En-tête de la Bauge littéraire

Cho­co­lat­Can­nelle, Isa, été 93

Après avoir par­lé, dans un billet pré­cé­dent, d’un texte sor­ti sous la hou­lette édi­to­riale de Cho­co­lat­Can­nelle, voi­là qu’au­jourd’­hui nous avons le bon­heur d’a­bor­der cette même dame sous un autre angle, à savoir celui de l’au­trice d’un texte éro­tique au titre évo­ca­teur de sou­ve­nirs esti­vaux : Isa, été 93. Vous l’au­rez devi­né, un autre texte qui aurait trou­vé sa place dans la liste de mes lec­tures esti­vales, à l’ins­tar des Trips insu­laires de Car­line, cet excellent roman por­no­gra­phique de Roman K. Mais on peut com­prendre cette (fâcheuse ?) ten­dance à publier des textes qui sentent l’huile solaire, où le soleil chauffe les corps et les têtes, où la cha­leur fait cré­pi­ter les arbustes et où la terre exhale ses odeurs les plus intimes, à un moment de l’an­née où tout cela n’est plus qu’un loin­tain sou­ve­nir – ou un pro­jet à réaliser.

Bref, l’é­di­trice des Édi­tions Domi­nique Leroy vient de publier un texte sor­ti de sa plume. Et elle n’en est d’ailleurs pas à son coup d’es­sai, avec à son actif une dizaine de textes, parus sépa­ré­ment ou en recueil, le texte en ques­tion étant le troi­sième à voir le jour dans la col­lec­tion L’ivre des Sens de l’é­di­teur L’ivre-book. Col­lec­tion qu’elle a d’ailleurs eu l’hon­neur d’i­nau­gu­rer, en com­pa­gnie de la non moins allé­chante Miss Kat.

Mais ce texte, qu’en est-il main­te­nant, après tous ces pré­li­mi­naires ? Et bien, c’est le récit d’une femme qui, en train de lécher une bite, se dit qu’elle n’a jamais

léché la fente d’une femme, que jamais [elle] n’a­vait aven­tu­ré ses lèvres à l’en­trée d’un jar­din parfumé.

Et voi­là don­né le coup d’en­voi d’un retour en arrière, parce que, dans un loin­tain pas­sé, en pleine ado­les­cence de la nar­ra­trice, il y en a bien eu une, de femme…

À lire :
Dominique Simon, Les carnets d'Alexandra

Il s’a­git donc, on l’au­ra com­pris, du récit d’un amour entre femmes. Et je dis bien « entre femmes », parce que la dési­gna­tion les­bien me semble bien trop éloi­gnée, avec ses conno­ta­tions poli­tiques et de choix de style de vie, de ce qui se passe entre, d’une part, Isa, et, de l’autre, la nar­ra­trice ado­les­cente. Celle-ci part en vacances avec sa copine Anna, avec comme des­ti­na­tion le Midi, le soleil, la plage et les aven­tures entra­per­çues sur un hori­zon ren­du bru­meux par la cha­leur moite du lit­to­ral. L’a­ven­ture, elle la trou­ve­ra, mais pas tout à fait comme elle l’at­ten­dait. Et qui a d’ailleurs dit que les aven­tures se ter­minent tou­jours bien ?

Il ne se passe, en fin de compte, pas grand chose dans ce petit récit d’une ving­taine de pages : Un départ et une arri­vée, des ren­contres, des ran­don­nées, des excur­sions, des soi­rées pas­sées à papo­ter. Et un rap­pro­che­ment – avor­té. Rien d’ex­tra­or­di­naire dans tout cela, sauf le regard de la nar­ra­trice ren­du cruel par la jalou­sie. Ce qui per­met au lec­teur de voir se trans­for­mer en cari­ca­ture un corps fémi­nin avec tous ses allé­chants détails d’ha­bi­tude décrits dans un but tota­le­ment dif­fé­rent. Mais ne vous lais­sez pas abu­ser, il ne s’a­git pas ici de l’é­loge de la lai­deur ! L’au­trice arrive par contre à se glis­ser avec une faci­li­té décon­cer­tante dans la peau d’une femme ron­gée par la haine de l’autre dans son expres­sion la plus élé­men­taire, à savoir son être phy­sique. Qu’il ne s’a­git même pas de déni­grer, mais qu’il suf­fit de  mon­trer tel que le voient des yeux biai­sés pour se rendre compte avec quelle faci­li­té la beau­té bous­cule du côté de la laideur.

À lire :
ChocolatCannelle, À voyeur, voyeur et demi

Un texte comme une esca­pade vers des sou­ve­nir de vacances, vers le mythique pre­mier amour et l’a­do­les­cence, cette période si sou­vent ren­due plus brillante par la dis­tance qu’elle ne l’a été en réa­li­té. Un texte où l’au­trice déploie tous les moyens pour ame­ner une scène d’a­mour saphique avi­de­ment atten­du par tous les intéressé(e)s et qui se ter­mine de façon si inat­ten­due. J’ai aimé, et je ne peux que recom­man­der ce petit texte qui, même s’il n’a pas l’am­bi­tion de jouer dans la cour des grands, est néan­moins capable de déli­cieu­se­ment dépay­ser ses lecteurs.

ChocolatCannelle, Isa, été 93

Cho­co­lat­Can­nelle
Isa, été 93
L’ivre-book