On connaît le dilemme : une image donne un instant figé dans le temps, arraché à ce grand fleuve pas toujours si tranquille qui traverse nos vies en charriant nos histoires. Dilemme dont les artistes sont conscients depuis très longtemps et qu’ils ont essayé de résoudre – ou plutôt de contourner – en proposant une gamme de solutions diverses. Certains, au lieu de se contenter d’une seule image, ont opté pour une suite d” « images-clé » pour raconter une histoire, tandis que d’autres ont préféré inclure dans un seul tableau des renvois en arrière ou des aperçus de ce qui allait arriver. Un moyen s’impose pour juger de la pertinence de ces approches assez différentes : Une balade à travers les collections de peinture médiévale d’un de nos grands musées.
La Bauge littéraire s’est, elle aussi, contentée pendant assez longtemps de cette « unidimensionnalité temporelle » en montrant, dans ses en-têtes, un seul instant, privé de contexte, sorte de phrase arrachée à sa page, consentant ainsi à une sorte de mutilation du récit qui pouvait pourtant s’amorcer, à défaut de se tramer, sous les yeux des visiteurs.
On n’a pas tort de dire que j’ai mis du temps avant de me rendre compte de ce pépin. Il faut sans doute imputer cette prise de conscience tardive à la lente accumulation d’instants figés qui s’affichent dans des variation toujours plus grandes au-dessus des textes que je propose à mes lecteurs. Des instants qui ajoutent un élément supplémentaire à l’ensemble du site, élément qui, de par sa diversité, réclame aujourd’hui une autonomie qui ne saurait plus se satisfaire d’un rôle purement décoratif.
C’est en rédigeant, il y a quelques jours seulement, une page consacrée aux en-têtes de la Bauge, que j’ai résolu de contacter une de mes dessinatrices pour inciter celle-ci à donner une suite à ce qui serait alors promu au rang de début d’histoire et de montrer les effets de la lecture érotique sur son modèle. Inspiré par Blissful in Pink, dessin de Joe6peck réalisé pour la Bauge, et séduit par une certaine froideur que dégage la Liseuse de Mar Rodriguez, c’est à cette jeune madrilène que j’ai décidé de confier ce nouveau projet. Voici, pour rappel, l’en-tête qu’elle a signé en octobre 2015 :

Et voici que je présente à mes lecteurs la suite de l’histoire, une suite qui vous dévoile les ravages de la lecture érotique, capable de pousser celles qui s’y adonnent à bousculer dans l’abîme de la jouissance la plus impudique :

On reconnaît certes le modèle avec sa crinière abondante et ses lèvres pulpeuses, mais quelle différence entre la sagesse toute en retenue de la femme en train de lire, les yeux rivés aux lignes qu’elle fait défiler sur l’écran de sa liseuse, et celle qui, emportée par une imagination enflammée et le massage de ses doigts savants, s’abandonne aux plaisirs de la caresse, les yeux perdus dans les lointains de la jouissance en perspective, le bras gauche en travers des seins, souvenir de la pudicité qui essaie de couvrir l’intimité en même temps que geste impudique destiné à rendre plus intense encore le plaisir.
Pour contacter Mar Ballesteros Rodriguez :
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