En-tête de la Bauge littéraire

Cho­co­lat­Can­nelle, Confi­dences amou­reuses et sexuelles d’une lesbienne

Il n’est pas facile, quand on s’in­té­resse d’une façon un tant soit peu sérieuse à l’é­ro­tisme lit­té­raire, de pas­ser à côté de Cho­co­lat­Can­nelle, femme poly­va­lente qui assume une mul­ti­tude de rôles dans le domaine qui nous inté­resse, que ce soit celui d’é­di­trice pour les Édi­tions Domi­nique Leroy, celui de blo­gueuse lit­té­raire qui suit de son regard affû­té tout ce qui se trame autour d’elle, ou encore celui d’au­teure avec à son actif un grand nombre de textes publiés par des mai­sons numé­riques. C’est dans ce der­nier rôle que je l’ai croi­sée à nou­veau il y a quelques semaines, grâce à la publi­ca­tion de son der­nier texte en date, Confi­dences amou­reuses et sexuelles d’une les­bienne, le pre­mier qu’elle ait choi­si de publier en auto-édi­tion sur le site pion­nier amé­ri­cain, Sma­sh­words.

Ce n’est pas la pre­mière fois que Cho­co­lat­Can­nelle aborde le sujet de l’ho­mo­sexua­li­té au fémi­nin. Il y a quelques mois, j’ai pu décou­vrir, en plein hiver, un petit texte évo­ca­teur de la cha­leur du sud, des plai­sirs des pre­mières vacances pas­sées loin des parents et des décou­vertes qu’on n’est pas près d’ou­blier, Isa, été 93. Et j’ai été sur­pris d’y trou­ver comme un conden­sé de signi­fiés, chaque mot près de débor­der de ce qu’il conte­nait de mémoire vive pui­sée à même une source abon­dante mal­gré les années. Et l’au­teure est res­tée fidèle à elle-même en choi­sis­sant, pour rela­ter ces Confi­dences amou­reuses et sexuelles, la petite forme pour y cou­ler ce concen­tré de biographie.

S’il est vrai qu’on peut ter­mi­ner ce texte, divi­sé en sept cha­pitres, dans une petite demi-heure, on se trouve plus riche, une fois arri­vé au bout, d’une vie entière, une vie ingé­rée comme ça, au pas­sage, et qui conti­nue à bou­ger au fond de nos méninges. L’in­trigue, elle, n’a rien de très extra­or­di­naire. C’est l’his­toire d’une jeune fille qui se cherche, qui arrive assez tôt à se rendre compte de ce qui la fait vibrer, qui vit ses décep­tions, en tire des conclu­sions, se voit contrainte de les remettre en ques­tion. C’est aus­si simple que ça, l’his­toire de tout un cha­cun, de nous autres en fin de comptes. Mais ce qui rend le récit aus­si remar­quable, c’est pré­ci­sé­ment la briè­ve­té laco­nique, le regard désa­bu­sé de la nar­ra­trice qui fait pen­ser aux grands humo­ristes qui eux aus­si savent com­pri­mer des bribes de vie dans quelques paroles, inof­fen­sives à l’ap­pa­rence, mais qui révèlent leur puis­sance occulte à celui qui daigne regar­der de plus près. Est-ce un hasard si la par­tie la plus déli­cieuse de ces confi­dences est pré­ci­sé­ment celle qui raconte les aven­tures sans len­de­main de la jeune femme qui, désa­bu­sée, pri­vée de l’a­mour qu’elle croyait, comme tout le monde, à por­tée de main, se jette à corps per­du dans des ren­contres qu’elle se pro­met éphé­mères ? Hasard ou concor­dance entre forme et conte­nu, peu importe quand les contem­pla­tions phi­lo­lo­giques s’es­tompent devant le plai­sir de la lec­ture. Com­ment ne pas lire sans res­ter bouche-bée ce pas­sage qui raconte la fin banale de sa pre­mière ren­contre « sans len­de­main » dont la pro­ta­go­niste se tire sans façon après avoir retour­né la jeune Mathilde dans tous les sens :

Elle me bai­sait avec rage. Puis elle ramas­sa ses affaires et s’en­fuit, me glis­sant que je res­sem­blais à son ex et qu’elle en cre­vait à pré­sent de me voir. Je réglai le prix de la chambre et me pro­mis de ne plus fré­quen­ter les hôtels quatre étoiles.

Les épi­sodes s’en­chaînent et le lec­teur voit Mathilde gran­dir au contact de la vie qu’elle essaie de maî­tri­ser en gar­dant ses dis­tances. Inutile de dire qu’elle n’y réus­sit pas, mais la fin reste à la hau­teur du texte, et la pro­ta­go­niste est toute sur­prise de consta­ter la faci­li­té des chan­ge­ments qui se pro­duisent comme ça, sans crier gare.

À lire :
Michel Bazin, Initiation d'une jeune vacancière

Pour tout vous dire avec la conci­sion de rigueur dans un cas pareil : dépê­chez-vous pour dégus­ter ce texte délicieux.

Cho­co­lat­Can­nelle
Confi­dences amou­reuses et sexuelles d’une les­bienne
Auto-édi­tion
ISBN : 978−2−9550757−0−8

3 réponses à “Cho­co­lat­Can­nelle, Confi­dences amou­reuses et sexuelles d’une lesbienne”

  1. J’ai par­ti­cu­liè­re­ment aimé la fin (ou le début d’une autre vie).… Tout à fait d’ac­cord avec votre avis