Gus­tave Cour­bet – aux sources de l’Art

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Newspaper Caricature of Gustave Courbet, 1870

Je suis donc enfin allé voir l’ex­po­si­tion de Franc­fort, dédiée à Cour­bet et le « Songe de la Moder­ni­té ». Une semaine avant sa fin … Qui a dit procrastination ;-) ?

J’ai pu y voir des dizaines de tableaux, et même quelques-uns des plus célèbres, comme p. ex. Femmes au bord de la Seine. Et c’est là, à mon avis, le véri­table mérite des expo­si­tions, cette pos­si­bi­li­té de « ren­con­trer » des œuvres d’art, d’ha­bi­tude dis­per­sées à tra­vers le globe, réunies dans un seul endroit. Des toiles qu’il fau­drait, sans cela, par­tir cher­cher aux quatre coins du monde. Peu m’im­porte, en géné­ral, l’o­pi­nion très per­son­nelle de tel cura­teur, ou la théo­rie chère à quelque his­to­rien de l’Art, vouée à végé­ter au fond de cata­logues volu­mi­neux, pour­vu qu’ils fassent par­ler les tableaux. Et quand il s’a­git de Gus­tave Cour­bet, on est sûr d’en­tendre une voix qui ne se contente pas de susur­rer des phrases à peine audibles où se cache­raient de pré­ten­dues véri­tés éter­nelles, mais qui pousse la foule, et à grands coups de gueule, dans la bonne direction.

Gus­tave Cour­bet – voi­là un homme qui a fait par­ler de lui – et c’est bien le moins qu’on puisse dire. Que ce soit en bien ou en mal, ça n’ar­rê­tait pas de jaser autour de lui. Tan­dis que les uns le trai­taient de « socia­liste » (une des pires injures pour cer­tains, alors comme aujourd’­hui), d’autres affir­maient qu’il osait « avan­cer dans l’in­con­nu, là où nul n’a pu poser son pin­ceau. » (je ne peux pas­ser à côté d’une telle cita­tion sans rap­pe­ler la célèbre phrase qui ouvrait les émis­sions de Star Trek : « to bold­ly go where no man has gone before »). Lui-même se conten­tait de dire qu’il pei­gnait « comme le Bon Dieu » …

À lire :
Frédéric Bazille, Jeune femme dans les vignes

Voi­là un homme aus­si qui a su agir. On l’ex­clue du Salon ? Il orga­nise sa propre expo­si­tion pour mon­trer ses tableaux géants à un public dont il a su acqué­rir les faveurs de bonne heure. Le cli­mat se dété­riore en France, suite au coup d’É­tat de Louis Napo­léon et à l’a­vè­ne­ment du Second Empire ? Il part pour l’Al­le­magne où il fré­quente les artistes, les riches bour­geois et la noblesse – tous ama­teurs (et acqué­reurs !)  de ses tableaux.

Gustave Courbet, L'Enterrement à Ornans
Gus­tave Cour­bet, L’En­ter­re­ment à Ornans

Mêlé à tous les cou­rants de l’Art, hon­ni des par­ti­sans de l’A­ca­dé­misme, déni­gré par Dela­croix, il était un des grands ins­pi­ra­teurs de Manet et des futurs impres­sion­nistes qui sur­ent recon­naître le souffle frais et nou­veau qu’il fit cou­rir à tra­vers les aca­dé­mies et les ateliers.

Gustave Courbet, L'Hallali du cerf
Gus­tave Cour­bet, L’Hal­la­li du cerf

En tant que peintre, il a pui­sé dans un petit nombre de sujets : le monde rural, repré­sen­té sur des toiles géantes, telles de véri­tables tranches d’u­ni­vers ; des scènes de chasse faciles à vendre auprès d’un cer­tain public ; des pay­sages de mer et de mon­tagne, qui le tenaient sous le charme de leurs effets de lumière. Mais deux sujets l’oc­cu­paient d’a­van­tage encore que les autres : lui-même, et la chair féminine.

Gustave Courbet, Les joueurs aux dames
Gus­tave Cour­bet, Les joueurs aux dames

La figure du peintre est omni­pré­sente dans son œuvre. Il a prê­té ses traits à un grand nombre des per­son­nages qui défilent sur ses toiles, que ce soit en tant que sol­dat bles­sé, en tendre amant, dans de mul­tiples incar­na­tions des cli­chés roman­tiques ou encore en gnome dif­forme, le peintre inves­tit ses propres tableaux.

Et puis, il y a la femme. Ou mieux, la chair de la femme, juteuse, allé­chante et rem­plie de ses sèves déli­cieuses dont l’ap­pel s’a­dresse à l’as­soif­fé qui se pré­ci­pite, incré­dule, vers une source qu’il découvre intarissable.

À lire :
Les voiles retirés - sexualité et littérature
Gustave Courbet, L'Origine du monde
Gus­tave Cour­bet, L’O­ri­gine du monde

Un der­nier conseil : Si vous vou­lez appré­cier la pein­ture de Cour­bet à sa juste valeur, allez faire un tour au Musée d’Or­say, à Paris. Emprun­tez un esca­beau, et ins­tal­lez-vous, suc­ces­si­ve­ment, en face de ces trois toiles :

  • Un enter­re­ment à Ornans
  • L’A­te­lier du peintre
  • l’O­ri­gine du Monde

Restez‑y à regar­der du plus près pos­sible, voire à contem­pler. Lais­sez-vous mal­trai­ter par la sau­va­ge­rie des cou­leurs et la vio­lence des coups de pin­ceau, anéan­tir par la taille plus qu’­hu­maine des scènes d’obs­cures masses humaines, aspi­rer par ce pas­sage vers d’autres mondes …

Essayez de com­prendre qui fut Gus­tave Courbet.

La Sirène de Montpeller

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