Annie May, Bio Super Élite. Le bon­heur est dans le pré

Vous qui connais­sez le San­glier et ses habi­tudes lit­té­raires devez savoir que les idées lou­foques sont tou­jours les bien­ve­nues dans ma Bauge, sur­tout si celles-ci apportent en même temps un air d’é­ro­tisme. Je n’ai donc pas pu res­ter indif­fé­rent aux textes d’An­nie May, décou­verts à tra­vers l’ex­cellent blog de ma consœur Cho­co­lat­Can­nelle, à savoir les deux épi­sodes qui inau­gurent la série Bio Super Élite. Sauf que ce n’est pas d’un petit air d’é­ro­tisme qu’il faut par­ler dans le cas pré­sent, mais d’une tor­nade por­no­gra­phique qui risque de foutre le bor­del dans ma pauvre demeure…

Mais com­men­çons, encore une fois, par le début. Nous sommes donc au XXIIe siècle et dans un scé­na­rio assez clas­sique qui a four­ni le point de départ de nom­breux ouvrages de science fic­tion : Le monde est sur­peu­plé et il faut nour­rir les masses [1]Petit clin d’œil en pas­sant à Har­ry Har­ri­son, Richard Flei­scher et leur Soleil vert. Encore heu­reux qu’il y ait les OGM pour venir à la res­cousse, mais nos loin­tains des­cen­dants auront été bien moins réti­cents que nous autres, grands pour­fen­deurs des Mon­san­to & Cie. À force donc de chi­po­ter avec les noyaux des cel­lules, ils auront réus­si à créer des hybrides mi-plante mi-ani­mal, ce qui, on le devine, ne sau­rait se ter­mi­ner que par un désastre. Sur­tout quand on sait que l’être humain est un ani­mal comme un autre. Ce qui devait arri­ver arri­va, et

ces nou­velles expé­riences se répan­dirent dans la nature, engen­drant des créa­tures de cau­che­mar qui pos­sèdent les carac­té­ris­tiques à la fois des ani­maux et des plantes, dont une agres­si­vi­té redou­table. [2]Le monde de Bio Super Élite

Hokusai, Le Rêve de la femme du pêcheur
Hoku­sai, Le Rêve de la femme du pêcheur

Dans un texte qui se pro­clame, dans la pré­sen­ta­tion, « ins­pi­ré par les hen­tai », il n’est pas sans inté­rêt de s’in­ter­ro­ger à pro­pos de la signi­fi­ca­tion de ce terme. Un peu de recherche révèle rapi­de­ment que celui-ci signi­fie trans­for­ma­tion, méta­mor­phose ou encore per­ver­sion, ce qui s’a­dapte à mer­veille au pro­pos des textes en ques­tions. Parce qu’on ima­gine faci­le­ment ce qui va suivre et que les aber­ra­tions, pas contentes de dévas­ter des plan­ta­tions de maïs, s’a­don­ne­ront à ces plai­sirs si magis­tra­le­ment illus­trés par Hoku­sai. Sans vou­loir s’é­tendre sur le bien-fon­dé bio­lo­gique d’un tel scé­na­rio, on peut consta­ter qu’il y aura comme résul­tat de ces plai­sirs miti­gés une nou­velle race de métis, qui, dans la bouche de Mon­sieur et Madame Tout­le­monde, devien­dront rapi­de­ment des « mutants ».

À lire :
Gilles, J’étais le jouet de deux cousines perverses

C’est dans un tel monde, han­té par des aber­ra­tions aux appé­tits sexuels dou­teux, que se dérou­le­ront les aven­tures por­no­gra­phiques de Stel­la, jeune recrue près d’in­té­grer le corps spé­cial consti­tué pour com­battre les créa­tures hybrides échap­pées dans l’en­vi­ron­ne­ment. Pro­ta­go­niste de cette nou­velle série lan­cée par l’é­di­teur cana­dien Les che­mins obs­curs, Stel­la est non seule­ment elle-même une mutante, mais bien un spé­ci­men des plus par­faits avec un corps de rêve capable de se plier à toutes les exi­gences qui lui seront très bien­tôt deman­dées par ses mis­sions en tant que membre des Bio Super Élite, corps de com­bat aux armes très peu conven­tion­nels, der­nière ligne de défense du genre humain, et dont la devise pour­rait se résu­mer par « Faire l’a­mour pour faire la guerre ».

Nous ren­con­trons Stel­la pour la pre­mière fois quand elle s’ap­prête à péné­trer dans l’a­ca­dé­mie, autre­ment dit un centre de recru­te­ment et d’en­traî­ne­ment où elle devra subir un exa­men médi­cal par­ti­cu­liè­re­ment humi­liant. Il s’a­gi­ra d’es­ti­mer sa capa­ci­té de « ser­rer » les pis­tils des spé­ci­mens domp­tés, pro­cé­dé néces­saire afin de les contrô­ler, autre­ment dit sa capa­ci­té de se lais­ser péné­trer par des ten­ta­cules à la taille très peu com­mune. Et voi­ci qu’on peut cer­ner l’o­ri­gine de l’ins­pi­ra­tion sus-men­tion­née, à savoir la variante sho­ku­shu (« ten­ta­cule ») des hen­tai.

Je regrette, sans doute pour la pre­mière fois de ma vie, de ne pas pou­voir rédi­ger cet article dans la langue de Sha­kes­peare. Parce que, chers inter­nautes, son­gez un peu aux usages que j’au­rais pu tirer d’un mot comme wood avec ses conno­ta­tions lubriques pour trai­ter de textes dont le sujet est une sorte de guerre bio­lo­gique entre, d’un côté, des plantes meur­trières échap­pées à tout contrôle et, de l’autre, une uni­té de com­bat com­po­sée de pilotes de sexe fémi­nin qui, pour mani­pu­ler ces « des­triers » du XXIIe siècle (en véri­té donc des créa­tures végé­tales domp­tées), doivent lit­té­ra­le­ment les che­vau­cher en accep­tant d’ac­cueillir dans leurs ori­fices « pri­maires et secon­daires » les pis­tils des végé­taux en ques­tion (autre­ment dit l’é­qui­valent végé­tal d’une bonne grosse bite)…

À lire :
Annie May, Le Pollen

L’en­ri­chis­se­ment (ou la conta­mi­na­tion, c’est selon) de la science fic­tion par l’é­ro­tisme voire la por­no­gra­phie n’est pas un phé­no­mène récent. Il suf­fit de son­ger à Bar­ba­rel­la, héroïne d’a­bord d’une bande des­si­née au carac­tère éro­tique très pro­non­cé, vedette ensuite, incar­née par Jane Fon­da, du film homo­nyme réa­li­sé par Roger Vadim en 1968. S’il est vrai que le genre, inci­tant les auteurs à des exploits d’i­ma­gi­na­tions comme peu d’autres, se prête faci­le­ment à accueillir les fan­tasmes en géné­ral, Annie May en a trou­vé un qui lui per­met de pro­pul­ser le lec­teur, tou­jours près de perdre son souffle au milieu d’un tour­billon des plus sen­suels, dans une suite de scènes qui ne laissent rien à dési­rer aux plus affa­més. Et Stel­la semble être de la race de celles qui ont besoin de tou­cher au fond de l’hu­mi­lia­tion, tâche dont se chargent avec un malin plai­sir ses ins­truc­teurs et ses cama­rades, pour prendre leur envol et s’en­voyer loin, très loin, en l’air.

Les textes ne sont pas sans défauts avec leurs cli­chés et leurs sté­réo­types par­fois un peu trop enva­his­sants, et il me semble que la per­son­na­li­té de Stel­la aurait gagné à se frot­ter à des êtres en chair et en os, allé­go­ri­que­ment par­lant. Et il est dom­mage que l’au­teure ait cédé à la faci­li­té de pré­sen­ter l’u­ni­vers de Bio Super Élite dans un texte externe, à savoir le blog de l’é­di­teur, au lieu d’in­té­grer ces révé­la­tions dans l’in­trigue qui aurait sans doute gagné par là en com­plexi­té et en diver­si­té. Mais cela ne m’empêche pas d’at­tendre avec impa­tience la suite des aven­tures, dans l’es­poir que l’au­teure sau­ra atteindre aux cimes où sa créa­ture s’est depuis long­temps envoyée.

Annie May
Bio Super Élite
Édi­tions Les Che­mins Obs­curs
Épi­sode 1, L’exa­men médi­cal
ISBN : 978−2−924113−08−0
Épi­sode 2, La fian­cée d’O­rion
ISBN : 978–1301705399

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Petit clin d’œil en pas­sant à Har­ry Har­ri­son, Richard Flei­scher et leur Soleil vert
2 Le monde de Bio Super Élite
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

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