En-tête de la Bauge littéraire

2014 – l’an­née du com­bat antifasciste ?

2013 a failli être une année plu­tôt posi­tive. Je parle, bien enten­du, uni­que­ment de moi, sur un plan pure­ment per­son­nel. Elle a vu paraître mon pre­mier roman éro­tique aux Édi­tions Numé­rik­livres, une col­la­bo­ra­tion éten­due avec les Édi­tions Edi­cool, et cer­taines ami­tiés qui se sont épa­nouies au cours des mois pas­sés. Mais fina­le­ment, les choses se sont bien dégra­dées ces der­nières semaines, et je gar­de­rai un sou­ve­nir miti­gé de cette année près de se ter­mi­ner. Parce que j’au­rai appris que l’in­di­cible peut sur­gir des limbes d’un pas­sé san­glant où je croyais ces choses-là enfouies pour tou­jours. Erreur ! J’au­rai appris que mes amis juifs ont de nou­veau peur, quatre-vingt ans après l’ar­ri­vée au pou­voir du pire assas­sin que le monde ait jamais connu. Parce qu’il y a un per­son­nage soi-disant comique qui pro­fère des paroles hai­neuses et qui se fait le chantre de ses amis d’ex­trême droite, de fas­cistes et de néga­tion­nistes de tout poil, et qui conti­nue à pro­fé­rer ses insultes et ses inci­ta­tions à la haine mal­gré de nom­breuses condam­na­tions pour dif­fa­ma­tion et injures anti­sé­mites, sous le pré­texte de la liber­té de la parole. La der­nière fois que j’ai consul­té les textes, cette liber­té-là ne pou­vait pour­tant pas être invo­quée pour insul­ter des gens ou – comble de la per­fi­die – regret­ter les chambres à gaz.

Mais le plus grave dans toute cette affaire, ce n’est pas tel­le­ment le per­son­nage lui-même auquel la jus­tice fini­ra par apprendre le res­pect de la loi, mais le fait que celui-ci arrive à ral­lier des mil­liers de Fran­çais der­rière ses pro­pos d’un autre âge dont la stu­pi­di­té a depuis long­temps été prou­vée. Non, il n’y a pas de conspi­ra­tion sio­niste, les Sages de Sion n’ont jamais exis­té et si vous êtes dans la merde, ce n’est pas la faute d’un sys­tème quel­conque auquel vous auraient livré des forces occultes ! Il n’y a tout bête­ment pas de sys­tème, juste la démo­cra­tie que nous ont léguée nos parents, un état de droit, garant, pen­dant des décen­nies, d’une socié­té stable et plu­tôt équi­table. Et si cette socié­té ne fonc­tionne plus avec la même effi­ca­ci­té qu’a­vant, c’est qu’il faut revoir son fonc­tion­ne­ment, prendre en compte des déve­lop­pe­ments que les plus clair­voyants n’ont pu pré­voir il y a soixante ans. Cher­cher un bouc émis­saire, c’est choi­sir la faci­li­té, c’est se dis­pen­ser de tra­vailler dur dans l’in­té­rêt des géné­ra­tions futures. Mais détrom­pez vous, cette faci­li­té-là mène­ra tout droit vers la bar­ba­rie et le meurtre.

À lire :
Dédié à la mouche à miel

Symbole du combat antifasciste - le drapeau rouge au-dessus de Berlin Vous savez sans doute, chers lec­teurs, que je suis Alle­mand. Héri­tier donc d’une cruau­té qui a son­dé l’a­bîme où était capable de des­cendre l’hu­ma­ni­té. Pen­dant très long­temps, je n’au­rais jamais pen­sé qu’un jour, je pour­rais comp­ter des juifs au nombre de mes amis. Tout sim­ple­ment parce que le fait d’ap­par­te­nir à la race des cri­mi­nels aurait été comme une bar­rière infran­chis­sable entre eux et moi. Je me suis trom­pé, et j’ai sans doute sous-esti­mé la capa­ci­té des indi­vi­dus à sur­mon­ter toutes les bar­rières. Et pour­tant, soixante-dix ans à peu près après la chute de Ber­lin et la libé­ra­tion de l’Eu­rope, le sou­ve­nir des crimes per­pé­trés par mes grand-parents conti­nue à me han­ter. C’est pour cela que je tiens à vous rap­pe­ler un simple fait : L’É­tat d’Israël a été créé comme un bar­rage contre les haines mil­lé­naires, contre les per­sé­cu­tions san­glantes et les assas­si­nats sans cesse répé­tés. Israël est le sym­bole pour les juifs du monde entier qu’il ne faut pas avoir peur et qu’on peut arrê­ter les assas­sins. Se dire anti­sio­niste aujourd’­hui n’a tout sim­ple­ment pas de sens. À moins de vou­loir faire pas­ser un mes­sage beau­coup plus inavouable. Un mes­sage qu’il faut dévoi­ler pour ce qu’il est : une invi­ta­tion à la haine du pro­chain. D’où ma réso­lu­tion pour la nou­velle année : Com­battre le fas­cisme et l’an­ti­sé­mi­tisme, où qu’ils puissent se trouver !

2 réponses à “2014 – l’an­née du com­bat antifasciste ?”

  1. anne

    Tu as bien sûr rai­son Tho­mas d’ex­pri­mer ces inquié­tudes et ton écoeu­re­ment quand le racisme sévit ouver­te­ment même sur les mar­chés de nos vil­lages, mais il ne suf­fi­ra pas de condam­ner l’un ou l’autre qui s’ex­prime par le biais des médias, c’est beau­coup plus insi­dieux ce qui se passe sur la place publique ou pri­vée où parlent les qui­dams. Pour autant, je me demande bien s’ils on conscience de ce qu’ils disent, ceux-là…il faut lire Sorj Cha­lan­don qui dit dans le si beau Qua­trième mur (je te le conseille ardem­ment) que celui qui hurle CRS SS n’a cer­tai­ne­ment jamais ren­con­tré le nazi Alois Brun­ner. Ce qui veut tout dire…, les gens ne se servent plus de la pen­sée, de la réflexion et le dis­cours anti­sé­mite est du même res­sort. L’i­gno­rance, une crasse igno­rance anime ces gens-là.
    Mais je veux juste faire 2 remarques sur ton billet : ne penses-tu pas qu’il fau­drait évi­ter d’employer le mot “race” en par­lant des cri­mi­nels alle­mands ? ce n’est pas une race, tout comme les juifs ne sont pas une race ; nous fai­sons tous par­tie de la même race humaine, même les plus méchants d’entre nous. Le mot race est employé à tort et à tra­vers. C’est même pour­quoi le terme raciste ne me convient pas non plus. Xéno­phobe ne serait-il pas plus juste ?
    Et enfin, lorsque tu parles d’Is­raël en l’as­so­ciant à la volon­té de paix , à la fin de la peur et du crime…je ne cesse jamais de me deman­der com­ment ce peuple qui a tant souf­fert de cette haine de l’autre a pu éri­ger ce mur de la honte et de l’in­fa­mie et faire endu­rer des hor­reurs aux palestiniens.…Bien sûr je ne dis pas que tous les israé­liens et que tous les juifs sont prêts à mas­sa­crer les pales­ti­niens jus­qu’au dernier.…mais, mais.…quand même, je ne peux que com­prendre que l’homme reste un loup pour l’homme, ici ou là.…comme en Centre Afrique où l’on déca­pite et mas­sacre des enfants pour pur­ger la région de la géné­ra­tion à venir.…Oui, Tho­mas, je pense que l’homme est mau­vais intrin­sè­que­ment et que l’on passe notre vie à essayer de muse­ler ces hor­reurs qui sont en nous. Et comme je l’é­cri­vais sur une chro­nique à pro­pos de la Belle image (qui na rien à voir avec ça) : « Notre besoin de conso­la­tion est impos­sible à ras­sa­sier » (Stig Dagerman)…

    1. Mer­ci pour ton beau com­men­taire. Quant à Israël, je n’ai jamais dit qu’on ne pou­vait pas cri­ti­quer la poli­tique menée par ses gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs. Il faut même le faire, mais pas en remet­tant en cause l’exis­tence même de cet État. C’est pour cela que je m’op­pose aus­si vio­lem­ment au soi-disant « anti­sio­nisme », terme trop sou­vent employé pour mas­quer un anti­sé­mi­tisme primaire.

      Quant au terme « race », il ne s’a­git pas ici d’un usage bio­lo­gique (« la race des cri­mi­nels ») mais plu­tôt spi­ri­tuel. Mais tu as rai­son, il fau­drait sans doute évi­ter ce mot après les hor­reurs qui ont été com­mises au nom de « races supérieures ».