Pour les amateurs de vacances au soleil, Carlo Vivari, auteur de la nouvelle Chair à poisson parue dans l’édition 2013 du recueil estival de La Musardine – Osez… 20 histoires de sexe en vacances – n’est pas un inconnu. Ni pour les adeptes de textes plus corsés, non plus, qui auront le plaisir de trouver une petite dizaine de ses titres dans les collections de chez Media 1000. Sa présence dans les Nouveaux Interdits fournit une belle preuve de ce que Christophe Siébert, le nouveau spiritus rector de cette collection si peu salubre qui s’inscrit dans la lignée de celle créée par Esparbec dans les années 90, ne semble aucunement disposé à couper les ponts et continue au contraire à jouir des trésors que son illustre prédécesseur a su mettre au jour.
Et l’expédition estivale sus-mentionnée ne semble pas avoir été un pur accident vu que le titre que le Sanglier vous présente aujourd’hui dans le cadre de l’édition 2021 de ses Lectures estivales doit une bonne partie de ses charmes – outre ce qu’il doit aux charmes de ses protagonistes, bien évidemment – à l’ambiance exotique, à la fois estivale et tropicale. Ambiance que les pages exhalent comme un lourd parfum se dégageant des chairs lourdes et moites afin de mettre le lecteur sous le joug de celles qui le portent.
Professeures de plaisir, le titre donne déjà une belle idée de ce qui attend le lecteur qui consent à partir en voyage avec le jeune François, tombé entre les griffes d’une cougar qui s’apprête à dévorer ses chairs adolescentes sous le soleil brûlant de Djerba. Après avoir établi le décor en toute vitesse grâce à quelques paroles plutôt sobres (« nous disposions à deux pas de la mer d’une villa de plain-pied qui comportait deux chambres, une salle de séjour, une piscine privée… Le rêve ! » (p. 12)), les choses ne se font pas attendre et voici que le Sieur Vivari déjà nous sert un premier plat de résistance, laissant là la langouste-mayonnaise avec son Chablis pour nous conduire vers des mets bien plus appétissants que nous allons découvrir en même temps que notre ado à l’occasion d’un bain de minuit proposé par la belle et plantureuse Anita qui a hâte de passer enfin à l’acte avec le beau neveu qui la tente depuis belle lurette. C’est d’ailleurs quand celle-ci se met dans le costume de rigueur pour un tel bain de minuit qu’on se rend compte, sidéré devant le beau tablier de sapeur qu’elle présente aux lecteurs ainsi qu’au bel éphèbe, que Carlo Vivari se range sous les drapeaux des amateurs d’une chatte au naturel, échappée à la mode d’une pilosité réduite au minimum voire tout bêtement supprimée :
Au bas de son ventre bombé on entrevoyait un épais nid d’algues noires sur fond de peau brune. [1]Vivari, Professeures de plaisir, p. 13
Vivari illustre d’ailleurs avec un bel amour du détail cette scène initiatique d’une abondante imagerie aquatique peu habituelle, mais très bien adaptée au milieu dans lequel évoluent les deux amants. Les seins de la belle « flottaient parmi les vagues […] et glissaient entre mes [i.e. François] doigts comme des saumons. » [2]Vivari, op. cit. p. 14, son buisson est « gorgé d’eau de mer », et la femme entière semble devenir – ou mieux peut-être contenir ? – une créature marine qu’on a l’habitude de voir s’attaquer aux femmes plutôt qu’à nous autres mâles :
je sentais sa grosse chatte vivre comme un animal marin … Ça palpitait, se dilatait, s’ouvrait… Je palpais au sommet de ses chairs molles un bec tout dur et aussi une fourrure épaisse avec au-dessus un os large et rond comme un galet et des ouvertures béantes… [3]Vivari, op. cit. p. 15
Qui ne penserait, à lire cette description, aux monstres marins tentaculaires sortis des profondeurs pour s’emparer des femelles avides de leur offrir leurs orifices ? L’artifice de Vivari consistant ici à « renverser » l’image originelle et à attribuer à la femme le rôle du poulpe énorme qui – armé de son formidable bec et de sa bouche goulue – s’apprête à dévorer sa proie. Nourrissant en même temps la peur intemporelle des mâles devant les orifices caverneux qu’ils sont censés explorer grâce à leur chairs si fragiles. Magistrale évocation ici, dans un contexte du désir exacerbé, de l’éternelle peur de la castration devant une femme – plus âgée, plus expérimentée, plus forte – perçue comme supérieure.

Après l’initiation, le jeune homme passe de main en main et de chatte en chatte pour parfaire l’éducation commencée par tante Anita, apprenant à jouer sur le clavier du plaisir, découvrant d’autres charmes entre des bras et des cuisses d’autres femmes, toutefois restant fidèle à son penchant pour les femmes plus âgées, bien en chair, à la pilosité des forêts vierges et aux cheveux roux, le tout pimenté par des incursions dans le terrain des jeux BDSM auxquels il assiste, en compagnie d’une plantureuse prof d’Anglais, dans le studio d’une prof de gym américaine qui se déchaîne sur sa jeune esclave. Ici n’est pas la place pour répertorier la multitude de ses rencontres, mais je vous assure que celles-ci sont nombreuses et que les liquides corporels coulent à flot partout où le garçon pointe le bout de sa bite.
Le décor, contrairement à celui des aventures tunisiennes initiales, n’est pas toujours très estival ni très exotique, même si François et Anita croisent un richissime homme d’affaires qui les accueille sur son yacht consacré aux plaisirs du corps et des sens et qu’il les conduit dans des eaux tropicales. L’amateur des galipettes et des plaisirs crus y trouvera toutefois son compte, même si on peut se demander pourquoi un titre qui évoque si bien le souvenir et l’ambiance des années 70 – un décor qui ne détonnerait pas dans un film d’espionnage à la James Bond incarné par Roger Moore – a été retenu pour entrer dans la collection Les « nouveaux » interdits. Il me semble qu’il aurait été à sa place dans la collection originale initiée par Esparbec et qu’il aurait pu parfaitement se ranger parmi toutes ces confessions à la première personne. On pourrait même lui imaginer un titre dans la veine de ces années-là, comme par exemple : J’ai été initié à la débauche par ma tante. On se demande si Christophe Siébert a manqué, au moment de lancer la collection renouvelée, de textes plus « modernes » ou s’il a tout simplement voulu faire un geste amical à son illustre prédécesseur en donnant au « vétéran Carlo Vivari » qu’on a « déjà eu le plaisir de lire dans les diverses collections de Media 1000 » [4]Passages tirés de « La lettre de Siébert » qui accompagne le texte de Carlo Vivari, p. 7 l’occasion de côtoyer des auteurs et des autrices d’une nouvelle génération pour qui l’écriture du sexe présente sans doute d’autres défis que ceux des années d’or de l’édition érotique.
Avant de vous laisser folâtrer en compagnie de tout ce beau monde, un mot à propos de la couverture. Celle-ci mérite une place d’honneur dans la nouvelle collection dont elle exprime à merveille l’esthétique renouvelée – moins criante, plus sensuelle et en même temps plus sobre. Même si, et il faut le mentionner, le modèle ne correspond pas vraiment aux goûts de notre jeune François dont on s’apprête à suivre le parcours, depuis son initiation dans les eaux de la Méditerranée jusqu’à l’entrée dans la vie adulte en tant que « homme d’affaire », carrière dont les tout premiers pas le conduisent tout droit entre les cuisses de la belle – et exceptionnellement bien nommée – Annabelle du Grandrut de La Chaudière, une GILF[5]Je ne sais pas si vous avez déjà pu le remarquer, mais les femmes aujourd’hui n’ont plus à craindre le cap des cinquante voire des soixante ans, ce qui explique sans doute la profusion des … Continue reading à l’orée de la soixantaine, rousse elle-aussi bien évidemment, et arborant « des poils frisés [qui] encadraient sa longue fente entrouverte » [6]Vivari, op. cit., p. 118.
Vivari, Carlo
Professeures de plaisir
La Musardine
ISBN : 9782744827594
Références
↑1 | Vivari, Professeures de plaisir, p. 13 |
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↑2 | Vivari, op. cit. p. 14 |
↑3 | Vivari, op. cit. p. 15 |
↑4 | Passages tirés de « La lettre de Siébert » qui accompagne le texte de Carlo Vivari, p. 7 |
↑5 | Je ne sais pas si vous avez déjà pu le remarquer, mais les femmes aujourd’hui n’ont plus à craindre le cap des cinquante voire des soixante ans, ce qui explique sans doute la profusion des Grandmothers I’d Like to Fuck – des mamies que j’aimerais baiser – qui font des ravages sur les sites de culs. |
↑6 | Vivari, op. cit., p. 118 |