De nos jours, l’érotisme semble être un genre particulièrement sérieux. Et on peut le comprendre, vu qu’il se trouve en ligne de mire non seulement de ceux qui se sentent appelés à défendre la bonne morale et à mettre les âmes trop influençables à l’abri de la tentation des joies de la chair, mais encore de ceux qui d’emblée contestent son statut de genre littéraire, voire exploitent le flou qui existe entre les notions de pornographie et d’érotisme pour tenter de faire disparaître les textes érotiques sous les comptoirs et de les bannir des champs ô si fertiles de la Littérature.
En même temps, les textes érotiques connaissent, depuis quelques mois, non seulement une véritable floraison avec un nombre croissant de publications, mais aussi un écho médiatique important suite au succès très médiatisé des 50 nuances de gris, titre dont on peut certes contester la qualité littéraire mais qui a néanmoins déclenché un tsunami de publications d’un genre très spécial. Depuis, on ne compte plus les titres qui, en faisant l’éloge de la fessée, du martinet et d’autres instruments de correction, exaltent le plaisir de se faire dominer par un Maître, de préférence riche, mondain et au physique d’un dieu grec. Excusez du peu !
Je ne voudrais pas, dans cette note bien inoffensive, ajouter une énième publication à une liste déjà impressionnante, mais juste relever un petit fait de rien du tout qui semble avoir échappé aux yeux scrutateurs de mes chers confrères : On ne rit que très rarement dans les textes érotiques. On se fait sauter, on se plie à toutes les exigences, on se lance dans une véritable gymnastique des positions, on offre à la pénétration toutes les orifices imaginables, on suce, on broute, on fait crier de plaisir – et tout ça dans le plus grand sérieux. C’est à peine qu’un petit sourire affleure de temps en temps sur les lèvres des personnages, et on conçoit qu’il est difficile pour l’auteur de guetter l’instant où ces mêmes lèvres ne sont pas fermées autour d’une érection ou en train de tirailler sur les nymphes d’une belle près de l’extase. L’amour est-il donc un effort qui ne permet aucune distraction, et le rire, un faux pas impardonnable ? Je ne prétends certes pas offrir à mes lectrices et à mes lecteurs une étude scientifique approfondie du problème en question, me contentant de parler de ce que j’ai pu observer au fur et à la mesure de mes assez nombreuses lectures. La piste me semble néanmoins assez prometteuse.
Quoi qu’il en soit, je laisse la recherche à d’autres pour revenir vers le petit volume qui m’a tout d’abord inspiré ces réflexions et qui m’a non seulement fait bien rigoler, mais dont les personnages, et le protagoniste le premier, ne se prennent pas tellement au sérieux au point d’en oublier que le rire est le propre de l’homme et qu’il faut en profiter tant que nous sommes de ce monde. Le volume en question est sorti de la plume du journaliste Philippe Lecaplain et porte le titre prometteur Ces Dames de l’annonce. L’idée de base est aussi simple que séduisant : le protagoniste décide de placer une annonce libertine dans une « luxueuse revue » (p. 5), et nous raconte ensuite les échanges et les rencontres auxquels ce procédé, pour le moins insolite à l’époque des sites de rencontre, a donné lieu, l’occasion de dresser « autant de portraits de Femmes, belles et accomplies, touchantes et fascinantes. » (p. 8).
Il va sans dire que, dans des récits pareils, le lecteur se trouve gratifié de force léchages, de chattes mouillées, de bites dressées et de galipettes. Mais, et cela peut étonner, il y a aussi des rencontres qui se terminent sans que l’affaire aille plus loin qu’un échange de paroles, et il y a même des épisodes qui se résument à une correspondance aussi intime que réjouissante. Et parmi les femmes qui figurent dans cette espèce de journal, il y en a quelques-unes qu’on n’oublie pas facilement, comme Isabelle, l’huissier qui dresse le constat de sa rencontre avec le bel inconnu et à laquelle on doit un des meilleurs passages du roman :
La présence de pannicules graisseux que le langage commun permet de qualifier de « poignées d’amour » trahit son âge que j’estime avoisiner la quarantaine. Eu égard à la moyenne anatomique française, il est bien pourvu. (p. 35)
Voici un auteur qui ne se prend pas au sérieux et qui arrive à (faire) rire de ses propres imperfections !
À côté d’Isabelle, il y Agathe, l’obsédée du nombril qui se lance dans un tel fantasme masturbatoire que notre héros décide de prendre la poudre d’escampette ; Christine, l’amatrice des boules à l’imagination tellement débridée qu’elle finit par effrayer le libertin le plus endurci ; Maryse qui réinvente la cartographie à l’ancienne ; Barbara l’artiste qui réussit à appeler sous les drapeaux de son art une véritable armée de branleurs ; Zalia qui a trouvé une idée de génie pour arracher son mari à sa passion du ballon en lui demandant de commenter, à la façon d’un reportage , non pas une partie de foot mais celle de jambes en l’air où elle s’engage avec notre homme.
Ceci n’est qu’un très bref aperçu de certaines de Ces Dames de l’annonce et de la richesse que renferment les 200 pages de ce petit recueil, et je vous invite, ami(e)s de la bonne humeur et de la franche rigolade, à découvrir l’univers très particulier de Philippe Lecaplain où vous pourrez côtoyer des femmes extraordinaires dans des situations qui les rendent non seulement uniques, mais carrément inoubliables.
PS : Je parie que certains se sentent mis au défi de me prouver que les textes érotiques débordent de bonne humeur, de rigolades et de rires dignes des festins de l’Olympe. Dans ce cas-là, contactez-moi afin de me communiquer les titres 🙂

Philippe Lecaplain
Ces Dames de l’annonce
Éditions Tabou
ISBN : 978−2−36326−007−9
j’ai lu ce livre, bien aimé, surtout la nouvelle sur les couilles…mais je ne suis pas d’accord avec son épilogue, je dois d’ailleurs faire un billet dessus..très en retard, oui, c’est vrai..
Et j’ai eu le plaisir de rencontrer l’auteur, lors de signatures et salons, Philippe Lecaplain„ un homme (et un auteur) charmant.