Voici un texte, Job d’été – La découverte signé Clara Le Kennec, qui présente les vacances d’un point de vue différent. Au lieu de raconter les aventures (ou les déboires, c’est selon) de la vacancière, le récit aborde la période estivale en empruntant la perspective d’une employée d’hôtel, Clara. Celle-ci, étudiante en mal de budget suite au chômage de son père, se voit contraint de gagner des sous, et elle choisit de s’engager comme serveuse dans un hôtel de la côte bretonne, sa région natale. Les journées y sont remplies de travail et se terminent assez tard, mais il y a une longue pause, entre les services du matin et ceux du soir, qui lui permettent de jouir d’un peu de liberté. Une liberté dont elle profite pour explorer un terrain encore plus mystérieux que la région qui l’entoure.
Célibataire, rien ne s’oppose à ce que Clara profite des occasions qui se présentent pour se permettre des petites escapades, sauf que, au départ au moins, ce n’est pas le premier de ses soucis. Elle débarque, après une année remplie de travail pour obtenir de bonnes notes, sans se faire la moindre illusion, et elle se trouve vite absorbée par le rythme délirant d’un lieu de villégiature en haute saison. Avec comme seule exception les quelques moments passés à bronzer en terrasse, entre les services, un endroit où elle finit par attirer l’attention de Mehdi, préposé au bar et aux – massages. Et celui-ci ne se prive pas de proposer un échantillon de ses capacités en la matière à la belle jeune femme qui, elle, sent éclore, grâce à la détente qui peu à peu s’empare d’elle, loin des nécessités de sa vie parisienne, des envies trop longtemps réprimées. Elle consent donc aux propositions répétées de Mehdi, cinquantenaire d’origine turc, et se laisse aller aux bienfaits des mains qui pétrissent sa chair. Des bienfaits qui la mettent dans un état inconnu jusque-là, et elle se trouve embarquée sur la route d’un plaisir aussi charnel que spirituel dont elle cherchera désormais la réalisation dès l’occasion se présente. Et celle-ci n’est finalement pas très loin, à fleur de peau, prête à répondre aux appels d’une indécence en train de se réveiller et de monter du fond du vaste océan de ses fantsames insoupçonnés. Ces expériences-là se renouvellent peu après, Clara cédant aux avances d’un autre petit vieux, Monsieur Paul, ancien gérant d’un Hammam ayant conservé le savoir-faire une fois acquis pour dispenser un bien-être incendiaire.
On pourrait qualifier Job d’été de texte masturbatoire, le plaisir suprême étant systématiquement atteint en solitaire, bien que suscité par les récits et les massages érotiques des vieux messieurs qui se partagent cette proie très consentante. Ce scénario – celui de la (très) jeune femme qui se fait dévorer par des vieux – n’a rien de très original en soi, il suffit de penser aux stéréotypes, d’un côté, du dirty old man mis à l’honneur par Charles Bukowski ou encore à celui, de l’autre, des Lolitas, infiniment plus complexe encore. Mais il est plus rare de voir celui-ci mis à l’honneur dans un texte érotique qui joue sur la séduction. Celle-ci est, dans Job d’été, d’abord verbale, avant de se traduire en actes, sans pour autant jamais passer à l’acte, ce qui explique l’absence de toute pénétration. L’autrice met l’accent sur le pouvoir séducteur des mots, savamment utilisés pour s’emparer d’une femme peu sûre d’elle-même, pour la prendre par la main et la mener sur le chemin de la jouissance – quitte à la laisser poursuivre toute seule vers le but. Un but qu’elle atteint avec facilité, les sens bardés de paroles et de gestes tout ce qu’il y a de plus indécents. Mais ce but-là a une particularité qu’il ne faut jamais oublier : Une fois atteint, il se dérobe à nouveau, renouvelant les appels, faisant miroiter les charmes de l’extase charnel, soumettant sa proie à une attente tellement aiguë qu’on pourrait presque la qualifier de torture. Comment ensuite s’étonner de ce que la jeune femme s’engage à le poursuivre quitte à sortir du droit chemin qui, jusqu’à la rencontre fatidique, fut le sien ?
Clara Le Kennec abandonne sa protagoniste, et ses lecteurs avec elle, en pleine route, avec comme seul repère à propos du chemin à suivre le défi de Monsieur Paul adressé à la jeune femme en délire, celui de ne pas mettre de culotte pour le service du soir. Je peux affirmer que l’autrice a réussi le beau pari de mettre en haleine son lecteur, d’attiser une attente qui réclame de connaître la suite de l’aventure, de savoir jusqu’où le réveil des sens va mener la belle Clara. Et c’est ainsi que le lecteur, poussé par la sensualité des scènes auxquels il vient d’assister, se voit offrir un deuxième volume, Job d’été – La révélation, une suite qui promet des délices dont votre serviteur ne va très certainement pas se priver. Et ce malgré le nombre assez important de coquilles que j’ai pu relever dans le volume dont nous traitons dans la présente. Parce que, comme nombre de textes parus en auto-édition, on constate l’absence douloureuse du coup de main d’un professionnel qui puisse en faire un texte à la hauteur des attentes légitimes du lectorat. C’est dommage, surtout en présence d’un texte qui vise plus loin que les clichés d’usage, et qui se démarque très nettement des ordures qu’on trouve en bien trop grand nombre dans les rayons Kindle, crachées à la figure des lecteurs dans le seul but d’exploiter les faiblesses du système pour se faire des sous rapidement et sans se fatiguer.
Bref, si vous cherchez de l’insolite, et si votre libido ne s’envole pas à la première coquille qui se présente sur sa route, donnez une chance à Clara Le Kennec et à son récit d’un Job d’été moins ordinaire que ce qu’il y paraît.
Clara Le Kennec
Job d’été – La découverte
Auto-édition
ASIN : B00U8X2R0U