De temps en temps, mes fidèles lecteurs le savent, je me fais plaisir en m’offrant des incursions dans les domaines de la littérature anglo-saxonne, des escapades qui me permettent d’introduire une certaine diversité dans les colonnes de la Bauge littéraire, d’y faire souffler une brise riche d’effluves marines pour avoir traversé l’océan, et de changer un peu d’ambiance en offrant aux internautes le moyen de se frotter à des auteurs d’outre-Atlantique dont l’approche n’est pas tout à fait la même que celle de nos écrivains hexagonaux, même si les sujets, forcément, se ressemblent. Encore que j’ai l’impression d’avoir remarqué une plus grande variété chez nos consœurs et confrères américains, une plus grande hardiesse quand il s’agit de construire des textes autour des pratiques peu communes comme celle des vaches humaines et la lactation forcée ou encore celle des machines à baiser. Si ces sujets ne sont pas absents du domaine francophone, une recherche même sommaire montre la plus grande diversité du côté de nos amis anglophones. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de pouvoir vous parler de Annie and the Sybian, Annie étant une jeune Américaine d’à peine dix-huit ans qui rêve de chevaucher une « Sybian », une célèbre variante des machines à baiser sus-mentionnées, et dont le fantasme est d’être prise en main afin de vaincre les réticences qu’une éducation trop orientée vers les convenances a mises entre elle et le plaisir. Et celui-ci, vous allez le voir, doit être excessif pour la combler.
L’histoire d’Annie est signée par Sinistre Ange, le pseudo d’une autrice par ailleurs connue comme Golden Angel – un pseudo au carré, si vous voulez. Celle-ci, si elle aborde assez systématiquement des sujets comme le BDSM, y met aussi une forte dose de romance ou, pour le dire avec elle : « 1
« Sinistre Ange is the alter ego of Golden Angel and explores some of the darker sides of erotica – kink, fetish, supernatural creatures, breeding fantasies, etc. You might find some love in these books, but they are not necessarily romances ; the focus is on the fantasy and the physical interactions between characters.« 2
J’adore cette sobriété quand il s’agit d’annoncer la couleur et de parler de ce qui fait précisément le charme des textes de Sinistre Ange : « the physical interactions between characters ». Cela veut dire rien d’autre que ses personnages veulent avant tout baiser, être comblés par tous les orifices, passer au-delà des conventions, se libérer, sans pour autant s’embarrasser de sentiments et de relations autre que sexuelles. Comme Annie qui passe ses heures libres à visionner des vidéos de femmes contraintes à des orgasmes en série infligés par les machines à baiser, ces mêmes robots que Charlie Fortenis – pour introduire un personnage bien de chez nous – met régulièrement à l’honneur dans ses sessions de camgirl. Et si ce ne sont pas précisément des Sybian que Charlie chevauche, cela donne quand même une petite idée à propos de ces cavalcades si remarquablement fantasmées par Annie :

Annie, donc. Après une première année à l’université – une année dont la jeune fille a profité pour se débarrasser de son état de vierge – celle-ci est de retour à la maison de ses parents pour y passer les vacances. Mais, au lieu de revoir les copines, elle regrette la solitude de sa chambre d’étudiant où elle adorait passer des heures et des heures collée à l’écran de son ordinateur à dévorer des textes de cul avec leurs défilés de filles et de femmes sujettes aux pratiques sado-masochistes, des pratiques qui se focalisent, pour la jeune femme, dans l’idée du Sybian, cette machine aussi perverse que mythique, instrument d’une totale soumission au plaisir :
« I was dying to ride a Sybian. A fucking machine that wouldn’t stop ? Yeah, that sounded pretty awesome. Even hotter if I was tied to it and forced to ride until I passed out from orgasms.« 3
C’est depuis que Marc, un voisin de ses parents, lui en a parlé que l’idée de se faire défoncer par une machine aussi infatigable qu’insensible ne la lâche plus et quand elle reprend son activité de house-sitter, elle met tout en œuvre pour s’introduire dans la pièce interdite que la présence de la machine convoitée a depuis longtemps transformée pour elle en pays de Cocagne. L’inévitable se produit, et Annie, comblée, découvre que la machine est effectivement tout ce qu’elle a pu imaginer. Et c’est là qu’intervient, avec une rare efficacité, l’autrice qui, loin de se contenter d’aussi peu, envoie sa protagoniste dans une descente aux enfers orgasmiques que celle-ci est loin d’imaginer aussi cruellement intenses, à travers une série de rendez-vous la poussant, avec la force irrésistible des désirs, à la rencontre de ses fantasmes qui ne demandent plus qu’à se réaliser, à se transformer en expériences, la mettant au défi de confronter ses réticences et de se libérer des emprises d’une éducation qui a fait bien peu de cas de la notion de « plaisir ». Et quand, à chaque fois qu’Annie, au bout d’une série d’orgasmes les uns plus ravageurs que les autres, descend de l’engin, épuisée et à bout de force, on l’imagine au bout de ses peines, l’autrice, à travers les exigences de Marc, lui fait franchir une étape supplémentaire. Et Sinistre Ange excelle à montrer l’effet sur Annie des défis toujours plus poussés, comme ces godes toujours plus énormes qu’elle doit monter pour chevaucher vers son but à travers des efforts toujours plus douloureux, ou des prix toujours plus élevés que Marc lui fait verser en nature.
L’intérêt du lecteur est capté par une écriture toujours claire, mise au service d’un désir dont l’intensité, loin de faiblir, n’est rendue que plus aiguë à travers les épreuves. Et l’autrice excelle à rendre la force de ce désir irrésistible qui rend la jeune Annie capable de transgresser, de passer au-delà des interdits et des « que dira-t-on ». Il lui suffit d’entrevoir la possibilité de vivre ses désirs pour la rendre capable de passer à travers toutes les épreuves. Marc, mis au courant des ébats solitaires d’Annie par une caméra ayant échappé à l’attention de la jeune fille obnubilée par l’objet de ses désirs, lui propose de revenir dès que cela lui chante ? Annie se présente à sa porte pour lui proposer un marché afin de faire disparaître l’enregistrement. Marc lui ayant annoncé d’augmenter le prix, elle revient au rendez-vous, prête à tout après avoir fait face à la honte et aux remises en question, si seulement elle peut monter la machine, retrouver les peines exquises des orgasmes ravageurs. On la voit ainsi revenir à la charge, aspirée par le tourbillon des désirs, mais rendue plus forte grâce aux épreuves. Et c’est du haut de la machine, triomphatrice entravée offerte aux regards et aux godes mécaniques lui labourant les chairs, qu’elle domine le spectacle, forte de ses orgasmes et de sa volonté d’aller jusqu’au bout du plaisir.
Si vous maîtrisez la langue de Shakespeare, un seul conseil : Accueillez Annie dans l’intimité de votre liseuse, enfermez-vous quelque part avec elle et tenez-lui la main quand elle grimpe sur la machine pour s’envoyer en l’air. Et cette fille-là, je vous l’assure, elle n’est pas près de retomber.
Sinistre Ange
Annie and the Sybian
Auto-édition
ASIN : B06XBFLKL1
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- Golden Angel, Titles by Sinistre Ange ↩︎
- Ange, Sinistre. Annie and the Sybian (Annie’s Erotic Adventures Book 1) (Emplacements du Kindle 48–49). UNKNOWN. Édition du Kindle. ↩︎