Léon de Griffes s’est fait remarquer par un cycle de nouvelles, Les Vies d’Adèle, dans lequel la protagoniste se glisse, à tour de rôle, dans des existences aussi diverses que celles, entre autres, de professeure dans un collège professionnel et d’actrice du X, des existences reliées entre elles par la liberté et la joie de vivre toute charnelle de l’héroïne. Inutile de préciser que, quand je suis tombé sur un nouveau recueil sorti de la plume de cet auteur, j’ai sauté sur l’occasion, d’autant plus que le recueil se présente (sur la foi de sa première de couverture) en mode estival et que la présentation souligne encore plus ce caractère :
Le sable chaud, le ronronnement de l’océan, les corps dévêtus, les regards espiègles, l’âme légère, chaque mouvement est une musique sensuelle qui vous échauffe, vous enflamme, vous fait dériver vers les rêves les plus débridés.
Le moyen de résister à de telles paroles qui semblent résumer à merveille les aspirations du Sanglier et qui vous font baver d’avance ?? Malheureusement, on constate très vite que les cinq nouvelles du petit recueil n’ont rien de particulièrement estival, et je dois avouer que j’ai été un petit peu déçu par cela et qu’il a même fallu faire un effort afin de me résoudre à donner une deuxième chance à l’auteur. Aussi faut-il préciser, pour sauver son honneur, que l’auteur s’adresse, dans le passage cité, au vacancier allongé sous le soleil qui voudrait ajouter à la chaleur des rayons celle, plus torride encore, d’une bonne dose de sexe littéraire. Je me suis donc dit que ce n’est pas la faute des textes, ni de leurs protagonistes parfois bien attachants, si leur auteur a choisi de consacrer un peu trop aux dieux du marketing dans le but de recruter des lecteurs supplémentaires pour le suivre dans ces aventures. Et la plume de Léon de Griffes étant ce qu’elle est, la bonne humeur l’a finalement remporté haut la main, conquise par les délicieuses galipettes et autres parties de jambes en l’air qu’on trouve en abondance dans ce recueil.
On y trouve deux types de scénarios de base avec, d’un côté, le duo « classique » où boy meets girl, une évidence, pourrait-on croire, qui pourtant a tendance, sous la plume de Léon de Griffes, à se compliquer plus que de coutume, et, de l’autre, les récits qui réunissent plusieurs protagonistes. Dans le premier cas, il y a les histoires de Julie et de Léo, compagnons dans un bizness de sextoys, qui pendant longtemps se prennent pour rien que des amis ; celle ensuite de la soumission de la stagiaire qui a besoin d’un rapport positif (!) afin de décrocher le contrat tellement convoité ; et celle enfin de la journaliste qui se double d’une chaudasse dans le but d’obtenir bien autre chose qu’une bête interview. Les intrigues ne sont peut-être pas toujours des plus originales, mais cela ne les empêche nullement d’être bandantes et de pleinement réaliser l’annonce de l’auteur à la fin du prologue :
Nul doute qu’à leur lecture, ce n’est plus sur l’écran que vous voudrez glisser votre doigt …
Il faut concéder à Léon de Griffe qu’il sait mesurer les effets de ses textes.
Le deuxième cas, mettant en scène plusieurs protagonistes avides de découvrir les joies de la multiplicité, est plus complexe et les récits sont plus finement ciselés, vu qu’il faut amener de potentiels partenaires à surmonter un obstacle non négligeable qui se dresse sur la route du plaisir : les conventions sociales doublées des effets d’une éducation qui cantonne le sexe dans ses fonctions reproductives. Si la première des deux histoires, Petits jeux entre amis, mise en scène du vieux scénario du jeu de poker arrosé qui dérape en orgie, ne présente, encore une fois, aucune originalité, le deuxième exemple, Espiègles confidences, est plus intéressant : Trois amies (qui, elles, incarnent des rôles plutôt que des individus) ont l’habitude de se rencontrer une fois par mois, occasion pour aborder, évidemment, les histoires de couples et de sexe. Une ambiance un peu spéciale se crée au rythme des échanges mensuels, et les trois filles vont de découverte en découverte, emmenées par la fringante Fanny, jusqu’à déboucher sur une sexualité pleinement assumée qui ne s’embarrasse plus du caractère possessif (et hétérosexuel) des relations habituelles. Est-ce qu’il faut souligner que le potentiel d’un amour au féminin n’est pas à déplaire à votre serviteur ? C’est avec un réel plaisir que j’ai suivi le cheminement de ces trois femmes, retracé par le narrateur avec une complaisance des plus sensuelles.
Rêves érotiques et fantasmes brûlants, ce sont cinq petites histoires bien croustillantes, finalement bien adaptées à la légèreté estivale, à lire sous le soleil, comme l’auteur lui-même le conseille si bien à ses lecteurs futurs. Veillez pourtant à les consommer près d’une piscine ou au bord de la mer afin de pouvoir vous rafraîchir si la lecture devait avoir des effets par trop visibles ;-) !
Deux remarques avant de conclure :
Un des textes du recueil, Intimes connexions, présente un intérêt supplémentaire qui pourrait tenter plus d’une : Non seulement il fournit une belle illustration du concept de l’intertextualité – c’est en lisant un extrait des Vies d’Adèle que la belle Julie, testeuse de sextoys, succombe aux effets des vibrations de l’engin inséré dans sa chatte – il fait aussi partie des « nouvelles érotiques vibrantes » proposées par B‑Sensory, concept intéressant qui combine la stimulation intellectuelle de la lecture d’un texte érotique à celle, plus immédiatement charnelle, du Little bird, sextoy connecté à une application de lecture.
Ensuite, j’aimerais discerner une mention spéciale à Espiègles confidences, à mon avis le meilleur texte du recueil, pour l’optimisme qui s’y exprime à propos du pouvoir de l’invention et de la narration, ingrédients de base de la chose écrite : Une des réunions sous la couette dégénère en séance masturbatoire au cours de laquelle les filles s’envoient en l’air, emportées par un récit inventé par l’une d’entre elles, chacune devenant, à tour de rôle, « l’objet du récit ». Beau témoignage de la foi optimiste de Léon de Griffes à propos du pouvoir de la littérature que cette belle variation autour de l’objet du désir. De la part d’un auteur fier de ses textes. Et qui a toutes les raisons de l’être.
Mise à jour (janvier 2022)
Le recueil n’existe plus sur Amazon sous la forme que je vous ai présentée dans l’article que vous venez de lire. D’après la table des matières d’un autre recueil – qui peut se consulter en mode « Feuilleter » – j’ai cru comprendre qu’au moins une partie des nouvelles réunies auparavant dans Rêves érotiques et fantasmes brûlants se retrouve désormais sous le titre de Divines vibrations. Je n’ai pas eu le courage de vérifier titre par titre, à vous de voir si la curiosité vous titille. J’ai quand même tenu à conserver la couverture qui rend un si bel éloge aux joies de l’été.
Léon de Griffes
Rêves érotiques et fantasmes brûlants
Auto-édition
ASIN : B013CS7YE6
