Voici sans aucun doute un des meilleurs textes érotiques de ces derniers mois. Je tiens à vous le dire tout de suite, comme ça vous aurez l’occasion de vous diriger sans tarder vers la librairie électronique de votre choix et de dévorer le texte excellent que Patrick Delperdange, auteur bruxellois, nous a concocté sous un titre qui fait rêver, voire fantasmer : Toison d’or.
Pour celles et ceux qui préfèrent en apprendre davantage avant de débourser la somme ridicule que demandent ces braves gens des Éditions ONLIT, et pour ces fidèles lecteurs qui reviennent ici au retour de leur trip pour comparer leurs impressions aux miennes, je vous parle volontiers de ce texte merveilleux, dans lequel la plume de Patrick fait régner une ambiance pétrie de mystère et de sensualité où s’enfonce, voire s’engouffre le protagoniste masculin, Martin, savamment fourvoyé par les soins de ces deux collègues ravissantes que sont Isabelle et Carole.
Tout commence en douceur, par un geste qu’on pourrait mettre sur le compte du hasard, comme Martin est tenté de le faire. Parce qu’on n’entend pas souvent parler d’une femme qui s’approprierait ce geste indécent et déplacé du mâle qui retrouve, le temps de quelques instants, des pulsions primaires en touchant les fesses d’une femme. C’est pourtant ce qui arrive à Martin, et il doit se rendre à l’évidence : « les doigts de Carole ne l’avaient pas heurté par mégarde » (Chap. I).
De ce geste naît un ballet des regards et une suite de révélations progressives, le tout orchestré, comme Martin le comprendra très vite, par une troisième personne. Mais est-ce bien Isabelle, qui, grâce à de véritables didascalies, semble jouer le rôle de la metteuse en scène, ou plutôt l’éminence grise, le vieil écrivain furtivement croisé entre les étagères de la librairie de Bruxelles où travaille le joyeux trio ?
Dès le début, le ton est donné, et la progression se fait tout en douceur, même si les gestes et les dialogues ne manquent pas d’audace voire de crudité :
— Viens voir mon cul, reprit-elle [i.e. Carole]. Viens voir mes fesses, et la raie entre mes fesses. Je vais les écarter et tu pourras voir tout ce qui se cache là. (Chap. IV)
Mais qu’est-ce qu’on est loin d’ici du bon coup, tiré en vitesse tout au fond des étagères, au risque d’être surpris par des inopportuns, ou acquis de haute lutte au bout d’une soirée passée à engloutir force cocktails ou autres boissons alcooliques censées rendre la belle plus maniable. Le tout rappelle plutôt une initiation, une mise en scène magistralement orchestrée dont le but est bien la découverte, mais peut-être pas celle que vous pensez.
Dans cette histoire, rien n’est jamais simple, et s’il y a un fil d’Ariane dans ce drôle de triolisme, c’est bien l’interrogation éternelle. Martin ne sait jamais vraiment où il en est, il cherche sa place dans cette constellation multiple en éternel mouvement, et la fin est des plus ambiguës. Certes, on apprend des choses, mais le mystère persiste dans les coulisses qui ne deviennent pas transparentes pour aussi peu.
Patrick Delperdange n’a pas besoin de beaucoup de pages pour créer cet univers séduisant et pour l’imposer, tout en douceur, à ses lecteurs, et il faut constater que les entraves dont on ne remarque pas la présence sont bien les plus fortes et les plus durables. Il ne faut pas plus qu’une petite heure pour se perdre sans espoir de retour dans les revers de la Toison d’or, et on en émerge dans le seul but d’en réclamer davantage. J’espère que vous m’entendez, M. Delperdange !
Patrick Delperdange
Toison d’or
ONLIT Éditions
ISBN : 978−2−87560−021−9