En-tête de la Bauge littéraire

Bar­ba­ra Shum­way, autrice éro­tique auto-éditée

Si vous tenez à faire des décou­vertes (lit­té­raires), on ne peut que vous conseiller des balades régu­lières sur les sites dédiés aux auteurs auto-édi­tés comme p.ex. Sma­sh­words ou, bien enten­du, la bou­tique Kindle de chez Ama­zon. Et tant que vous y êtes, n’ou­bliez pas de faire un tour sur un site assez récent qui attire pour­tant de plus en plus de per­sonnes dési­reuses de se pré­sen­ter, elles et leurs pas­sions, à un public mon­dial : About Me. C’est sur ce site-là que j’ai eu la bonne sur­prise de décou­vrir Bar­ba­ra Shum­way, une autrice amé­ri­caine qui m’a très agréa­ble­ment sur­pris par la richesse de son réper­toire éro­tique. Comme j’ai une cer­taine pré­di­lec­tion pour des his­toires d’a­mour au fémi­nin, j’ai com­men­cé mes excur­sions dans le monde de Bar­ba­ra par The girls” night out, un texte dédié à l’i­ni­tia­tion de deux ravis­santes étu­diantes, Dee Ann et Carol, toutes les deux près de fran­chir, sans le savoir encore, une étape bien déci­sive vers l’é­pa­nouis­se­ment et la tolérance.

Enthou­sias­mé par la qua­li­té de cette nou­velle, je suis bien vite reve­nu vers Sma­sh­words pour m’of­frir une deuxième expé­di­tion, cette fois-ci dans l’u­ni­vers d’une jeune femme au corps à moi­tié détruit par un acci­dent de voi­ture. Un point de départ plu­tôt inso­lite pour un récit éro­tique les­bien (ou un récit éro­tique tout court) où c’est pré­ci­sé­ment la beau­té quelque peu sur­réelle des corps enla­cés qui sus­cite l’in­té­rêt des lec­teurs et lec­trices. Et pour­tant, Bar­ba­ra Shum­way maî­trise l’art de cap­ti­ver ses lec­teurs dès la pre­mière ligne, et le récit de Bar­ba­ra, pro­ta­go­niste de The Les­bian Voyeur, n’y fait pas excep­tion. Le lec­teur, atti­ré tout d’a­bord par le sort d’une jeune femme iso­lée dans le noir de son appar­te­ment soli­taire où celle-ci a choi­si d’en­fer­mer son corps muti­lé, se sent de plus en plus empor­té par l’é­ro­tisme tor­ride des scènes aux­quelles Bar­ba­ra assiste de loin avant de se lais­ser englou­tir à son tour par le mael­ström des caresses de ses deux copines de débauches.

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Comme le bref résu­mé de l’in­trigue de ce der­nier titre l’illustre déjà assez, Bar­ba­ra Shum­way n’a pas peur d’a­bor­der des sujets inso­lites, quelque peu au-delà des expé­riences qu’en­grange l’ha­bi­tant lamb­da de nos parages plus ou moins nor­diques, de ce côté-ci de l’At­lan­tique aus­si bien que de l’autre. Et ceci n’est pas un cas iso­lé dans le réper­toire lit­té­raire de cette ancienne jour­na­liste où on constate très rapi­de­ment une pré­di­lec­tion assez pro­non­cée pour une varié­té de sujets autour de la domi­na­tion. Mais Bar­ba­ra s’en­gage bien plus loin dans cette voie-ci que ce à quoi nous ont habi­tués les aven­tures somme toute assez vanille de Chris­tian et d’A­nas­ta­sia dans leurs cin­quante nuances de grisaille.

On ne peut vrai­ment pas dire de Bar­ba­ra Shum­way qu’elle ménage ses lec­teurs ou qu’elle hésite devant les fan­tasmes les moins avouables. Des femmes enle­vées et fer­ti­li­sées de force (Bree­ding for Pro­fit), une joyeuse troupe de femmes d’of­fi­ciers qui découvrent la pros­ti­tu­tion pour finan­cer leurs bonnes œuvres (Pros­ti­tu­tion on an Air Force Base) jus­qu’à une sombre his­toire de vio­lence qui n’est déci­dé­ment pas à mettre entre toutes les mains (There is a Stran­ger in my House). De tels récits qui frôlent de très près les limites du goût conven­tion­nel côtoient des sujets plus « tra­di­tion­nels » comme le can­dau­lisme (Karen’s Cuckold), le BDSM (Rachael’s New Mas­ter) et la fémi­ni­sa­tion (Get­ting His Pan­ties On). On peut évi­dem­ment émettre des réserves quant à l’un ou l’autre des sujets que cette autrice remar­quable s’est choi­sis, mais on est tou­jours assu­ré de trou­ver une belle écri­ture et une intrigue bien fice­lée et construite de manière à ne pas lâcher de sitôt celle ou celui qui a trou­vé le cou­rage de se lais­ser glis­ser sur la pente d’un éro­tisme pas tout à fait comme celui des autres. Seul bémol : Il faut maî­tri­ser la langue de Sha­kes­peare pour pou­voir goû­ter à ces fruits-là. L’un ou l’autre de mes lec­teurs, se lais­se­ra-t-il peut-être ten­ter par ce défi sup­plé­men­taire ? Je vous mets au défi : chiche !

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Un der­nier aver­tis­se­ment avant de ter­mi­ner : Je ne sais qui est la per­sonne qui se cache der­rière le pseu­do­nyme Bar­ba­ra Shum­way. Je l’ai croi­sée sur la toile, j’ai lu quelques-uns de ses textes, on a échan­gé des mails. Je peux donc affir­mer qu’il y a un être humain quelque part qui a écrit les textes en ques­tion, qui a rédi­gé les nom­breux pro­fils qu’on trouve dans les librai­ries vir­tuelles, et qui relève assez régu­liè­re­ment sa boîte à lettre tout aus­si vir­tuelle. Ensuite, quant à savoir si c’est une femme, c’est déjà une autre affaire. Je serais ten­té de le croire après avoir lu un cer­tain nombre de ses textes, mais de là à l’af­fir­mer ? Mais est-ce qu’il faut accor­der une quel­conque impor­tance à cette ques­tion de genre ? Après tout, on ne connaît pra­ti­que­ment jamais les auteurs dont on dévore les textes, et il y en a par­fois qui se cachent der­rière des pseu­dos pour échap­per à leur célé­bri­té et jouir d’une sorte de vir­gi­ni­té lit­té­raire. Seule compte la qua­li­té lit­té­raire, et je peux vous assu­rer que le plai­sir qu’on peut trou­ver dans les textes de Bar­ba­ra Shum­way est bien réel. Et il me semble que l’é­ro­tisme lit­té­raire fran­co­phone peut pro­fi­ter, lui aus­si, d’un peu de sang frais pui­sé outre-Atlantique.

Bar­ba­ra Shum­way
Auto-édi­tion