Sophia Win­ter, Vacances taboues

Je ne sais pas com­ment j’ai pu rater ce titre pon­du par Sophia Win­ter, une de mes autrices hard-core pré­fé­rées, un titre consa­cré, en plus, aux vacances. Et on ne peut même pas repro­cher à l’autrice d’avoir caché son jeu vu que le texte s’appelle – Vacances taboues. Dif­fi­cile d’être plus expli­cite. Et ces vacances-là, elles ne sont pas que taboues – encore que l’autrice ne se gêne pas pour en par­ler avec toute la liber­té requise – mais on devrait car­ré­ment les qua­li­fier de por­no. Ima­gi­nez main­te­nant mon désar­roi quand j’ai décou­vert cette perle seule­ment après avoir bou­clé la liste des Lec­tures esti­vales ! Comme le mal est fait et que je ne vais sûre­ment pas reve­nir sur ma sélec­tion de titres, il ne sert à rien de pleu­rer, d’autant plus qu’il y a du bon dans tout cela aus­si, parce que mes lec­teurs pour­ront pro­fi­ter de cette trou­vaille quelque six semaines avant le début des vacances que je leur sou­haite évi­dem­ment aus­si indé­centes que celles de Daph­née. Voi­ci donc, quelques jours seule­ment après les avoir sor­ties des éta­gères vir­tuelles de chez Ama­zon, que votre ser­vi­teur pré­sente des vacances aus­si taboues que déli­cieuses, et je vous pro­mets que vous allez vous réga­ler en décou­vrant ce mor­ceau juteux, hors d’œuvre des plus allé­chants qui fait venir l’eau à la bouche pour pré­pa­rer le plat de résis­tance. Un récit de vacances où la pro­ta­go­niste se ver­ra pous­sée dans ses der­niers retran­che­ments, sou­mise dès le pre­mier jour à tout ce que ses cama­rades de jeu puissent ima­gi­ner pour repous­ser encore et encore les limites de l’indécence, jusqu’à enfin céder aux pul­sions étouf­fées sous des décen­nies d’une vie aus­si médiocre que conforme aux règles. Allez donc décou­vrir les Vacances taboues de Daph­née, concoc­tées par la légen­daire Sophia Win­ter, la reine du por­no trash, un genre qu’il a sans doute fal­lu inven­ter pour com­bler votre serviteur.

Qu’est-ce qui se passe donc au cours de ces trois semaines, entre pis­cine et sta­tion bal­néaire, dans un qua­tuor où les voix s’accordent dans un cres­cen­do char­nel ? Daph­née, appé­tis­sante qua­dra, est cen­sée pas­ser des vacances d’été avec son conjoint de quinze ans et les fils de celui-ci. Une fois arri­vée sur les lieux de sa vil­lé­gia­ture, elle reçoit un coup de fil de la part de son homme qui lui apprend qu’il ne vien­dra pas la rejoindre. Daph­née com­prend tout de suite qu’elle vient de se faire lar­guer – par un type qui n’a les couilles ni de pré­ci­ser ses inten­tions ni de lui dire en face qu’il sera le grand absent de ces trois semaines en bord de mer. Sous le choc, elle se fait sur­prendre par Coren­tin, l’aîné de la fra­trie, bel éta­lon de vingt et un ans, qui, dans un mélange inquié­tant d’agressivité et d’adoration, pro­fite du désar­roi de la belle pour la coin­cer près de la pis­cine et pro­fi­ter des charmes de la « belle mature ». Un épi­sode qui n’est que le pré­lude d’un va-et-vient sexuel, d’un round de com­bats plus ou moins rap­pro­chés où Daph­née ne met pas long­temps à se rendre compte que ses charmes et son expé­rience sont des atouts qu’il ne vaut mieux pas négli­ger dans la guerre des sexes qui se joue dans l’ambiance chauf­fée à blanc des quatre murs du domi­cile esti­val assié­gé par la cha­leur – celle du soleil et celle que font irra­dier les corps sur­chauf­fés par le désir. Ébran­lée par le choc qui l’a fait sor­tir des ornières d’une vie bien ran­gée, on ne sau­rait s’étonner de la perte de contrôle ini­tiale ayant per­mis à Coren­tin de faire des incur­sions impor­tantes dans son ter­ri­toire, et Daph­née sait même, du haut de ses qua­rante ans, retrou­ver une cer­taine maî­trise et en pro­fite pour désta­bi­li­ser à son tour le mâle un peu trop entre­pre­nant. Jusqu’à l’arrivée de Char­lotte, la petite amie de Coren­tin, arri­vée qui s’annonce comme un évé­ne­ment majeur et désta­bi­li­sa­teur qui brouille­ra les cartes en intro­dui­sant dans le huis clos une dyna­mique nou­velle, évé­ne­ment qui s’inscrit en exergue sur le cin­quième cha­pitre – « Char­lotte arrive demain. » – simple asser­tion qui se répète comme une incan­ta­tion qui per­met­trait de se mettre à l’abri d’une pré­sence aus­si néfaste qu’inévitable.

À lire :
Thierry Calmettes, Le temps des cerises

Char­lotte arrive donc et ne tarde pas à prendre la situa­tion en main, pro­fi­tant de son phy­sique aus­si aus­tère que soi­gné et de sa par­faite maî­trise d’une cruau­té sexua­li­sée, pour exer­cer son ascen­dant sur la belle Daph­née qui, consciente d’avoir tra­hi la jeune femme en cou­chant avec son petit ami, n’a que sa mau­vaise conscience pour se défendre des assauts qui ne se font pas attendre. De gifles en mani­pu­la­tions savantes et cruelles sur les mame­lons, en pas­sant par une virée dans la sta­tion bal­néaire infli­gée à la belle qua­dra pour l’exhiber et l’humilier en public, Char­lotte s’impose comme maî­tresse pous­sant Daph­née dans ses retran­che­ments et finit par lui faire assu­mer des dési­rs dont on ne sau­rait dire si les indé­cences de Char­lotte les ont plan­tés au fond de sa conscience ou si la jeune femme s’est conten­tée de créer les condi­tions favo­rables à leur éclo­sion. Tou­jours est-il que Daph­née se découvre consen­tante et que les assauts de Char­lotte lui deviennent de plus en plus néces­saires afin de com­bler des dési­rs qu’elle ne com­prend plus – ou pas encore – tout à fait.

Celles et ceux qui connaissent Sophia Win­ter devinent vers quelles extré­mi­tés Char­lotte est en train de conduire sa proie, et les doigts qui plongent dans sa chatte ne sont que les pré­cur­seurs d’une péné­tra­tion autre­ment plus exi­geante. Et com­ment résis­ter à la sen­sua­li­té de ce geste qui prend toute sa signi­fi­ca­tion dans la prose aus­si sen­suelle que crue de Mme Win­ter, une femme qui n’a pas son pareil pour rendre la ten­ta­tion de la cruau­té et l’épanouissement des sens qui suit l’abdication totale de la part de celle qui se trouve l’objet d’un désir autre­ment plus fort que ce que les fan­tasmes les plus ven­deurs sau­raient engendrer :

Elle regar­da son entre­jambe, hyp­no­ti­sée par le spec­tacle indé­cent de ce poi­gnet gra­cile qui émer­geait de sa fente, de son sexe qui venait d’avaler la main entière de sa jeune maî­tresse. Daph­née crut défaillir quand Char­lotte se mit à remuer len­te­ment les doigts pri­son­niers dans ses entrailles, déplia len­te­ment sa main à l’intérieur d’elle, occu­pant une place de plus en plus large en elle. Elle sen­tait la main bou­ger et c’est comme si plus rien dans son corps n’existait que son sexe enva­hi, rem­pli à en débor­der par la main de Char­lotte dont les doigts dan­saient contre les parois internes de ses entrailles. [1]WINTER, Sophia. Vacances Taboues (Empla­ce­ment du Kindle 2251). Édi­tion du Kindle.

Sophia Win­ter excelle à créer une ambiance sen­suelle et inquié­tante, dans un espace qui se res­serre et oblige les per­son­nages à se frot­ter les uns aux autres, à en perdre jusqu’à l’idée même de fron­tière, que ce soit dans le cabi­net du Dr Kal­lier dans Dila­tée par ma gyné­co­logue où dans la mai­son de vacances de Daph­née, un huis clos où les femmes sont conduites à céder à leurs envies et de prendre la main de celle qui leur pro­pose de les mener au bout d’un che­min qu’elles se croyaient inca­pables d’emprunter.

À lire :
Lec­tures esti­vales 2022- Les titres

Contrai­re­ment à bien d’autres textes issus de l’autoédition, ceux de Mme Win­ter se font remar­quer par une gram­maire soi­gnée et un tra­vail édi­to­rial pous­sé qui éli­mine un grand nombre des torts que le manque de cet effort inflige bien trop sou­vent aux lec­teurs. Si cer­taines tour­nures reviennent un peu trop sou­vent (« la belle qua­ran­te­naire »), ce ne sont là plus que les der­niers témoi­gnages du che­min par­cou­ru, on dirait presque un sceau d’authenticité, une preuve de ce que les auteurs indé­pen­dants manient l’arsenal de l’édition jusqu’à sérieu­se­ment concur­ren­cer l’ancien monde. D’autant plus que l’ambition des édi­teurs de pré­sen­ter des textes impec­cables semble désor­mais appar­te­nir au passé.

Vacances taboues est bien plus qu’un beau pré­lude à un été pla­cé sous le signe de la sen­sua­li­té et de l’indécence, et je le recom­mande à toute ama­trice et à tout ama­teur du genre sou­cieux de décou­vrir des ter­rains autre­ment plus inté­res­sants que le monde des mil­liar­daires en quête de femelles à édu­quer. Et pour­quoi pas pro­fi­ter des vacances pour décou­vrir les mondes de Sophia Win­ter ? Une autrice qui a le mérite de m’avoir lais­sé d’excellents sou­ve­nirs et qui se dis­pute dans cette caté­go­rie le maillot jaune avec des auteurs aus­si accom­plis que Jon Black­fox, Lau­ra Lam­brus­co ou Roman K.

Sophia Win­ter
Vacances taboues
Auto-édi­tion (Kindle)
ASIN : B07CW2YFDW

Réfé­rences

Réfé­rences
1 WINTER, Sophia. Vacances Taboues (Empla­ce­ment du Kindle 2251). Édi­tion du Kindle.
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95