On le sait, le Sanglier aime fouiller dans les étagères numériques de chez Amazon, repaire de nombreux auteurs auto-édités via le programme Kindle Publishing. Comme quoi, quand j’ai envie d’un beau morceau bien juteux à me mettre sous la dent, je lance mon navigateur, me connecte et me laisse emporter au gré des recommandations et des clics un peu au hasard. Ceci pourrait être une expérience des plus agréables, le seul problème étant – et de taille, celui-ci – que les quelques perles qu’on y trouve sont enfouies sous une abondante couche de boue et qu’il n’est vraiment pas facile de les en extraire. Quelque frustrant que cela puisse paraître, je me dis que cela fait partie de mon « boulot », débusquer des perles et les présenter à mes fidèles lecteurs. Et puis, avec le temps on apprend à se méfier et à contourner les écueils et les bas-fonds par trop évidents. Des textes d’une bonne dizaine de pages, vendus à 2,99 € ? Merci, je passe. Des pseudonymes bidons empruntés à la langue de Shakespeare ? Je reviens une autre foi. Des titres par trop parlants qui ressemblent à un manuel de la séduction ou de la perversion ? Mouais… Et pourtant, pour éviter de rendre les choses trop faciles, même ces indicateurs ne sont pas à 100% fiables, la preuve étant fournie par le texte que je m’apprête à vous présenter aujourd’hui, Les Innocentes ou l’initiation sexuelle d’Amandine et Élodie, par une dénommée Mily Barelli. Ce qui, dans le cas de Mily Barelli, m’a décidé à regarder de plus près, c’est le nombre assez conséquent de pages (131, dans la mesure où il est possible de donner un nombre exact pour des publications numériques) pour un prix raisonnable (3,49 €), le tout garni d’une couverture qui n’a rien de voyant et laisse augurer du bon goût de la part de l’autrice. Je me suis dit que cela promettait une bonne distraction et qu’il y avaient même des chances de tomber sur quelque chose de valable. Et je n’ai pas été déçu.
L’intrigue n’a rien d’exceptionnel. Entendez : rien qu’une bonne journée passée à visionner des clips cochons sur xvideos.com ou youporn ne pourrait avoir inspiré. Élodie profite de la maison de vacances de ses parents, attendant d’y être rejointe par sa sœur Amandine. Pour passer le temps qui la sépare de ces retrouvailles, Élodie se laisse tenter par un peu d’indécence domestique en s’adonnant aux joies du naturisme.Un bain de soleil au naturel, une petite séance masturbatoire au soleil, des courses matinales en petite tenue, une baignade en costume d’Ève qui dégénère en séance de triolisme avec deux jeunes randonneurs qui ont eu le bon goût de faire leur apparition au moment le plus propice. Je disais donc : Rien d’extraordinaire, mais du solide assez prometteur pour la suite. Et ces passages introductoires contiennent même un grain de ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une suite bien plus épicée : Élodie se pose des questions, à l’occasion d’un massage un peu « robuste » de ses tétons, à propos du voisinage de l’agréable et du désagréable, à savoir de la jouissance et de la douleur. Voici une belle piste que l’autrice ne s’est pas privée d’explorer, pour le plus grand bonheur du Sanglier.
L’intrigue jusque-là assez conventionnelle s’étoffe à l’occasion de l’initiation lesbienne d’Élodie qui a eu la bonne idée de se laisser tenter par de la belle lingerie et qui s’égare dans un magasin. Celui-ci abrite une sorte de prédatrice qui se fait un malin plaisir de séduire la belle cliente qui vient de lui tomber dessus. Et voici donné le coup d’envoi d’une suite de rencontres les unes plus bandantes que les autres, des rencontres où la jouissance s’intensifie à la mesure des doses de douleur et d’humiliation qu’on y rajoute. Là aussi, l’inspiration pornographique du texte est des plus évidents : la séduction mutuelle des deux sœurs, l’intervention par téléphone de la prédatrice locale, l’introduction (oui, mauvais jeu de mot intentionnel) d’objets capables de produire ce mélange de douleur et de jouissance tant recherché par les deux belles, leur soumission éventuelle au cours d’une orgie dans une résidence aussi luxueuse qu’abandonnée. Encore une fois, rien d’extraordinaire, si ce n’est l’illustration, de la part de Mily Barelli, du fait que l’imagination est l’ingrédient principal de tout érotisme qui se respecte et que le fantasme qui s’illustre dans les cerveaux est bien plus puissant que celui qui se cherche un exutoire à travers des clips pornos, peu importe la qualité des mises en scène et des actrices.
La lecture de ce petite texte est tout simplement bandante, et je le recommande à quiconque cherche à se dépayser l’espace de quelques heures. Il faut pourtant souligner le fait que le texte a des faiblesses qui parfois surgissent pour importuner le lecteur soucieux pourtant de se barricader au cœur de ses fantasmes. L’intrigue est parfois culbutée dans un rythme pire que ce que subissent les protagonistes, la grammaire profiterait d’une relecture approfondie, et on croit y distinguer des changements de dernière minute, greffés en vitesse sur un texte qui s’en ressent. Comment croire, par exemple, qu’Élodie et Amandine soit réellement des sœurs quand, dès le début, l’autrice nous présente Amandine comme étrangère dans la propriété de ses propres parents ? Une invention sans la moindre crédibilité, ajoutée par souci de ne pas paraître avare sur le nombre de tabous abordés dans le texte. C’est vraiment dommage, parce que l’autrice n’en aurait nullement besoin.
Le texte se termine d’une façon un peu abrupte (et plutôt inattendue), ce qui laisse planer une certaine ambiguïté sur la conclusion des aventures d’Élodie et d’Amandine. Est-ce que l’autrice a tout simplement dû abandonner le projet ou est-ce qu’il s’agit d’une façon un peu maladroite de préparer une suite ? Je pencherais pour cette deuxième option, poussée sans doute par mon désir de voir ses deux ravissantes créatures impliquées dans des recherches toujours plus raffinées de la jouissance, mais aussi par la présence de certains indices que l’auteur laisse entrevoir, comme par exemple cette grange remplie d’outils de torture bien autrement plus sophistiqués que ceux dont les deux beautés ont pu ressentir les effets. Quant à moi, ayant subi de plein fouet l’attrait de ces improbables sœurs, le clavier encore éclaboussé des torrents de bave que leurs aventures ont fait couler, je réclame une suite. Que Mily Barelli se le tienne pour dit !
Mise à jour (janvier 2022)
Le titre a intégré, depuis la rédaction de mon article, les collections de chez Ink Book. J’ai mis à jour ses coordonnées.
Mily Barelli
Les Innocentes
Ink book
ISBN : 9791023210262