La toile est inépuisable – voici une vérité certes banale, mais qui continue à m’épater, chaque fois que je tombe, dans un de ses bas-fonds, sur un artiste qui sort, par quelque aspect que ce soit, de l’ordinaire. Cela m’est arrivé pas plus tard que la semaine passée quand, au détour d’une recherche « image » sur Google, je me suis retrouvé avec sous le pif un dessin de Golov : Une femme, nue, assise en tailleur sur une sorte de drap, les bras encadrant deux seins lourds, irréguliers, aux aréoles plutôt claires, les doigts enfoncés sous ses mollets repliés. À côté d’elle, un portable ouvert, son visage et ses yeux tournés vers le bidule qui visiblement l’attire, la bouche une moue délicieuse dont les lèvres pulpeuses semblent exprimer un mélange inédit se composant d’une bonne dose de contrariété enrichie d’une pince d’anxiété, le tout sur fond de sensualité envahissante et à peine réprimée. Une femme loin d’être parfaite, dont les plis du ventre à la peau défraîchie et les seins irréguliers annoncent la quarantaine, mais à la beauté époustouflante d’un modèle plus vrai et plus beau que nature.

Intrigué, j’ai cliqué sur l’image en question pour pouvoir accéder au site sous-jacent où je comptais avoir accès à d’autres dessins du même acabit, voire à de plus amples renseignements à propos de l’artiste. S’il est vrai que je suis resté sur ma faim en ce qui concerne ce deuxième point, j’ai été gâté par rapport au premier ! Je ne saurais vous exprimer la joie que j’ai ressentie en découvrant, clic par clic, l’univers pictural (pour éviter de dire « pittoresque ») de Maître Golov qui s’affuble du beau titre de « Nihiliste du crayon ». Il me reste encore des dizaines de pages à feuilleter, mais je peux déjà vous affirmer qu’il y a au moins deux choses qu’il ne nie absolument pas – à savoir la beauté du genre humain et le peu de cas qu’il fait de la classe politique.

Avec Golov, effectivement, pas moyen de se tromper : il ne cache pas son dégoût de la caste au pouvoir. Et la dérision est une lame bien affilée dont il sait se servir pour porter ses coups à l’UMP et aux personnalités politiques issus des rangs de ce drôle de rassemblement. En même temps, on retrouve un peu partout, que ce soit à travers les couleurs d’un tatouage ou d’un t‑shirt qui arbore son slogan, les armes du CNT, la Confédération Nationale du Travail, syndicat à la vocation anarchiste. Voici donc le côté militant de Golov mais, à vrai dire, si important que soit son combat, ce qui me fascine réellement, c’est l’outil de ce combat, à savoir son art.
Golov se réclame de l’hyper-réalisme et du « Nou Art » dont il dit qu’il « ne sait comment définir ce mouvement artistique né du besoin égocentrique d’exprimer une difficulté d’intégration sociale » tout en affirmant que
« Le Nou Art est peut-être construit sur cette vieille recherche philosophale de l’alchimie, la transfiguration du plomb en or… Pour GOLOV on parlera de transformation de l’ordure en or pure, la métamorphose d’une matière vulgaire en œuvre artistique… »1
Je ne sais dans quelle mesure Golov est apparenté au groupe catalan de l’Art Nou, très présent sur la toile et d’une notoriété certaine dans l’espace francophone avec des expositions à Bruxelles et au Louvre. Golov lui-même, installé dans la région de Perpignan, semble de toute façon entretenir des relations assez étroites avec la Catalogne (avec notamment un projet de BD dont l’action se place à Blanes, haut-lieu de villégiature sur la Costa Brava), et l’idée de lui présumer des relations avec ce groupe d’artistes catalans ne semble nullement exclue.

En attendant, il y a son art qui parle à sa place et qu’on peut interroger. Mais, que les coincés du cul et les amateurs du politiquement correct se le tiennent pour dit : La plongée dans l’univers de Golov va vous déranger. Vous serez mis en colère, vous serez dégoûtés, et vos convictions, pour peu que vous permettiez à ses femmes de vous toucher, seront ébranlées. Sachez que vous vous empêtrerez dans un monde où la beauté est accrochée au bout d’une ligne tirée par un crayon peu innocent, et que des yeux de félins ainsi que de sauvages minous vous guettent à chaque page pour happer les regards qui essaieraient de pénétrer trop avant dans ces corps vautrés sous le soleil d’un Midi fantasque.

Et le comble, c’est qu’il n’a même pas besoin de mettre en scène des modèles à la peau impeccablement lisse et aux tétons qui pointent vers le paradis. Une femme abîmée par la vie peut receler une telle mesure de beauté resplendissante que rien qu’à la contempler qui vide sa cannette d’Heineken, vous frôlerez l’overdose …
- Entrée initialement publiée, le 22 janvier 2008, sur golov.skyrock.com. Malheureusement, vous ne pourrez plus trouver cette entrée, les skyblogs ayant été supprimés d’office en été 2023. Si j’ai bien laissé subsister le lien, celui-ci ne mènera plus que sur une page statique où sont détaillées les raisons de cette suppression. ↩︎
5 réponses à “Les femmes de Maître Golov – la beauté plus vraie que nature”
Quel plaisir de voir un article sur mon pote Maitre Golov !!! Ni dieu ni maitre sauf maitre Golov … Bravo à toi !!!!
Ahhh, Maître Golov ! Une de mes plus belles découvertes sur le net. Merci pour le lien !
Dommage qu’elles n’ont pas poils aux aisselles tes « anarchistes ». Anarchistes ou bobos ?
Momo, PàG, http://www.antiintox.canalblog.com
Bonne question. Qu’il faudrait pourtant poser au Maître lui-même : http://golov66.canalblog.com/
Je n’aime ni les poils sous les bras ni les barbes au menton… rires