En-tête de la Bauge littéraire

Octa­vie Del­vaux, Sex and the TV

Cer­taines lec­tures sont pétillantes comme du cham­pagne, et si elles font tour­ner la tête, c’est tou­te­fois sans pro­vo­quer la moindre gueule de bois le len­de­main. Sex and the TV, deuxième roman d’Oc­ta­vie Del­vaux, auteure vedette de La Musar­dine, appar­tient à cette caté­go­rie de textes char­mants, des textes qu’on consomme avec plai­sir et qui laissent comme seul trace une sen­sa­tion de légè­re­té et le sou­ve­nir d’a­voir pas­sé quelques heures en ravis­sante compagnie.

Au cœur du texte, les aven­tures de Char­lotte, l’au­teure de best-sel­lers culi­naires pro­mue chro­ni­queuse d’une émis­sion où elle est cen­sée ini­tier la ména­gère aux délices de la cui­sine végane. Plon­gée dans un monde aux codes incon­nus et dif­fi­ciles à décryp­ter pour les non-ini­tiés, elle peut tou­jours comp­ter sur ses copines qui l’aident à faire face aux nou­veaux défis comme la jalou­sie et les intrigues pro­fes­sion­nelles dont, en par­faite fleur bleue, elle n’a tout sim­ple­ment pas conscience. Mor­gane la fashion vic­tim de ser­vice et Debo­rah la domi­na­trice mi-temps, répondent pré­sentes pour aider Char­lotte à se remettre sur la bonne voie, pré­pa­rant ain­si une hap­py end qui réunit tout le monde sur une plage tro­pi­cale, un verre de cock­tail tou­jours à por­tée de main.

Mais avant de débar­quer dans le para­dis sous les tro­piques, il faut faire face à ce défi de tous les jours qui s’ap­pelle – la vie. Encore que, il faut l’a­vouer, est-ce une vie qui se déroule loin des pro­blèmes de celle de Madame Tout­le­monde qui, elle, frôle de bien trop près des bêtes affreuses comme Pôle Emploi, SMIC, CDD, PPAE et autres car­nas­siers qui aiment se nour­rir des vic­times du capi­ta­lisme défaillant. Quant à Char­lotte, elle doit plu­tôt se défendre contre des col­lègues trop entre­pre­nants, contre ses propres accès de jalou­sie vis à vis de son copain par­ti en Bré­sil pour y shoo­ter des man­ne­quins en très petite tenue, et sur­tout contre une intrigue qui la confronte à des défis les uns plus pimen­tés que les autres. C’est dans l’es­poir d’é­vi­ter le pire (c’est-à-dire la publi­ca­tion d’une sex-tape qui la montre en fla­grant délit de tri­ba­disme) qu’elle consent à pimen­ter ses inter­ven­tions télé­vi­sées d’ex­pres­sions plu­tôt cor­sées ou encore à se rendre dans un club liber­tin où elle fini­ra par céder aux exi­gences de sa sensualité.

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Il ne faut certes pas prendre trop au sérieux ce texte quant il s’a­git de dres­ser un tableau fidèle de la vie d’une jeune femme d’au­jourd’­hui, mais le contraire est vrai pour ce qui est des inter­mèdes éro­tiques dont la force et la véri­té peuvent éton­ner. L’é­di­teur vise donc juste dans son énu­mé­ra­tion des points forts du texte quand il sou­ligne (en en carac­tères gras, s’il vous plaît !) que le livre contient : « Des vraies scènes de sexe ». On pour­rait main­te­nant ergo­ter sur la valeur du mot « vrai » dans un texte fic­tion­nel, mais peu importe, c’est l’in­ten­tion qui compte, et nous ne pou­vons que le répé­ter : les scènes de sexe sont incon­tes­ta­ble­ment un des points forts du roman d’Oc­ta­vie Del­vaux. Et, mérite sup­plé­men­taire et pas des moindres : on y échappe enfin à ces éter­nelles sou­mises lamen­tables qui n’as­pirent qu’a se faire labou­rer la peau des fesses et à croi­ser un homme qui s’est fait gref­fer un fouet à la place du cer­veau. Le tout pimen­té des aléas d’une domi­na­trice en quête d’a­mou­reux, une domi­na­trice qu’on pour­rait bien qua­li­fier de honte du métier en vue des bourdes qu’elle enchaîne du début à la fin. Joli pied de nez en direc­tion d’un cer­tain titre dont on aura bien trop jasé.

Bref, un texte comme une éclair­cie dans le ciel de novembre, un plai­sir sans consé­quence mais bien réel.

Octa­vie Del­vaux
Sex and the TV
La Musar­dine
ISBN : 978−2−84271−611−0