Aujourd’hui, votre serviteur s’est régalé. Comme ça, sur un coup de tête, en s’offrant le cinquième volume, à peine sorti, d’une série érotique des plus remarquables, d’une série dont j’ai déjà eu l’occasion de parler et dont j’ai guetté la suite avec une certaine impatience. Ce qui n’est pas peu dire, vu le nombre de textes érotiques que j’ai l’occasion de sonder du groin… J’ai donc nommé Entre de bonnes mains, série hautement érotique signée Ambre Delatoure, dont le cinquième volume, Vent de panique, vient de paraître.
Le titre peut donner une première idée de ce que l’ambiance dans l’univers de Florence, la ravissante cougar, et de Lucas, son jeune amant, est en train de changer et que l’érotisme insouciant, l’assouvissement aveugle des sens, appartient désormais au passé. Un développement qui s’est annoncé dès l’épisode précédent avec la scène torride de la tonnelle qui a vu Florence s’engouffrer dans un danger auparavant bien écarté de son existence paisible, pour ne pas dire ennuyeuse : les choses se compliquent pour notre cougar de service, le temps de la douceur des premières découvertes, des expéditions qu’on pouvait prétendre sans lendemain, étant définitivement révolu.
Un petit rappel de ce qui s’est passé : Florence, femme mariée et rangée, tombe sur son jeune voisin, Lucas, à qui elle confie quelques menus travaux de jardinage. Attirée par la jeunesse en pleine vigueur, Florence, elle-même très peu satisfaite dans son mariage pour ce qui est des exigences de son corps, cède à la tentation de l’instant et séduit le jeune homme qu’elle fait accéder au rang d’amant attitré. Tout en prenant soin, toutefois, de le mettre en garde contre les dangers d’une liaison sentimentale. Maintenant, à peine quelques heures plus tard, confrontée à la malice de sa meilleure amie – Anne, une créature de rêve qui croque les hommes comme d’autres un paquet de chips – qui lui fait part de ses projets tout sauf innocents à propos de Lucas, Florence est obligée de s’avouer qu’il y a bien question de sentiments dans la relation qui la lie au jeune homme. Sauf que ses mises en garde ne se sont pas adressées à la bonne personne, et que c’est elle qui est en train de s’égarer. Ou plutôt d’assister à son propre naufrage, face au défi d’une jalousie en train de s’emparer de toute sa petite personne.
Si les inconditionnels de la chair, friands de rencontres indécentes amenées avec un sens exquis des exigences dramaturgiques et montées avec la verve et l’amour du détail croustillant qu’Ambre Delatoure maîtrise comme peu d’autres, risquent de rester sur leur faim, on voit par contre se développer un élément juste entraperçu dans les tomes précédents, à savoir la dimension psychologique qui permet de mieux cerner la protagoniste, Florence, qui se libère du rôle de la cougar telle qu’il est trop souvent exploité dans les films pornos et les textes montés en vitesse pour servir de déclencheurs de pulsions masturbatoires. Au lieu de cela, on voit surgir – et s’épanouir – la femme telle qu’elle se dévoile après des années d’un mariage peu satisfaisant, réduite au rôle de la ménagère bien à l’abri des intempéries du quotidien dans son nid douillet. Une femme coupée de la vie, privée de la sève bouillonnante dont elle ressent encore la pression sans pouvoir y tremper ses racines. Avec un sens aiguisé de la dramaturgie érotique et passionnelle, Ambre Delatoure a su mener le récit de son début presque banal (sauf évidemment de par l’intensité de la mise en scène) aux affres d’une femme accro à la passion sexuelle, coincée entre le besoin de l’assouvissement immédiat des exigences de la chair et la remise en question de la vie à laquelle elle a depuis toujours aspiré sans vraiment réaliser le défi de ces engagements-là.
Après le danger finalement confronté – et maîtrisé – de l’épisode précédent et l’assouvissement provisoire de ses pulsions suite à son épanouissement sexuel aux mains de son amant vigoureux et de plus en plus entreprenant, voilà notre protagoniste confrontée à une menace beaucoup plus redoutable et à peine entraperçue, celle de voir son amant brigué par d’autres femmes, celle de le voir perdre intérêt et de s’éloigner. Le cinquième épisode est par conséquent placé sous le signe de la jalousie et des douleurs que peut causer cette passion autrement plus néfaste, et le lecteur voit Florence, partie pourtant pour une journée de débauche et de parties de jambes en l’air, perdre sa contenance face aux projets de sa meilleure amie qui ne cache rien de l’intérêt suscité par le jeune homme dont elle aimerait connaître les capacités et tester les performances.
Une fois de plus, Ambre Delatoure a livré un texte qui ne peut laisser indifférent, un texte qui engage (et expose) sa protagoniste sur un niveau bien plus intime encore que celui de la chair, un texte qui se montre à la hauteur des aspirations de sa protagoniste et qui n’hésite pas à se glisser avec elle dans les recoins de ses fantasmes les plus inavouables. Ce qui promet, pour les épisodes suivants, des instants d’une belle intensité.
Avant de terminer, un mot à l’intention des sceptiques. Oui, Ambre Delatoure s’est servi de clichés et de scènes maintes fois utilisées ailleurs pour faire démarrer l’intrigue d’Entre de bonnes mains : La ménagère délaissée qui se morfond dans sa belle maison, le jeune homme musclé et en pleine sève qui, au lieu de s’occuper du jardin, se lance dans des travaux autrement plus intéressants, le mari éternellement absent et dupe, cocu exemplaire auquel on aimerait administrer force coups de pied… Tout cela n’a rien d’original et a été exploité par d’autres, au point de faire partie du folklore des films de cul très bon marché. Mais, et on ne peut le souligner assez, Ambre Delatoure dispose du savoir-faire pour transformer ces clichés en de vrais personnages, il les anime en les enveloppant d’une chair vivante, une chair dont ils profitent pour faire bander les lecteurs et mouiller les lectrices (c’est ici que j’adresse un grand sourire à mon excellente amie Anne Bert qui m’a demandé de ne pas oublier mon public féminin !). Bref, cet auteur sait créer des hommes et – surtout – des femmes qu’on aime suivre dans leurs parcours tortueux, dont on partage avec plaisir les instants de bonheur, les interrogations, et jusqu’aux remises en question suite aux douleurs subies et infligées. Entre de bonnes mains, c’est un texte qui contribue à faire de l’érotisme littéraire un genre tout à fait présentable et digne d’être présenté dans les vitrines des librairies – virtuelles et autres.
Ambre Delatoure
Vent de panique (Entre de bonnes mains, t. 5)
Auto-édition
ASIN : B01G2T3BB2