Tout commence, dans cette nouvelle de Kyrahn Ka, par un épisode estival des plus classiques, une partie de bronzette sur la plage publique de Juan-les-Pins, une minette qui mate un bel étalon avancer sur le sable et s’enfoncer dans la flotte, qui trouve le stratagème pour le faire tomber dans ses filets et puis – c’est le réveil brutal à l’instant même où le cinéma commençait à tourner. Me voilà bien mal servi, moi qui me léchais déjà les babines. Mais bon, il y a quand même la légère consolation de ne pas être seul dans la misère et de la partager avec la jeune dame en question qui, elle, est encore plus mal partie que moi vu que c’est elle qui couchait avec l’étalon en question.
Mais tout ça est loin, et voici la donzelle, Angélique de son petit nom, qui s’embarque dans un trip de quatre jours de montagne, histoire de retrouver la forme après une histoire pas très nette de cheville cassée. Et comme c’est une grande sportive et que les défis à la portée de tout le monde ne la branchent pas, elle se lance en même temps dans une période de jeûne. Après, il ne faut pas s’étonner des conséquences, hein, parce qu’un grand effort après une période de repos forcé, c’est déjà pas mal, mais se priver d’énergie avec ça ? Elle l’aura cherché.
Vous comprenez, chers baugeonautes, qu’il doit se produire quelque chose d’assez insolite pendant sa randonnée à travers la montagne du Cheiron qui fait partie, pour ceux d’entre vous qui seraient aussi ignares que moi, des Préalpes de Castellane, quelque part dans les Alpes-Maritimes. Petite remarque : vu la suite des affaires et les aventures que notre héroïne s’apprête à vivre sous sa tente, on aurait mieux aimé voir l’action se dérouler quelque part près de la capitale des Gaules dont le département arbore avec une telle fierté un chiffre cher à notre Serge national…
Quoi qu’il en soit, Angélique s’enfonce vaillamment dans la nature, tout à fait ignorante de ce qu’elle va vivre la nuit dans les bras d’un inconnu qui, en plus, possède l’inestimable avantage de se servir de sa langue, non point pour nous casser les oreilles, mais pour faire plaisir à le gent fémine ! Il y en a à coup sûr parmi nos lecteurs qui qualifieraient les escapades d’Angélique en flagrant désaccord avec le caractère indiqué par son prénom, mais cela n’empêche pas notre héroïne de s’envoyer, en passant, au paradis.
Il faut croire que notre époque a un faible pour les êtres peuplant les contrées sises quelque part enre vie et trépas. C’est au moins l’idée qu’inspirent les légions de vampires et autres non-morts qui squattent les pages des livres que dévorent par volumens entiers nos jeunes et moins jeunes, ou encore les créatures maudites qui se produisent sur les écrans, grands aussi bien que petits, et dont le plus grand exploit est sans doute de donner le frisson (plutôt grand que petit, celui-ci) à une jeunesse en quête d’émotions fortes. Mais qu’on puisse en croiser dans l’air pur de notre montagne qui n’a strictement rien de ces Carpathes lugubres qui font si mauvaise figure dans les romans du XIXe ? C’est pourtant ce qui arrive, et on peut constater que le mâle en question qui s’attaque la nuit à notre belle randonneuse au gazon bien tondu, s’il ne s’intéresse que très peu au sang pourtant si riche en fer qui coule dans les veines de la douce, il n’en va pas de même des autres liquides qu’elle a à lui proposer… Est-ce qu’il faut encore s’étonner du fait que la belle se lève chaque matin dans un de ces états ?
Bon, je ne vais pas vous révéler ni la suite ni la conclusion de cette histoire, mais je ne peux terminer cet article sans une petite remarque à propos du style qui, de simplement ampoulé (« Après avoir honoré son phallus triomphant… ») passe avec une vitesse légèrement écoeurante à carrément inadmissible (« Au bord de l’agonie, elle n’en pouvait plus de le désirer, elle lança une main en quête de sa puissance. »). Mais, et ça aussi, il faut le souligner, on trouve aussi, dans ce petit texte, des passages tout ce qu’il y a de plus insolites, des passages qui ont eu le mérite de dessiner un sourire (à moins que ce soit un rictus ?) sur le groin de votre serviteur dont vous connaissez pourtant, à force de le lire, le caractère blasé. Comme celui-ci, par exemple, où Angélique et son mystérieux amant se disputent la queue de celui-ci :
« … car Angélique se battait comme une furie pour que son agresseur sensuel s’empare de ses profondeurs et qu’il la possède enfin. Elle le prit d’ailleurs de court, lorsque d’un geste rapide elle s’empara de son membre puissant et le força en elle. Pour empêcher sa fuite, elle captura des deux mains les fesses rebondies de l’homme et l’obligea à plonger dans ses méandres féminins. »
Ses « méandres féminins » – et ben, cela ne vous laisse-t-il pas bouche bée ?
Une remarque encore, et ça y est : moi qui cherche, dans mes Lectures estivales, les escapades, je dois quand même avouer qu’il y a des phrases, dans ce texte, qui sentent si bon l’air de montagne, et les échappées vers le bleu lointain de la Méditerranée peuvent presque me raccommoder avec celles, stylistiques, de l’auteure.
Un étrange amant
La Bourdonnaye
ISBN : 978−2−824−20489−5