En-tête de la Bauge littéraire

Maxime Lich, Initiations

Par­fois, on tombe sur des textes qui ne laissent que très peu d’im­pres­sions et dont l’in­trigue est tel­le­ment remâ­ché qu’on en oublie jus­qu’au fait de les avoir déjà lus jus­qu’à la der­nière parole. Ce qui vient de m’ar­ri­ver avec le petit texte de Maxime Lich qui entre dans cette caté­go­rie de textes des­ti­nés à rem­plir des pauses ou qu’on aime par­cou­rir quand on n’a ni l’en­vie ni la force d’at­ta­quer quelque chose de plus consis­tant. Et encore, même ces textes-là ont leurs petits tré­sors qui viennent récom­pen­ser le lec­teur assez curieux pour ne pas se bor­ner aux valeurs sûres. Dans la mesure où cette idée puisse avoir un quel­conque sens quand, comme moi et mes lec­teurs, on n’a­dore rien autant que de navi­guer dans les eaux peu son­dées de la lit­té­ra­ture qui pro­mettent de conduire le voya­geur vers de vastes échap­pées et au-des­sus des abîmes dont la menace ne fait que rendre la séduc­tion d’au­tant plus irré­sis­tible. Beau­coup de grands mots pour dire que la deuxième lec­ture d’Ini­tia­tions m’a don­né envie d’en par­ler dans mes colonnes.

Maxime Lich, donc, un auteur assez pro­li­fique avec à son actif une cin­quan­taine de titres[1]Chiffre approxi­ma­tif, je n’ai pas pous­sé le vice jus­qu’à comp­ter ! qui nous pro­pose ici un texte des­ti­né à par­ler d’Ini­tia­tions. Le titre et la cou­ver­ture ne laissent que peu de doutes quant au sujet : Il s’a­git bien de l’i­ni­tia­tion d’une belle jeune femme – pas si inno­cente que ça, d’ailleurs, vu qu’elle est intro­duite dans la nar­ra­tion les doigts occu­pés à se pétrir les seins et à se tri­tu­rer le bou­ton – à l’a­mour au fémi­nin. Un sujet, donc, qui attire votre ser­vi­teur comme la lumière les mouches. Mal­heu­reu­se­ment, l’au­teur ne peut évi­ter de tom­ber dans le piège du pre­mier cli­ché venu en pla­çant la scène de la pre­mière ini­tia­tion – oui, le plu­riel ne ment pas – dans le dor­toir d’une ins­ti­tu­tion reli­gieuse. Je ne sais pas com­bien de fois je suis tom­bé sur ce fan­tasme-là qui, déso­lé de le dire aus­si clai­re­ment, me donne chaque fois une envie furieuse de fer­mer le texte et de voir ailleurs pour essayer d’y trou­ver mon bon­heur. Mais comme je jouis d’une cer­taine expé­rience qui m’a appris que même les lec­tures peu pro­met­teuses cachent sou­vent quelques perles qui méritent un cer­tain effort, j’ai acquis une cer­taine per­sis­tance. Au départ, tout se passe donc comme pré­vu : Notre jeune héroïne – Aman­dine – s’en­voie en l’air toute seule, les sens mis en émoi par une lec­ture des plus clas­siques pour ces jeunes femmes ten­tées par l’in­ter­dit – Emma­nuelle. Mais le spec­tacle n’est pas pas­sé inaper­çu mal­gré ses efforts de res­ter dis­crète, et elle a la bonne sur­prise de voir se poin­ter sa voi­sine de lit, Isa­belle. Celle-ci, enga­gée plus avant dans la voie du saphisme, entre­prend de séduire celle dont les sou­pirs même étouf­fés lui ont appris le pen­chant à la sen­sua­li­té. Et quoi de mieux pour réveiller et embra­ser celle-ci que des caresses fémi­nines à la dou­ceur inéga­lée ? L’i­ni­tia­tion se passe donc avec une faci­li­té décon­cer­tante quand le lec­teur, lui, aurait peut-être aimé deve­nir le témoin d’une véri­table conquête ? D’une résis­tance bri­sée ? D’un éveil d’au­tant plus doux que dif­fi­cile à obtenir ?

À lire :
Lectures estivales 2016 - le bilan

Quoi qu’il en soit, cette pre­mière ini­tia­tion est sui­vie de très près par une autre, à savoir celle de l’a­mour à plu­sieurs, même si celui-ci conti­nue à se décli­ner, au moins dans un pre­mier temps, exclu­si­ve­ment au fémi­nin. Le cadre reste le même, le dor­toir, sauf que nos deux gaies luronnes sont rejointes par deux com­mères trop heu­reuses de pou­voir pimen­ter leur vie de vieux couple[2]Ne rigo­lez pas, deux ans, à cet âge-là, ça peut res­sem­bler à une éter­ni­té ! et d’a­li­men­ter le désir en se frot­tant à d’autre chairs. C’est dans cette par­tie que l’au­teur intro­duit un peu d’hu­mour, un trait bien trop rare dans l’é­ro­tisme lit­té­raire pour que je puisse pas­ser à côté d’une ini­tia­tive tel­le­ment recom­man­dable, même si elle se borne aux noms des deux jeunes femmes venues rejoindre Aman­dine et Isa­belle. Je vous pré­sente donc avec un plai­sir non miti­gé – Arielle de Cha­to­zange et Béran­gère de Lamothe. Et oui… Même si l’hu­mour reste assez facile, je n’ai pu évi­ter un petit sou­rire de se des­si­ner sur mes lèvres face à cette nomen­cla­ture qui fleure si bon un cer­tain éro­tisme popu­laire, et on adore ima­gi­ner des mul­ti­tudes de femmes som­brer dans la ten­ta­tion, prises entre la chatte et la motte.

Après cet inter­lude qui intro­duit des débuts de par­touze dans le cadre si sobre d’un pauvre dor­toir, voi­ci venue la par­tie où j’ai enfin pu trou­ver quelques pas­sages qui font dire au plus endur­ci des cri­tiques : « Ah, quand même ! » La troi­sième par­tie est consa­crée aux vacances sur la côte atlan­tique où Aman­dine et Isa­belle se sont ren­dues avec l’in­ten­tion de rejoindre un coin de para­dis acces­sible grâce au cata­ma­ran fami­lial pour s’y adon­ner aux joies de l’a­mour à la plage. Je suis sûr que vous m’en­ten­dez venir ! Les vacances, l’o­céan, la plage et deux sirènes à la chair fraîche en train de se goui­ner ? C’est effec­ti­ve­ment un scé­na­rio irré­sis­tible qui méri­te­rait à lui seul que je l’ar­rache à l’ou­bli des cou­loirs pous­sié­reux d’une auto-édi­tion trop sou­vent relé­guée dans l’obs­cu­ri­té. Mais il y a plus, et je concède avec un plai­sir non miti­gé que Maxime Lich a su titiller mes sens en évo­quant les gestes et les odeurs d’un déjeu­ner ou d’un bar­be­cue à la plage avec une naï­ve­té aus­si décon­cer­tante que rafraîchissante :

À midi, nous avons pique-niqué. Isa­belle avait empor­té tout un déli­cieux repas à base de fruits de mer, de pois­son. Avec une miche de pain cra­quante, un excellent vin blanc sec bien frais, conser­vé dans la petite gla­cière. Nous nous somme réga­lées, j’ai dégus­té une dou­zaine d’huîtres de Marennes avec du citron, et du beurre demi-sel. Nos vacances com­men­çaient bien.[3]Maxime Lich, Ini­tia­tions, empla­ce­ment 476

Et le len­de­main, voi­ci Isa­belle en train de pré­pa­rer le bar­be­cue avec un des garçons :

J’aidai Jean à net­toyer et écailler les vic­times, pen­dant qu’il pré­pa­rait un cercle de pierres. Il alla cher­cher du bois pour faire une braise, pour un bar­be­cue impro­vi­sé.[4]Maxime Lich, Ini­tia­tions, emplacement624

Rien d’ex­tra­or­di­naire là-dedans, mais c’est par la faci­li­té même et l’é­vi­dence de ces gestes sor­tis du quo­ti­dien par le cadre rus­tique que l’é­ro­tisme des sens l’emporte sur la bana­li­té de l’in­trigue. C’est grâce à de tels ins­tants que je ne regrette pas les pages médiocres que j’ai déjà dû me far­cir depuis le temps que j’a­li­mente la Bauge lit­té­raire. Et même si le texte de Maxim Lich ne me lais­se­ra sans doute pas de sou­ve­nirs indé­lé­biles, je ne regrette abso­lu­ment pas de l’a­voir sor­ti de ma liseuse où, relé­gué aux der­niers rangs par de plus récentes acqui­si­tions, il atten­dait patiem­ment que sonne l’heure de la découverte.

À lire :
Dominique Lémuri, En Adon je puise mes forces

Maxime Lich
Ini­tia­tions
Auto-édi­tion
ASIN : B00X362IKS

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Chiffre approxi­ma­tif, je n’ai pas pous­sé le vice jus­qu’à compter !
2 Ne rigo­lez pas, deux ans, à cet âge-là, ça peut res­sem­bler à une éternité !
3 Maxime Lich, Ini­tia­tions, empla­ce­ment 476
4 Maxime Lich, Ini­tia­tions, emplacement624