En-tête de la Bauge littéraire

Alié­nor Debrocq, Cruise Control

J’ai décou­vert Alié­nor Debrocq à tra­vers un texte, Pieds en l’aire, dis­po­nible sur le site des Édi­tions ONLIT. Ren­du curieux par un style très sobre, j’ai lan­cé une recherche qui m’a diri­gé vers le site de shor­tE­di­tion où plu­sieurs de ses nou­velles sont libre­ment dis­po­nibles (avis aux curieux !), à savoir Suivre le doigt, La flaque et Les douze volées. Ces textes ont été inclus dans le recueil Cruise Control, paru le 1 mai aux Édi­tions Qua­dra­ture, où l’on trouve, outre les trois textes déjà men­tion­nés, qua­torze nou­velles sup­plé­men­taires, pour la plu­part inédites.

J’y ai retrou­vé le style modeste et les phrases plu­tôt courtes mais per­ti­nentes du pre­mier échan­tillon, le tout savam­ment dosé pour esquis­ser des pro­ta­go­nistes tout ce qu’il y de plus ordi­naires, mais ren­dus tel­le­ment riches dans les nuances de leurs indi­vi­dua­li­tés mises à nu par le jeu des mono­logues, des retours en arrière, et l’u­sage assez par­ti­cu­lier des répé­ti­tions qui mar­tèlent les ima­gi­na­tions. L’au­teure trouve les mots qu’il faut pour embar­quer en dou­ceur son lec­teur, cap­tif, au bout de quelques lignes, de cette voix douce et calme qui raconte des bouts de vie – tout simplement.

Les sujets abor­dés sont très divers, et on y trouve, par­mi d’autres, la fin d’un pre­mier amour (Les douze volées), les pré­mices d’un deal inso­lite (Groo­py), la mère de famille empê­trée dans ses sou­ve­nirs que per­sonne ne par­tage plus au seuil du divorce (Cruise Control), l’a­ven­ture inso­lite d’une jeune femme qui se déguise en gar­çon pour décro­cher un job d’é­té pas comme les autres (Le sexe des huîtres), les réflexions d’une future chô­meuse qui s’i­gnore (Virage Taga­da), la for­ma­tion d’une actrice du X (Suivre le doigt), les dés­illu­sions d’une jeune archi­tecte (Baie vitrée) ou encore le der­nier voyage d’un père en com­pa­gnie de son fils (Tam­bouille tan­dem).

À lire :
Le comté de la haine

Mal­gré la diver­si­té appa­rente, le style de l’au­teure assure l’u­ni­té du recueil, lui fai­sant évi­ter le dan­ger qui guette en per­ma­nence le genre en ques­tion, à savoir l’é­cla­te­ment par le ras­sem­ble­ment de textes sans le moindre déno­mi­na­teur com­mun. Mais ce n’est pas uni­que­ment le style qui réunit les nou­velles entre elles. Dans une bonne par­tie de ces textes, les pro­ta­go­nistes se retrouvent dans un état inter­mé­diaire, quelque part entre une fin, annon­cée ou consom­mée, et un début, plu­tôt devi­né qu’es­quis­sé. Que ce soit la rup­ture d’un couple, la fin d’un contrat ou encore celle d’une vie, les hommes et les femmes d’A­lié­nor Debrocq sont plon­gés dans une gri­saille pro­téi­forme où grouillent les formes à peine ébau­chées d’a­ve­nirs possibles.

Les ama­teurs d’in­so­lite ne trou­ve­ront sans doute pas leur compte dans de tels textes, mais j’in­vite tous ceux qui appré­cient les touches justes d’une plume sobre et pré­cise à rendre visite aux créa­tures de la jeune Montoise.

Alié­nor Debrocq
Cruise Control
Édi­tions Quadrature
ISBN : 978–2930538327