Un auteur pourri, Yann Bélane, avec à son actif un pauvre petit one shot, qui se retrouve, et même pas malgré lui, dans une histoire sordide où quelqu’un s’amuse à sévir dans les rangs des mordus de la plume ; une jeune fille, Judy, indépendante de par son héritage, et qui ne rechigne pas, malgré une différence d’âge notable, devant les ambitions de ruminant du looser en question ; une illustre cervelle reconvertie en peinture murale ; un troupeau de plumitifs encadré par leurs chiens éditoriaux en train d’assiéger La Queue Du Poney, l’estaminet du coin qui, pendant quelques jours, prend des allures de Café de Flore ; le personnel le plus sordide qu’on puisse imaginer pour peupler les pages d’un thriller à la sauce brownienne qui sent si bon le haut goût conspirationniste – voici tout un monde en délire qui ne s’occupe pas plus que ça de la disparition d’un des leurs, pourvu que le champagne est bien frais et que la presse s’en mêle. Ce sont là les ingrédients dont Jean-Louis Michel vous concocte une bonne petite intrigue qui non seulement vous fera retrouver l’ambiance de certain texte tardif de Bukowski ou le délire, si bien ordonné qu’il en devient hallucinant, des aventures du Poulpe, mais qui vous fera grimacer de rire et vraiment – mais vraiment ! – regretter que cette histoire-là se termine au bout d’aussi peu de pages.
Paris et Cahors sont les scènes de ce polar, et si Jean-Louis Michel arrive sans la moindre difficulté à rendre l’ambiance des petits établissement délabrés du quartier de Barbès, il n’a rien à se reprocher de ce côté-là non plus quand il emmène ses personnages dans la capitale du Quercy qu’il sait peindre avec une plume aussi vivace et originale que le lecteur lui tend sans hésiter la main pour se laisser emporter dans la quête des mystères de la préfecture en question, que ce soit dans les souterrains d’un pied-à-terre dans le midi, reconverti en cachot SM et tombé en désuétude depuis le délire de la libération sexuelle des années 70, ou encore l’ambiance d’un petit hôtel de province où on croise, la nuit, la femme de son éditeur qui allègrement te propose une partie de jambes en l’air.
En attendant de voir Bélane débusquer le coupable, en compagnie de Judy et d’une armée privée qui ne ferait pas tache aux côtés de Tom Cruise dans Mission Impossible, le lecteur jouit du privilège de voir passer en revue le personnel des couloirs et des salons germanopratins, dont le ridicule, s’il ne tue que très occasionnellement, dévoile le vide de toutes ces têtes qui engloutit jusqu’au rire le plus fou et aux ambitions les plus démesurées.
L’ami Jean-Louis, voici un coup de plume devant lequel je tire mon chapeau !
Jean-Louis Michel
Sang d’encre
Numériklivres
ISBN : 978−2−89717−491−0