Le confinement n’est pas une raison pour arrêter de travailler sur la Bauge littéraire, plutôt le contraire. Et comme personne ne sait ce que les mois suivants vont apporter – et ce qu’il en sera des vacances d’été – c’est une raison supplémentaire pour proposer aux lecteurs un espace pour se changer les idées afin de pouvoir respirer un peu.
On connaît tous le pouvoir des parfums évocateurs de souvenirs (relisez un peu les passages inoubliables de la Recherche !), je me permets donc de titiller votre odorat par le biais de l’image de cette belle sirène étendue sous le soleil. Je vous invite à la contempler et à imaginer à quoi peut ressembler l’air du large une fois qu’il aura passé sur cette peau cuivrée couverte de lait solaire et d’une sueur dans laquelle baignent les phéromones distillées par ses lectures indécentes qui font monter la température – encore et toujours.

L’artiste qui a contribué cette beauté remarquable aux trésors fièrement abrités par la Bauge – Fabrizio Pasini – est loin d’être inconnu, même s’il m’a fallu passer par une découverte littéraire pour enfin le croiser – celle de Tatiana sous tous les regards, un titre que j’ai présenté à mes fidèles il y a tout juste quelques jours. Et comme j’ai beaucoup apprécié non seulement le texte, mais aussi les illustrations contribuées par Fabrizio, je me suis mis à faire quelques recherches. J’ai rapidement trouvé des pistes m’ayant permis de contacter l’artiste et de lui commander une illustration sur le thème favori de votre serviteur – l’été en bord de mer. Et comme vous n’êtes pas sans savoir que l’été, ça se déguste en présence d’une belle personne du sexe opposé, la tête pleine d’idées les unes plus lubriques que les autres, vous imaginez que je lui ai demandé de ne pas lésiner sur les moyens.
Pour réaliser la commande – un en-tête pour le site avec comme sujet le thème de La Belle Liseuse – Fabrizio s’est laissé inspirer par le modèle Seffy Moon, une beauté sombre avec un penchant certain du côté gothique, dont il a donné une autre version – nettement moins dénudée – il y a à peine quelques semaines. Dans le dessin qui s’affichera désormais au-dessus de mes textes, elle s’est laissé couler (c’est bien le mot, tellement les contours de son corps donnent l’idée d’une essence reptilienne, serpentine) sur une serviette avec l’intention de se prélasser en plein soleil munie d’un bon gros livre, même si elle semble l’avoir momentanément délaissé pour se laisser aller à des rêveries inconnues. À moins que ce ne soit la contemplation de quelque beau gosse se promenant torse nu sur le sable qui l’ait arrachée à ses lectures.
Les tableaux érotiques ont ceci de particulier qu’ils représentent un sujet qui, de par sa nature hautement intéressante, attire les regards comme peu d’autres. D’un côté, l’artiste peut évidemment essayer d’utiliser cet effet pour cacher des objets en pleine vue, des objets qui demandent un effort de la part du spectateur pour les trouver. Un bon moyen pour exercer le regard, pour ajouter une dimension supplémentaire au tableau. D’un autre côté, l’artiste peut jouer avec les éléments de la composition afin de distraire l’œil, de le faire dévier de sa trajectoire naturelle. C’est cette deuxième approche qu’à choisie Fabrizio Pasini en ajoutant des accents au tableau qui efficacement contre-balancent les tendances inhérentes au sujet.
La composition se divise en trois bandes correspondant aux trois plan du tableau, le premier plan – le sable avec la serviette posée dessus – , le deuxième plan – la mer – , et l’arrière-plan – le ciel, avec sur la droite un bout de terre prolongé par un petit nuage. Notre belle Liseuse s’étend sur tous les plans à la fois, c’est donc grâce à elle que se construit en grande partie l’unité verticale du tableau. Si c’est bien sûr sa beauté dénudée qui captive les regards du lecteur d’une façon presque trop évidente, je vous fais quand même remarquer la présence d’un autre élément qui, de par sa couleur unique dans le tableau, attire lui aussi les yeux : la chevelure d’un noir brillant qui encadre la tête du modèle, presque comme un casque. Et comment éviter, l’attention une fois monopolisée par le visage, de laisser le regard plonger dans les yeux qui semblent dirigés tout droit vers le spectateur, créant ainsi un point d’ancrage entre l’intérieur et l’extérieur du tableau ? Et c’est précisément grâce à cet artifice que le dessinateur empêche le spectateur de céder à l’attraction toute naturelle du centre de gravité de la composition, contre-balançant de façon efficace le point de gravité évident du dessin, celui d’où les courbes des hanches prennent leur envol vers le bleu du ciel estival, celui où se trouve, en plein milieu du corps de la jeune femme, la bande noire d’un sexe rendu presque inoffensif par un tel tour de main.
Je dois avouer que Fabrizio a réussi à me surprendre avec cette approche artistique qui arrive à remettre à l’honneur une des qualités essentielles de toute œuvre d’art : celle, précisément, d’être foncièrement artificielle, peu importe le réalisme de ce qui est représenté. Et avec tout ça, on ne peut pas dire que l’amateur de belles femmes soit privé de quoi que ce soit face à Seffy Moon qui, étendue sur la plage, s’offre en spectacle.
Fabrizio Pasini – Bio
Fabrizio Pasini est dessinateur de BD (sexy-humour, mais jeunesse aussi) et illustrateur de pin-ups (ses modèles se retrouvent à présent dans des bandes dessinées). Après la création d’une BD en Italie, Agatha Moon, il publie plusieurs livres de pin-up en France (Les 69 secrets à savoir sur les femmes, Les 69 secrets à savoir sur les hommes, Une femme, deux hommes, trois regards), illustrations pour romans (Tatiana sous tous les regards) et bandes dessinées : Axelle Parker – un humour de coquine (Joker éditions), Vita Oswood (en deux versions : grand public pour Graph Zeppelin Éditions et version érotique pour Tabou Éditions ), Les Amoureux (Glénat/Vents d’Ouest Editions), 18 ans en BD (Glénat/Vents d’Ouest Éditions). Ses pin-ups continuent néanmoins de voyager en-dehors des BD, au gré d’expositions réalisées en Italie et à Paris, mais à Chicago aussi.