
Je suis donc enfin allé voir l’exposition de Francfort, dédiée à Courbet et le « Songe de la Modernité ». Une semaine avant sa fin … Qui a dit procrastination ;-) ?
J’ai pu y voir des dizaines de tableaux, et même quelques-uns des plus célèbres, comme p. ex. Femmes au bord de la Seine. Et c’est là, à mon avis, le véritable mérite des expositions, cette possibilité de « rencontrer » des œuvres d’art, d’habitude dispersées à travers le globe, réunies dans un seul endroit. Des toiles qu’il faudrait, sans cela, partir chercher aux quatre coins du monde. Peu m’importe, en général, l’opinion très personnelle de tel curateur, ou la théorie chère à quelque historien de l’Art, vouée à végéter au fond de catalogues volumineux, pourvu qu’ils fassent parler les tableaux. Et quand il s’agit de Gustave Courbet, on est sûr d’entendre une voix qui ne se contente pas de susurrer des phrases à peine audibles où se cacheraient de prétendues vérités éternelles, mais qui pousse la foule, et à grands coups de gueule, dans la bonne direction.
Gustave Courbet – voilà un homme qui a fait parler de lui – et c’est bien le moins qu’on puisse dire. Que ce soit en bien ou en mal, ça n’arrêtait pas de jaser autour de lui. Tandis que les uns le traitaient de « socialiste » (une des pires injures pour certains, alors comme aujourd’hui), d’autres affirmaient qu’il osait « avancer dans l’inconnu, là où nul n’a pu poser son pinceau. » (je ne peux passer à côté d’une telle citation sans rappeler la célèbre phrase qui ouvrait les émissions de Star Trek : « to boldly go where no man has gone before »). Lui-même se contentait de dire qu’il peignait « comme le Bon Dieu » …
Voilà un homme aussi qui a su agir. On l’exclue du Salon ? Il organise sa propre exposition pour montrer ses tableaux géants à un public dont il a su acquérir les faveurs de bonne heure. Le climat se détériore en France, suite au coup d’État de Louis Napoléon et à l’avènement du Second Empire ? Il part pour l’Allemagne où il fréquente les artistes, les riches bourgeois et la noblesse – tous amateurs (et acquéreurs !) de ses tableaux.

Mêlé à tous les courants de l’Art, honni des partisans de l’Académisme, dénigré par Delacroix, il était un des grands inspirateurs de Manet et des futurs impressionnistes qui surent reconnaître le souffle frais et nouveau qu’il fit courir à travers les académies et les ateliers.

En tant que peintre, il a puisé dans un petit nombre de sujets : le monde rural, représenté sur des toiles géantes, telles de véritables tranches d’univers ; des scènes de chasse faciles à vendre auprès d’un certain public ; des paysages de mer et de montagne, qui le tenaient sous le charme de leurs effets de lumière. Mais deux sujets l’occupaient d’avantage encore que les autres : lui-même, et la chair féminine.

La figure du peintre est omniprésente dans son œuvre. Il a prêté ses traits à un grand nombre des personnages qui défilent sur ses toiles, que ce soit en tant que soldat blessé, en tendre amant, dans de multiples incarnations des clichés romantiques ou encore en gnome difforme, le peintre investit ses propres tableaux.
Et puis, il y a la femme. Ou mieux, la chair de la femme, juteuse, alléchante et remplie de ses sèves délicieuses dont l’appel s’adresse à l’assoiffé qui se précipite, incrédule, vers une source qu’il découvre intarissable.

Un dernier conseil : Si vous voulez apprécier la peinture de Courbet à sa juste valeur, allez faire un tour au Musée d’Orsay, à Paris. Empruntez un escabeau, et installez-vous, successivement, en face de ces trois toiles :
- Un enterrement à Ornans
- L’Atelier du peintre
- l’Origine du Monde
Restez‑y à regarder du plus près possible, voire à contempler. Laissez-vous maltraiter par la sauvagerie des couleurs et la violence des coups de pinceau, anéantir par la taille plus qu’humaine des scènes d’obscures masses humaines, aspirer par ce passage vers d’autres mondes …
Essayez de comprendre qui fut Gustave Courbet.
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2 réponses à “Gustave Courbet – aux sources de l’Art”