Le site des ebooks SKA est un de ceux que je visite régulièrement pour consulter les nouveautés. Primo, pour le plaisir des yeux, vu la qualité extraordinaire de leurs couvertures, secundo pour y dénicher des petits morceaux de littérature érotique à me mettre sous la dent vite fait, bien fait. Et ce n’est pas la taille réduite de ces textes qui les empêcherait de laisser des impressions indélébiles, comme ce fut le cas pour le Furet de Laurence Biberfeld, débusqué il y a quelques semaines à peine, à l’improviste. Qui ne tente rien, n’a rien, et qui n’est pas prêt à dépenser un euro, passe à côté des joyaux que Miss Ska s’acharne en permanence à mettre dans sa boîte, au plus grand profit de ses lecteurs.

Aujourd’hui même, je suis tombé, attiré par la silhouette élancée d’une blonde lascivement allongée sur les draps d’un lit défait, sur Diapason, de Hafed Benotman, qui signe avec ce titre sa première contribution au catalogue de SKA. Auteur de polars et de romans noirs, il ne donne pourtant pas l’impression d’être dépaysé en terre érotique. Bien au contraire, il reste fidèle à ce qui a fait le succès de sa plume, et on ne peut nier que le genre érotique s’y prête à merveille. Certes, ce ne sont pas les amateurs des 50 shades qui comprendront une telle affirmation, ni ceux d’un érotisme passé à l’adoucissant des conventions. Mais celles et ceux qui ont au moins une fois senti remuer au fond de leurs entrailles le monstre d’une attraction qu’on ne s’explique pas, mais qui foule aux pieds tout attachement passé, ils sauront à quoi s’attendre quand le roi du polar saisit sa plume nourrie d’humeurs inavouables pour passer à l’acte.
Quand Benotman se met à la tâche, il ne se borne pas à effleurer d’une main tremblante de jeune romantique effarouché, il empoigne. Et il ne dévoile pas, il arrache. C’est ainsi que les protagonistes se retrouvent, bon gré mal gré, sous la lumière crue des comptoirs, lumière qui ressemble étrangement aux néons des morgues, illumination conçue pour arracher les détails à l’obscurité, et pour noyer toute mièvrerie sentimentale sous les flots d’une clarté sans pitié. C’est sous un tel regard que la femme retrouve sa condition primaire de fauve, et le premier sentiment qu’elle fait naître c’est – la « peur monstrueuse ». Une peur engendrée par sa volonté absolue de jouir, par l’exigence de se faire jouir « de et par tous ses orifices », la peur de l’homme de se perdre dans le gouffre d’une libido sans bornes. On comprend à quel point une telle exigence, réduite à son expression la plus simple, détonne, fait exploser les parois d’une société régie par des convenances et des usages macérés dans les jus de leur propre putréfaction. Qui s’étonne encore, dans de telles conditions, de voir un chibre de 27 centimètres se changer en lame qui pénètre, de sa turgescence acérée, à des profondeurs bien autrement vitales ? Et qui déchire, en plongeant dans le tissu humain, bien plus que des illusions.
C’est une lecture dont on ne sort pas, mais qui recrache son lecteur a la surface de sa banalité, la peur au ventre de voir surgir la castratrice qui enfin le réduira au néant, engloutissant le monde dans un orifice avide d’absolu.
Hafed Benotman
Diapason
Ska Éditeur
ISBN : 979−1−02−340254−4