorte de mes­sie capable de libé­rer la culture des griffes des pro­fi­teurs en tous genres ? C’est ce que j’ai choi­si de faire, et j’ai le plai­sir de vous pré­sen­ter une inter­view avec Paul Leroy-Beau­lieu, co-fon­da­teur des Édi­tions Edi­cool, édi­teur « 100% numérique ».

Paul Leroy-Beaulieu
Paul Leroy-Beau­lieu, co-fon­da­teur d’E­di­cool, l’in­vi­té de la Bauge

La Bauge : Bon­jour Paul, et mer­ci d’a­voir pris la peine de péné­trer au fond de ma bauge. Avant d’aborder Edi­cool, est-ce que tu peux te pré­sen­ter à nos lecteurs ?

Paul Leroy-Beau­lieu : Bon­jour Tho­mas. D’abord mer­ci à toi de me rece­voir sur ton blog. Je suis Paul Leroy-Beau­lieu, j’ai une tren­taine d’années et suis ce qu’on appelle un « entre­pre­neur ». J’ai fon­dé Edi­cool en 2009 avec un asso­cié, Alexandre Richard.

J’ai déci­dé de fon­der Edi­cool car je suis d’un coté un grand lec­teur et de l’autre un féru d’internet et un pas­sion­né de nou­velles tech­no­lo­gies. Au sein de cette jeune mai­son d’édition, je m’occupe un peu de la pape­rasse, de la com­mu­ni­ca­tion, des liens avec nos auteurs, de la veille… mais tu sais être à la barre de sa propre embar­ca­tion, c’est aus­si tou­cher à tout. Je fais aus­si le ménage dans le bureau, le café et les photocopies :)

Dis donc, Paul, on dirait qu’il y a un petit côté « Geek » dans le métier d’é­di­teur numé­rique:-) Edi­cool, c’est donc un pro­jet qui ne date pas d’hier. Est-ce que tu peux dres­ser un petit his­to­rique à l’in­ten­tion de mes lec­trices / lecteurs ?

Bien volon­tiers ! Edi­cool est donc né en 2009 de l’idée un peu folle de ras­sem­bler auteurs et lec­teurs au sein d’une même plate-forme. Le déve­lop­pe­ment a pris pas mal de temps et c’est, fina­le­ment, à l’été 2010 que nous avons pu sor­tir une pre­mière ver­sion. Mal­gré beau­coup de tra­vail de notre part, quelques ren­contres inté­res­santes et qui auront une cer­taine impor­tance dans l’avenir d’Edicool, la mayon­naise n’a pas vrai­ment pris.

Aus­si, après une année de bons et loyaux ser­vices, l’aspect com­mu­nau­taire du site a été ran­gé dans un tiroir. Dont il res­sor­ti­ra peut être un jour, qui sait ?

A l’automne 2011, Edi­cool a donc « muté » en un édi­teur clas­sique certes, mais uni­que­ment numé­rique. Nous sélec­tion­nons donc les manus­crits que nous rece­vons, nous déci­dons d’une ligne édi­to­riale, nous tra­vaillons sur les textes, les visuels, nous en assu­rons la pro­mo­tion, etc, etc… Bref tout ce que pour­rait faire un édi­teur clas­sique (papier, j’entends), nous le fai­sons. Mais dans un éco­sys­tème bien dif­fé­rent, le numérique.

Plate-forme com­mu­nau­taire au départ… On dirait qu’une idée pareille a de quoi séduire les adeptes des nou­velles tech­no­lo­gies. Tu as sans doute ana­ly­sé les rai­sons de cet échec, est-ce que tu pour­rais nous expli­quer pour­quoi « la mayon­naise n’a pas pris » ? Trop de concur­rence ? Pas assez de participants ?

Les deux mon Géné­ral ! En fait, sans doute même un peu plus. Ce n’est jamais simple quand tu entre­prends de reve­nir sur ce qui n’a pas fonc­tion­né. Mais c’est plus que néces­saire quand on sait qu’on apprend bien plus de ses échecs que de ses réussites.

Trop de concur­rence ? Oui, sûre­ment. Mais de la concur­rence indi­recte. En fait nos concur­rents étaient ceux qui mettent gra­tui­te­ment à dis­po­si­tion du lec­teur des conte­nus. Ain­si tous les blogs d’auteurs par exemple, le tien en fait par­tie :) Les autres édi­teurs numé­riques, je les consi­dère plus comme des par­te­naires avec qui on essaye de faire avan­cer la machine, que comme des concurrents.

Pas assez de par­ti­ci­pants ? Évi­dem­ment ! Ça son­nait un peu creux. Vincent [Ber­nard, ndlr], que tu connais bien, m’a dit un jour qu’il y avait une dif­fé­rence impor­tante entre le fait de publier, avec plus ou moins de régu­la­ri­té, sur un blog per­son­nel et la volon­té de s’inscrire dans une véri­table démarche d’édition.

Et notre vision d’Edicool était aus­si sans doute à coté des attentes des par­ti­ci­pants. Nous avons vou­lu four­nir un cer­tain nombre de fonc­tion­na­li­tés, résul­tat on a sor­ti une usine à gaz…! Raté !

J’ajouterai à cela qu’en réa­li­té l’é­cri­ture « 2.0 » au fil des cri­tiques posi­tives et néga­tives appor­tées par des lec­teurs-contri­bu­teurs est un exer­cice bien com­pli­qué. L’auteur a son propre uni­vers, qu’il n’a pas for­cé­ment envie de faire par­ta­ger alors qu’il est dans un pro­ces­sus de création.

Retour donc à la case édi­tion numé­rique « clas­sique ». Tu as écrit dans ton blog « n’en déplaise à Beig­be­der, le numé­rique est l’avenir de l’édition ». L’édition numé­rique a pour­tant un grand nombre de détrac­teurs, comme jus­te­ment pour res­ter en France, Beig­be­der ou encore Moix. Quels sont donc, d’après toi, les atouts majeurs du numérique ?

Tout d’abord pour en reve­nir à ce que j’ai écrit, oui et je te le réaf­firme aujourd’hui. De même il y a quelques siècles je t’aurais dit que l’avenir était au livre impri­mé. On passe d’un sup­port à l’autre, point.

Main­te­nant quand on me parle de « livre objet », de « sen­sua­li­té », de « tou­cher » et d’« odeurs », je suis par­fai­te­ment d’accord. Disons que l’un et l’autre peuvent très bien coha­bi­ter dans un pre­mier temps, mais que le livre « papier » va avoir ten­dance, dans un futur plus ou moins proche, à s’effacer au pro­fit des tablettes et autres liseuses.

En ce qui concerne les atouts du numé­rique, ils sont nom­breux. Mais à mon avis ce n’est pas aux tech­no­philes de s’approprier le livre numé­rique, c’est plu­tôt à ceux qui créent, aux auteurs.

L’édition appar­tient aujourd’hui à de grands groupes qui sont dans une logique de crois­sance et de ren­ta­bi­li­té. Ils ne peuvent pas se per­mettre de prendre trop de risques. Nous, on a rien à perdre. Si un texte nous plaît, on l’édite. Plu­sieurs heures de tra­vail, la fabri­ca­tion du fichier et on lance dans les tuyaux. On a pas à impri­mer, dis­tri­buer et pilon­ner les inven­dus. Nous sommes libres, avec peu de contraintes. On tra­vaille comme de véri­tables pas­sion­nés, sans se pré­oc­cu­per des ventes et des chiffres. Juste avec la satis­fac­tion de faire vivre et exis­ter des textes. Bref, on défend une cer­taine idée de la lit­té­ra­ture numérique.

Les édi­teurs numé­riques seraient donc plus libres. Jus­te­ment, quand on regarde le monde de l’é­di­tion tra­di­tion­nelle, on peut avoir l’im­pres­sion que celui-ci est très fer­mé voire her­mé­tique, et quand on fré­quente de jeunes auteurs, c’est là une de leurs doléances majeures. Est-ce que le numé­rique peut offrir, à côté de l’au­to-édi­tion, un ter­rain plus faci­le­ment acces­sible aux auteurs débu­tants, ou est-ce que les mêmes règles s’ap­pliquent ici et là ?

Mer­ci de pré­ci­ser « à coté de l’auto-édition » car pas mal de per­sonnes font encore l’amalgame entre édi­tion numé­rique et auto-édition.

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On peut dire que les mêmes règles s’appliquent en ce qui concerne le sérieux du tra­vail et les cri­tères de sélec­tion. Ensuite, comme je te le disais, nous sommes plus libres. On peut oser, miser sur un auteur incon­nu. En règle géné­rale, les édi­teurs numé­riques ne craignent pas d’éditer de jeunes auteurs.

Je crois aus­si que nous sommes plus acces­sibles. Nous dia­lo­guons par mails, par tweets. Si tu veux trou­ver mes coor­don­nées, ce n’est pas bien com­pli­qué. Donc oui, c’est moins fer­mé que l’édition tra­di­tion­nelle mais ce n’est pas une rai­son pour sacri­fier la qualité.

Logo Edicool
Edi­cool – Édi­teur sans DRM

La faci­li­té… S’il est plus facile de se faire édi­ter, en tant qu’au­teur débu­tant, par un édi­teur numé­rique, il est plus facile aus­si de copier et de dis­tri­buer les livres – même sans pas­ser par la caisse. On sait que l’ère numé­rique pose déjà de gros pro­blèmes aux cinéastes et aux musi­ciens. Edi­cool a quand-même opté pour la dis­tri­bu­tion de ses livres sans DRM (Digi­tal Rights Mana­ge­ment). Pourquoi ?

Le sujet est déli­cat, mais notre avis, chez Edi­cool, est très tran­ché : il est abso­lu­ment hors de ques­tion de bar­der nos livres de DRM.

Peut-être faut-il com­men­cer par dire à tes lec­teurs en quoi consistent les DRM dans un livre numé­rique ? Pour sim­pli­fier, on peut dire que les DRM restreignent les condi­tions de lec­ture du livre. Ain­si le livre numé­rique télé­char­gé ne pour­ra être lu que sur tel ou tel sup­port, dans telle ou telle zone géo­gra­phique, etc…

Alors que le livre numé­rique a du mal à décol­ler en France, je ne vois abso­lu­ment pas l’in­té­rêt d’aller « emmer­der » le lecteur.

Ensuite il faut savoir une chose : cas­ser les DRM est un jeu d’enfant. Il ne te fau­dra que quelques rapides mani­pu­la­tions pour libé­rer ton livre. Après libre à toi de le mettre à dis­po­si­tion des autres, ou pas. C’est le jeu du chat et de la sou­ris. Dès que tu crées de nou­veaux DRM, des petits malins les font sau­ter, puis ça recom­mence, indéfiniment…

Donc, un édi­teur qui s’interdit les DRM prend des risques en ce qui concerne le pira­tage et la vio­la­tion du droit d’auteur. Oui, c’est vrai. Mais voi­là la réa­li­té des nou­velles tech­no­lo­gies et d’internet. Mettre un flic der­rière chaque inter­naute… Ben voyons !

À contra­rio celui qui met des DRM dans ses livres passe, tu me par­don­ne­ras l’expression, pour un gros con. D’abord, sa pro­tec­tion ne sert à rien, ensuite il va se retrou­ver à la dis­po­si­tion de tous sur inter­net car un petit malin ayant libé­ré le fichier et pour sanc­tion­ner les pra­tiques de l’éditeur, se ven­ge­ra, en quelque sorte.

Je constate qu’il ne faut pas avoir peur de prendre des risques dans ce beau monde qu’est le numé­rique. Qui, d’ailleurs, est en train d’é­vo­luer : au départ, il y avait quelques textes et des images numé­ri­sés, ensuite on a ren­du dis­po­nibles des biblio­thèques entières, à tra­vers Guten­berg, Gal­li­ca ou, plus récem­ment, Google Books. Le numé­rique s’est en quelque sorte appro­prié ses pré­dé­ces­seurs. Main­te­nant, on assiste à l’é­mer­gence de quelque chose de nou­veau, et il y a des e‑books « enri­chis ». Edi­cool en a sor­ti un pre­mier exem­plaire en février, Aimer, c’est résis­ter. Quels ont été les défis pour les auteurs et l’éditeur ?

Alors, pre­mier défi, et défi de taille : cana­li­ser Franck [Lafer­rère, ndlr] :) Bien évi­dem­ment je plai­sante. On va dire que les défis pour ce genre de livre sont de deux registres : l’administratif et la technique.

Pour ce qui est de l’administratif, je te laisse ima­gi­ner la ges­tion de 14 auteur(e)s/compositrice/illustrateurs. En plus nous n’avions qu’un peu plus d’un mois pour tout faire. Ça aura été une sacrée course. Mais on l’a fait.

En ce qui concerne la tech­nique, je m’en occupe moins. Mais il nous a fal­lu quelques res­sources pour arri­ver à tout accor­der. Trou­ver des solu­tions aus­si pour que le texte de Laurent, dont la mise en page est très par­ti­cu­lière, s’affiche cor­rec­te­ment. Trou­ver une solu­tion, aus­si, pour que la bande son ne nous lâche pas en plein milieu de la lecture.

Bref, tout ça devait être prêt pour le 14 février, Gale­rie de Nesle à Paris et, évi­dem­ment… ça n’a pas été le cas. Heu­reu­se­ment, grâce au talent de Domi­nique Frot, qui a lu les textes, c’est pas­sé inaperçu !

Nous avons, par la suite, fait les modi­fi­ca­tions néces­saires et le livre était dis­po­nible au télé­char­ge­ment quelques jours après.

Un e‑book enri­chi, c’est alors, comme tu le dis, le fruit d’une col­la­bo­ra­tion. Il ne suf­fit plus d’a­voir des auteurs et, à la limite, des illus­tra­teurs. Il faut y rajou­ter des com­po­si­teurs et des réa­li­sa­teurs (pour les clips) et peut-être même des scé­na­ristes. Est-ce que cela change la concep­tion de ce qu’est un livre ?

Je réponds à ta ques­tion par une autre. Qu’entends-tu par « livre » ?

Hum… OK, tu as rai­son de rap­pe­ler qu’il y a beau­coup de réflexions der­rière les mots. Pré­ci­sons alors : Je fais abs­trac­tion de l’ob­jet concret, et j’entends par « livre » le texte même, dans sa forme vir­tuelle, qui a besoin d’un sup­port pour se « maté­ria­li­ser », pour que le lec­teur puisse en profiter.

Alors nous sommes plu­tôt d’accord sur la défi­ni­tion : le fond et la forme, le conte­nu et le contenant.

Évi­dem­ment, un livre enri­chi qu’on lit sur une tablette accom­pa­gné d’illustrations et d’une bande-son n’a, appa­rem­ment, plus rien à voir avec un livre papier. Cepen­dant, qui ne s’est jamais retrou­vé à prendre plai­sir en lisant un livre, dans son salon, avec un peu de musique qui l’accompagne. Avec un e‑book enri­chi tu as cette expé­rience en un seul et même objet.

Du livre, on ne conserve plus que le texte et on le met en valeur. La musique est au ser­vice du texte, mais on peut aus­si conce­voir l’inverse. Disons que l’ensemble se doit d’être cohé­rent pour arri­ver à une expé­rience de lec­ture inté­res­sante. Avec « Aimer, c’est résis­ter », et grâce au talent des auteurs et artistes qui y ont par­ti­ci­pé, je pense que nous avons réussi.

Si le texte, alors que nous par­lons de livre et d’e‑book, est abso­lu­ment essen­tiel, on peut aus­si conve­nir que de nou­veaux che­mins res­tent à décou­vrir. C’est une oppor­tu­ni­té pour le numé­rique. Oppor­tu­ni­té que nous nous devons de saisir.

Tous ces artistes doivent être payés. En même temps, les e‑books se vendent meilleur mar­ché que les livres tra­di­tion­nels. Est-ce qu’un tel hybride peut rap­por­ter assez d’argent pour rému­né­rer les collaborateurs ?

Tu mets le doigt sur un sujet dif­fi­cile. Avec des auteurs qui connaissent mal l’é­co­sys­tème numé­rique, c’est sou­vent la fin de l’histoire d’amour.

J’ai heu­reu­se­ment le sen­ti­ment que beau­coup agissent par pas­sion, par l’envie d’être lus et décou­verts, plu­tôt que par soif d’argent et de recon­nais­sance. C’est plus facile pour la rela­tion qui existe alors entre l’auteur et son éditeur.

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Moi même j’ai écrit un livre sur l’auto-édition. Si je suis bien évi­dem­ment déçu par le nombre de ventes, je ne remets pas en ques­tion le tra­vail de l’é­di­teur qui l’a publié. On a beau, par­fois, faire de son mieux et tout mettre en œuvre, les résul­tats peuvent être décevants.

10 ... Petites suites 2806
Le pre­mier volume des Dix : 10 … Petites suites 2806

Alors, pour en reve­nir à ta ques­tion et à ces livres col­lec­tifs, tu ima­gines la com­plexi­té de la tâche quand tu as dix auteurs (Les 10 petites suites) ou 15 artistes (Aimer, c’est résis­ter). Non, ce n’est pas ren­table, ni pour l’éditeur, ni pour les auteurs. Mais, crois-moi, c’est une sacrée expé­rience des pas­sion­nés. C’est un peu fou, très inté­res­sant, très enri­chis­sant et, rien que pour ça, nous conti­nue­rons. Depuis la pre­mière sor­tie des « 10 » j’ai, à titre per­son­nel, ren­con­tré des per­sonnes qui m’ont beau­coup appor­té. Avec des regards dif­fé­rents du mien, des échanges. Ça sti­mule, on apprend et on avance.

Et les réac­tions des lec­teurs ? Est-ce qu’ils appré­cient le for­mat enrichi ?

Il fau­drait leur deman­der :) Il y a deux types de lec­teurs numé­riques : ceux qui ne s’attachent qu’au texte et ceux qui veulent vivre une autre expé­rience de lec­ture. Pour l’in­té­rêt du livre numé­rique, il faut que les deux coha­bitent. Donc que les édi­teurs res­pectent ces dif­fé­rentes visions. Elles sont toutes les deux res­pec­tables et le for­mat enri­chi ne fait pas « cre­ver » le texte.

Cepen­dant, j’essaye aus­si de mener Edi­cool comme je le sou­haite donc aus­si avec mes convic­tions et mes envies. Si je veux lire Mau­pas­sant, Éluard, je pose mon Kindle et file dans la biblio­thèque. C’est comme ça. En revanche j’apprécie énor­mé­ment me pro­me­ner sur l’iBookstore ou le Kind­leS­tore pour décou­vrir des nou­veau­tés 100% numé­riques. Je dirai que je ne lis presque plus que ça. Pour moi, c’est de la lit­té­ra­ture qui n’existerait pas sans le numé­rique. C’est en cela que c’est intéressant.

Par­mi les retours que nous avons eus de la part de lec­teurs, je n’ai pas eu (trop) de plaintes. L’accueil a été plu­tôt posi­tif. Et puis tu sais, je crois que ceux qui sont bran­chés numé­rique sont plu­tôt avides de nou­veau­tés. Pour eux, il s’agit d’une expé­rience. Après, elle est appré­ciée ou non, mais la ten­ta­tive est tou­jours saluée. Et ça c’est agréable, car en n’essayant rien, tu ne risques pas de te tromper !

Res­tons encore un peu dans ce domaine très inté­res­sant du livre enri­chi et de ses lec­teurs. Une ques­tion d’ordre tech­nique qui peut por­tant avoir des réper­cus­sions sur le nombre de lec­teurs : Pour l’ins­tant, le for­mat enri­chi est réser­vé à ceux qui ont accès à iBook, l’ap­pli­ca­tion d’Apple. Que faire des exclus ?

J’en suis déso­lé. Edi­cool ne peut mal­heu­reu­se­ment rien faire pour les exclus. Apple a son for­mat, Ama­zon a son for­mat. Ils ont déci­dé d’enfermer leurs livres dans des for­mats pro­prié­taires. Ain­si pour chaque livre, nous devons fabri­quer plu­sieurs fichiers, selon un cer­tain nombre de règles.

Main­te­nant iOS (le sys­tème d’exploitation d’Apple pour ses iPod, iPad et iPhone) offre plus de pos­si­bi­li­tés. C’est donc un par­ti pris de notre part. On ne peut ten­ter un « Aimer, c’est résis­ter » que sur cet OS. On a vou­lu essayer quelque chose, on s’est donc tour­né vers Apple. La ques­tion était « Est-il pos­sible de faire ça ?», j’ai répon­du à Franck-Oli­vier et Vincent « Oui, mais seule­ment là ». Puis on a com­men­cé le travail.

Main­te­nant, on ne peut que regret­ter l’attitude des fabri­cants et espé­rer que cela change à l’avenir. Mais au regard des mannes finan­cières qui sont en jeu, il n’y a pas de quoi être optimiste.

Espé­rons donc que la com­mu­nau­té des logi­ciels « Open Source » se mette en branle pour com­bler cette lacune. Le livre en ques­tion, « Aimer, c’est résis­ter », fait par­tie de la col­lec­tion des « Dix », lan­cée en novembre 2011. Quelle est l’i­dée der­rière cette collection ?

L’idée de la col­lec­tion est de por­ter un cer­tain regard sur des faits d’actualité, sur l’ambiance de la socié­té… Pour le moment nous avons deux titres, mais je crois que tu sais qu’un nou­veau recueil va sor­tir dans quelques semaines.

Une autre ori­gi­na­li­té des #10 est que celui (ou celle) qui dirige l’ouvrage n’est jamais le même. Vincent a diri­gé le pre­mier, Franck pour le second et toi pour le der­nier à paraître. Pour le futur, qui sait ? Toutes les bonnes volon­tés sont les bienvenues.

À regar­der le pro­gramme d’E­di­cool, il n’y a qu’une poi­gnée de publi­ca­tions. Est-ce que tu peux nous dévoi­ler ce qui est pré­vu pour l’an­née en cours ?

Pas mal de choses. D’abord nous allons conti­nuer sur cette série des #10 avec une troi­sième publi­ca­tion avant l’été. Nous venons aus­si de ter­mi­ner un concours avec le site WeLo­ve­Words et le recueil, qui paraî­tra en sep­tembre, entre­ra lui aus­si dans la collection.

Ensuite, Franck-Oli­vier a ter­mi­né un livre hom­mage à Law­rence d’Arabie. Celui-ci est pré­vu pour dans quelques jours, le 19 mai.

Comme tu le sais, Franck-Oli­vier s’occupe aus­si d’un col­lec­tif artis­tique, CidEr­rant Prod. Nous avons envie de tra­vailler ensemble, nous cher­chons encore les moda­li­tés pour un accord et pour sor­tir une col­lec­tion qui por­te­rait le label « CidEr­rant Prod ». Cette col­lec­tion devrait avoir une réelle iden­ti­té propre.

Et puis être édi­teur, c’est aus­si rece­voir des textes et des sur­prises. Donc beau­coup de portes sont ouvertes ! Au hasard des mails, des tweets mais aus­si des rencontres.

Pour ter­mi­ner, est-ce que tu peux nous dire pour­quoi un auteur devrait choi­sir Edi­cool plu­tôt qu’un autre édi­teur numérique ?

Pour­quoi on tra­vaille ensemble, Thomas ? :)

Moi, je le sais, évi­dem­ment :-) Mais pour­quoi pas l’ex­pli­quer aux inter­nautes qui pas­se­raient par ici et qui ont peut-être quelque petite sur­prise dans les tiroirs vir­tuels de leurs ordinateurs ?

On est d’abord là pour prendre du plai­sir et s’amuser. On a une équipe sym­pa, non ? On ne se prend pas la tête, mais on fait du tra­vail sérieux. Nous sommes dis­po­nibles pour nos auteurs. On a de l’humour. Puis la machine à tweets (compte dis­pa­ru depuis) que Vincent charge régu­liè­re­ment est à la fois drôle, effi­cace et pertinente.

Je crois aus­si que nous avons un pro­fond res­pect pour le tra­vail de l’auteur. Ensuite on aime ou on n’aime pas le texte. On prend ou on ne prend pas. Mais JAMAIS nous ne deman­dons à l’auteur de modi­fier la psy­cho­lo­gie d’un per­son­nage, de chan­ger le fil de l’histoire, de mettre un peu plus de sexe, de ceci de cela. Nous pre­nons le texte tel qu’il est et son auteur aus­si, avec une vraie forme de res­pect, de sim­pli­ci­té et d’authenticité. C’est tout. Chez Edi­cool, on ne triche pas !

Mer­ci, Paul, d’a­voir consa­cré un peu (voire beau­coup) de temps à ces quelques ques­tions et d’a­voir ser­vi de guide à nos lec­teurs dans l’u­ni­vers fas­ci­nant d’un édi­teur « 100% numé­rique ». Je te sou­haite plein de nou­velles constel­la­tions pour l’illu­mi­ner et encore davan­tage de lec­trices / lec­teurs pour le peupler.

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

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