Col­lec­tif, Sea, sex and sun

Tan­dis que l’Eu­rope croule sous une vague de cha­leur et que le début des vacances se fait encore attendre, quelle meilleure acti­vi­té que d’i­ma­gi­ner de futurs dépla­ce­ments, avec sur nos peaux la brise venue de la mer, les narines pleines des effluves bal­néaires et la libi­do chauf­fée à blanc par les corps dénu­dés qu’on ima­gine – mal­gré ou à cause du soleil tor­ride – en train de céder à nos avances très peu équivoques…

Et comme le hasard fait par­fois très bien les choses, voi­ci que je suis en mesure de vous pro­po­ser la lec­ture d’un autre de ces recueils cou­leur soleil, celui dont j’ai omis de vous par­ler l’an­née pas­sée, pris dans les engre­nages d’une vie sous le soleil très peu com­pa­tible avec mes efforts de venir à bout de mes ten­dances à la pro­cras­ti­na­tion. C’est donc avec un cer­tain retard que j’in­vite les auteurs réunis sous la ban­nière Sea, sex and sun – ban­nière dérou­lée par l’é­quipe de la Musar­dine – de venir éta­ler sous vos yeux éba­his leurs textes avec leur bonne grosse dose de poi­trines géné­reuses et leur parade de tétons inso­lents, de bites dres­sées et d’o­ri­fices abon­dam­ment lubri­fiés. Et comme tout ça n’a pas de date à consom­mer avant fin et que les his­toires, contrai­re­ment aux vigne­rons et aux chiens de garde du Miche­lin, se sou­cient peu du mil­lé­sime, je me suis dit que la cani­cule est la meilleure des occa­sions pour répa­rer mon oubli de l’an­née pas­sée et de vous invi­ter au voyage aus­si lubrique qu’in­dé­cent. Mais comme vous com­men­cez à connaître le guide, je parie que vous ne serez même pas surpris…

La Musardine aux couleurs de l'été - galerie des couvertures estivales
Les recueils « cou­leur soleil » de la Musar­dine – une belle façon pour accueillir l’été.

Au fil des 250 pages que vous ne tar­de­rez pas à décou­vrir, vous pour­rez vous pré­las­ser sur une plage bre­tonne en com­pa­gnie d’une prof d’al­le­mand géné­reu­se­ment dotée ; vous glis­ser dans la cabane d’un Club Med pour guet­ter les ébats de deux moni­teurs ; vous tenir dans le noir pour assis­ter à l’i­ni­tia­tion sur la plage de Mar­gaux par un couple de vacan­ciers adeptes des bains de minuits ; feindre de vous assou­pir dans le train des­ser­vant Breil-sur-Roya afin de ne rien rater de la scène de domi­na­tion impro­vi­sée qui se joue à quelques pas de votre siège ; vous cacher dans les dunes pour dégus­ter une scène de baise aus­si indé­cente que sur­réelle. Ceci n’est bien enten­du qu’un aper­çu de toute la lubri­ci­té que l’é­quipe musar­di­nesque a su réunir dans un recueil dont le seul nom ren­ferme un pro­gramme à y consa­crer des vies entières.

Par­mi les auteurs du recueil, on trouve des noms qui reviennent avec une cer­taine régu­la­ri­té dès qu’il s’a­git de lec­tures éro­tiques esti­vales, comme p.ex. Jon Black­fox, Jean Danel, Cor­ne­lia B. Fer­rer, Louise Laë­dec, Héloïse Lesage ou encore Cla­ris­sa Rivière, des noms que vous trou­ve­rez aus­si dans le recueil actuel de la col­lec­tion, Osez 20 his­toires de sexe au soleil. Ceux-ci sont rejoints dans le titre de la sai­son pré­cé­dente par des consœurs et des confrères dont cer­tains au moins ont déjà su for­cer la porte de la cita­delle de la Rue du Che­min Vert. Je n’ai pas pous­sé le vice jus­qu’à véri­fier cette affir­ma­tion pour cha­cun des vingt noms réunis ici, et peu importe de savoir si l’un ou l’autre s’est déjà taillé une répu­ta­tion ailleurs, l’im­por­tant étant de savoir nous séduire, nous autres esti­vants en herbe, de faire de la lit­té­ra­ture une domi­na­trice aus­si exi­geante que la plus ter­rible habi­tuée des don­jons et de sou­mettre au gré de ses plai­sirs les ima­gi­na­tions de celles et de ceux qui ont choi­si de leur faire confiance.

J’ai déjà évo­qué ailleurs le pro­blème des recueils, à savoir qu’il est dif­fi­cile, face à un grand nombre de textes, de rendre jus­tice à l’en­semble des auteurs réunis. Per­met­tez-moi donc de me bor­ner à évo­quer en vitesse les textes ayant eu l’heur de me plaire, tout en sachant que mes juge­ments n’en­gagent que moi. J’in­voque donc la devise du sage pour me pla­cer sous son docte bou­clier et me mettre ain­si à l’a­bri des reproches que l’un ou l’autre pour­rait être ten­té de m’a­dres­ser : De gus­ti­bus non est dis­pu­tan­dum.

Le pre­mier texte est une belle entrée en matière avec un décor on ne peut plus esti­val : un « Club Médi­ter­ra­née dans le sud de l’Italie »[1]Sea, sex and sun, p. 5, club dans lequel nous croi­sons une jeune ani­ma­trice – « petite Ita­lienne, avec […] [s]es kilos en trop »[2]Sea, sex and sun, p. 5 et à la poi­trine géné­reuse. Celle-ci, rêveuse après le départ d’un tou­riste qu’elle vient de déniai­ser, est convo­quée par son supé­rieur qui lui offre la clé des délices qu’il sait dis­pen­ser grâce au savoir-faire acquis en croi­sant les belles tou­ristes insou­cieuses depuis de nom­breuses sai­sons. Si le texte m’a presque aus­si­tôt convain­cu, c’est en grande par­tie par le savoir-faire de l’au­trice quand il s’a­git de créer une ambiance, comme par exemple au tout début quand elle évoque les tunes des années 70 pour tenir com­pa­gnie aux réflexions dou­ce­ment mélan­co­liques de la pro­ta­go­niste, et la finesse des des­crip­tions pour une mise en scènes des plus réussies :

C’était une grande bâtisse car­rée badi­geon­née de blanc, la porte d’un vert écaillé. J’ai tour­né la clé, l’ombre fraîche des construc­tions médi­ter­ra­néennes m’a accueillie. Une grande pièce sombre, des tas et des masses par­tout, des formes pen­dant du pla­fond. […] J’étais dans le maga­sin des pro­vi­sions du res­tau­rant et du vil­lage. Des boîtes en car­ton, des piles de boîtes de conserve, des réfri­gé­ra­teurs, des lots de pro­duits d’entretien, des fro­mages ; des jam­bons, pen­dus aux poutres, dif­fu­saient leur odeur poi­vrée. À droite, des piles de cageots de fruits et de légumes, la sen­teur dou­ceâtre des pêches. Par­tout, des sacs, des paquets s’entassaient, toute une richesse dont je ne dis­tin­guais pas les dif­fé­rents élé­ments…[3]Irène Louÿs, Memen­to. In : Sea, sex and sun, pp. 7 – 8

Un autre texte qu’il faut impé­ra­ti­ve­ment signa­ler aux adeptes de gali­pettes sous le soleil – peut-être le plus fort du recueil – est celui d’Aude dite Orium, au titre pour­tant assez peu évo­ca­teur : Nice — Breil-sur-Roya par le train. On le sait, le train est un grand clas­sique de l’é­ro­tisme, et il y a des recueils entiers consa­crés à ce moyen de trans­port légen­daire. La pro­ta­go­niste, après avoir pas­sé quelques heures à la plage à faire pas­ser en revue – et à ridi­cu­li­ser – les éta­lons sou­cieux de s’at­ti­rer les regards des femmes, a choi­si de payer une visite à sa grand-mère. Et la cha­leur étouf­fante dans les wagon fait naître de drôles d’i­dées qu’elle n’hé­site pas à mettre à exé­cu­tion dès que l’oc­ca­soin s’en pré­sente. Et le voya­geur insous­ciant qui a eu le mal­heur de s’at­ti­rer ses atten­tions en fera les frais. Une belle his­toire d’une sou­mis­sion impro­vi­sée, dans le train, avec un très beau ren­du de l’été dans ce qu’il a d’im­pi­toyable, et sur­tout sa cha­leur à étouf­fer. Et on assiste à une belle trans­for­ma­tion de la pro­ta­go­niste qui, le temps d’une baise, devient bête sau­vage, ani­mal, fauve en cha­leur. Bel éloge du sexe transgressif !

À lire :
Éric Mouzat, Petites confidences estudiantines

Le pro­chain texte que je tiens à vous pré­sen­ter m’a inci­té à en ache­ter un autre illi­co. Il s’a­git de la contri­bu­tion de Zakya Gnaoui, Le paréo bleu, une autrice maro­caine ayant signé un roman sor­ti en décembre 1999, Sans contre­fa­çon. Ce qui m’a séduit dans le texte pré­sent, c’est moins le sexe, même si les scènes sont bien écrites et donnent un bel aper­çu des émo­tions de cette quin­qua en ter­rain incon­nu, mais plu­tôt la douce mélan­co­lie de la femme por­tée par les habi­tudes de toute une vie et qui se découvre, seule et aban­don­née, contrainte de réa­li­ser qu’on lui pré­fère une maî­tresse. Un point de départ plu­tôt banal, mais point de vio­lence ici, point de bru­ta­li­té ven­ge­resse, mais plu­tôt le côté réflexion de l’u­ni­ver­si­taire habi­tuée à tout pas­ser par le filtre de la lit­té­ra­ture et de l’a­na­lyse. Et c’est ain­si que la séduc­tion et la trans­gres­sion prennent des tons d’une inouïe et évi­dente douceur :

Sous sa jupe, elle ne por­tait pas de culotte. Il pour­rait cares­ser sa vulve inté­gra­le­ment épi­lée. Ce soir, la vie aurait des cou­leurs dorées. [4]Zakya Gnaoui, Le paréo bleu. In : Sex, sex and sun, p. 60

En conti­nuant la lec­ture, j’ai eu le plai­sir de trou­ver un texte signé Valé­ry K. Baran, La vie est à nous. Valé­ry s’est fait connaître par ses textes MM, sigle pour dési­gner les romances entre hommes qui, depuis un cer­tain temps, ont la cotte chez un assez grand nombre de lec­trices. Contrai­re­ment à ce que ces anté­cé­dents pou­vaient lais­ser attendre, il s’a­git Cette fois-ci d’une situa­tion plu­tôt clas­sique dans la mesure que les rela­tions se passent bien entre les deux sexes bio­lo­giques, même si celles qui se sont tis­sées entre les pro­ta­go­nistes n’ont rien de tra­di­tion­nelles. La vie est à nous, c’est une varia­tion sur les sujets propres aux road-movies, la rébel­lion et pas­sage à l’âge adulte, la fuite comme moyen de se cher­cher et d’af­fir­mer, une sorte de rite de pas­sage. Et Baran excelle à rendre l’ambiance des plages noc­turnes par­se­mées de bun­kers, des grandes sur­faces avec leurs par­kings béton­nés et des feux de camps qui brillent dans la nuit bru­meuse du noir océa­nique. Un hymne à la liber­té, aux copains, à la jeu­nesse, cet épi­sode entre deux âges, loin des contraintes dont on se libère avec la faci­li­té d’une idée sur­ve­nue à l’improviste, celle du départ. Et l’art de Valé­ry consiste à se sai­sir des cli­chés mille fois enten­dus pour en extraire une véri­té aus­si simple que ses paroles :

On a bai­sé tout le temps. Ce furent les vacances-baise. L’été où on n’a fait que cou­cher ensemble, tout le temps. Le moment de ma vie où j’ai goû­té le mot « Liber­té » comme je ne l’ai plus jamais goû­té depuis, cet été for­mi­dable où tout pou­vait être réa­li­sé, tout le temps.[5]Valé­ry K. Baran, La vie est à nous. In : Sea, sex and sun, p. 129

Par­mi les autrices à lire de toute urgence il faut citer Cor­ne­lia B. Fer­rer avec son texte empreint d’un cer­tain humour drô­la­tique, Bien­ve­nue chez les Ch’tis : On y trouve un couple d’é­tu­diants que leur bud­get res­treint contraint à choi­sir les plages du Nord pour leurs vacances. Une déci­sion que, face à l’hos­pi­ta­li­té et à la légen­daire convi­via­li­té des gens du Nord, ils ne vont pas regret­ter, comme la suite de leur his­toire va ample­ment le démon­trer. Je tiens sur­tout à sou­li­gner le côté humo­ris­tique de ce texte qui n’hé­site pas à exploi­ter les sté­réo­types pour en arri­ver à épa­ter les lec­teurs par le tour­nant tota­le­ment inat­ten­du que prennent les affaires quand Chloé, la pro­ta­go­niste, cède à son côté salope que rien ne laisse devi­ner et qu’elle n’hé­site pas – au plus grand plai­sir de la gent mas­cu­line – de se faire entre­prendre dans les dunes. Clin d’œil à Dan­ny Boon et à Kad Merad, hymne à la désor­mais légen­daire hos­pi­ta­li­té convi­viale des gens du Nord, le tout rehaus­sé par une ori­gi­na­li­té aus­si éton­nante qu’indécente :

Le ven­deur de frites lèche son doigt en hochant la tête d’un air appré­cia­teur. Il s’y connaît en sauces, et celle-là dépasse de loin toutes celles de son camion.[6]Cor­ne­lia B. Fer­rer, Bien­ve­nue chez les Ch’tis. In : Sea, sex and sun, p. 151

L’é­di­tion 2018 des recueils esti­vaux de la Musar­dine a au menu un côté plus sombre aus­si, et un des deux textes qui pro­posent un alliage du macabre et du lubrique est signé Jon Black­fox. Sa Méla­nie, ma douce éclipse, titre qui porte le noir ins­crit dans son éty­mo­lo­gie, débute par une his­toire de fan­tôme où une fille se fait assas­si­ner après une nuit de débauche à la plage – au moins est-ce ain­si que les gens ima­ginent sa der­nière nuit. Et l’en­droit du meurtre exerce un drôle d’as­cen­dant sur les jeunes réunis sur la plage jus­qu’à en atti­rer un couple qui vivra sa par­tie de jambes en l’air dans une drôle d’am­biance. Le deuxième titre qui penche du côté obs­cur de l’é­ro­tisme a été contri­bué par Romuald Ward qui s’y découvre un petit côté Silence des Agneaux. Per­son­nel­le­ment, de tels sujets ne m’at­tirent guère, à plus forte rai­son dans un recueil consa­cré à l’é­té et à ses plai­sirs, mais je suis sûr qu’il se trou­ve­ra des ama­teurs par­mi celles et ceux qui me suivent dans mes péré­gri­na­tions littéraires.

À lire :
Collectif, Osez 20 histoires de sexe torride

Avant de ter­mi­ner, je ne vou­drais pas pas­ser sous silence deux textes qui m’ont lais­sé un sou­ve­nir agréable. Il y a d’a­bord celui d’Hé­loïse Lesage, La dune lac­té, où elle raconte les émois d’un tou­riste emme­né par un petit bout de femme pour la suivre dans l’es­ca­lade d’une dune sui­vie d’une plon­gée dans la mer où la très jeune femme se mue en naïade. Et ensuite, pour ter­mi­ner en beau­té et en légè­re­té, n’o­met­tez pas de lire le texte de Jean-Luc Manet, Saxo­phomme. Je n’ai pas aimé le titre qui donne comme un côté lour­dingue au pro­ta­go­niste que celui-ci n’a pas du tout. Ici, tout se joue – lit­té­ra­le­ment – à Paris, aux bords de la Seine, sur la ter­rasse d’un café, dans un stu­dio d’en­re­gis­tre­ment. Et la scène du tout pre­mier contact qui se pré­pare après un concert impro­vi­sé est tout sim­ple­ment délicieuse :

La main se déploie et c’est toute la paume qui main­te­nant effleure la peau tendre. Bet­ty se laisse cares­ser, fei­gnant l’inattention, qua­si­ment. Les doigts pré­ve­nants ont pour­tant ral­lié l’ourlet de sa mini­robe… à un souffle de son sexe libre et fon­dant, elle devine la sève qui lui perle déjà à l’entrejambe, sans que la fièvre envi­ron­nante en soit responsable.

Et quand tout cela se ter­mine par la ques­tion-culte « Si vous le sou­hai­tez, je peux vous mon­trer mes ins­tru­ments. », on a du mal à ne pas écla­ter de rire. Humour et sexe, il n’y a que ça de vrai, et quand la légè­re­té s’y mêle, cela devient tout sim­ple­ment irrésistible.

Donc, si jamais vous n’a­vez pas encore eu l’oc­ca­sion de lire les textes ras­sem­blés ici sous la devise de tout esti­vant qui se res­pecte, pro­fi­tez-en, à quelques semaines du grand départ, pour vous mettre dans l’am­biance. Et je suis sûr que les vingt auteurs ayant réuni ici leurs forces pour pré­sen­ter vingt textes aus­si dif­fé­rents par leurs styles et par leur ins­pi­ra­tion trou­ve­ront le moyen de vous faire pas­ser quelques petites heures des plus agréables.

Col­lec­tif
Sea, sex and sun
La Musar­dine
ISBN : 9782364908383

Réfé­rences

Réfé­rences
1, 2 Sea, sex and sun, p. 5
3 Irène Louÿs, Memen­to. In : Sea, sex and sun, pp. 7 – 8
4 Zakya Gnaoui, Le paréo bleu. In : Sex, sex and sun, p. 60
5 Valé­ry K. Baran, La vie est à nous. In : Sea, sex and sun, p. 129
6 Cor­ne­lia B. Fer­rer, Bien­ve­nue chez les Ch’tis. In : Sea, sex and sun, p. 151
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95