Si j’ai découvert Jean Darmen dans le rayon des auto-édités de chez Amazon, j’aurais pu le croiser ailleurs, comme par exemple chez Dominique Leroy où il a collaboré à la deuxième édition du recueil Fantasmes auquel il a contribué la nouvelle Sortir du brouillard. Ou encore chez Numériklivres où j’ai même acheté un de ses titres, P900, sans jamais avoir trouvé l’occasion de le lire. Mais comme tard vaut toujours mieux que jamais me voici donc avec deux de ses textes, H comme Helen et Minette à la plage, tous les deux des nouvelles dédiées à ce thème cher à votre serviteur – les vacances avec leur cortège de rencontres et de parties de jambes en l’air. Les deux textes font partie d’une sorte de recueil intitulé Rencontres, mais comme ils racontent chacun des épisodes tirés de la vie de l’un des protagonistes, on peut les déguster séparément. J’explique en vitesse :
Les nouvelles en question – ou peut-être plutôt les épisodes – ne font pas simplement partie d’un recueil thématique, mais sont reliées entre elles par un récit-cadre fourni par la rencontre des deux protagonistes, Alex et Mélanie. Ceux-ci, tombés follement amoureux l’un de l’autre suite à ce qu’il convient d’appeler un coup de foudre, ignorent jusqu’au plus petit détail de leurs vies respectives. Et comme c’est le désir réciproque qui est à l’origine de leur rencontre et de leur relation qui va en s’approfondissant grâce aux galipettes en continu, ils ont choisi un angle d’attaque correspondant en se racontant, à tour de rôle, « leurs amours d’avant »[1]Texte explicatif sur Amazon.. Et il faut sans doute ajouter que le sexe et les fantasmes se sont très vite mêlés de l’affaire, conférant à tous ces récits un caractère délicieusement érotique.
Dans le premier des épisodes choisis, H comme Helen, c’est Mélanie qui raconte un souvenir de l’époque de ses dix-huit ans, à savoir sa rencontre avec Helen, une jeune Britannique embauchée par les parents de notre héroïne afin de, pendant les vacances d’été, parfaire l’éducation linguistique de la fratrie au grand complet, réunie pour cela sous le toit de la maison parentale. Horreur, dites-vous ? Mouais, vu que c’est une grande maison avec piscine près de la mer, cela peut se supporter, surtout que la préceptrice semble être poussée par d’autres motivations que celui d’inculquer la langue de Shakespeare à ses élèves. Sinon, pourquoi se ferait-elle un malin plaisir de rendre plus doux le réveil de sa jeune disciple en lui caressant les fesses ? Quoi qu’il en soit, la jeune Mélanie découvre les prémices des plaisirs saphiques entre les mains de Helen, et si les semaines suivantes seront bien dédiées à l’apprentissage de la langue, ce sont surtout les bases de son application physique qui lui seront révélées. Et tant mieux si elle peut ajouter à ses leçons quelques vocables du baragouinage d’outre-Manche.
Après cette première découverte à propos des motivations de la professeure de langue, il y en aura d’autres qui ne manqueront pas de révéler à la jeune protagoniste un côté insoupçonné de ses géniteurs, soucieux de parfaire l’éducation de leurs filles. Mais comme je n’ai pas l’intention de vous gâcher le plaisir de la lecture et de la découverte, il faudra délier les cordons de vos bourses afin de plonger davantage dans l’univers des Rencontres.
Le deuxième texte, Minette à la plage, place d’emblée nos héros dans une ambiance plus classiquement estivale, à savoir sur la – plage. C’est là que le couple évoqué par le récit, formé par Alex et une dénommée Chloé, se donne rendez-vous avec une copine de Chloé, la Minette du titre. Alex n’est pas sans savoir que sa copine a des goûts un peu particuliers – elle lui demande par exemple dès la deuxième page de l’attacher, faisant preuve non seulement de son goût pour des pratiques peu courantes, mais encore d’une certaine inconscience, confiant son corps et son bien-être à une personne qui n’a aucune expérience dans ce domaine et qui en est réduit à suivre « le mode d’emploi illustré qu’elle avait acheté avec les cordes. »[2]Jean Darmen, Minette à la plage, emplacement 93
Après un tel début, il ne faut sans doute pas trop s’étonner de ce qu’Alex se retrouve, avec Minette et Chloé, dans un drôle de ménage à trois où c’est la jalousie qui fait tout tourner la machine, où les filles se disputent les services du mâle, veillant l’une sur l’autre afin de se le partager à doses égales, et où le mâle en question n’a qu’à déguerpir dès que ces demoiselles décident de vouloir se consacrer désormais au seul plaisir au féminin.
Quant au côté estival, il y en a bien tous les ingrédients – la plage avec ses dunes, la crème solaire, les serviettes étendues sur le sable, les baignades, les silhouettes des jeunes femmes se promenant sur la plage dans le plus simple appareil – et l’auteur sait s’en servir pour créer une belle ambiance propice à l’indécence et au déchaînement des sens :
Je [i.e. Alex] regardai le chaloupé de ses [i.e. de Minette] hanches, les soubresauts de ses fesses, le balancé de ses bras. elle marchait bien, elle donnait envie de la suivre jusqu’au bout du monde.[3]Minette à la plage, emplacement 285.
En fin de compte, Alex préfère l’entrecuisse de ces demoiselles au « bout du monde » et se contente de faire voguer la galère sur les ondes du plaisir.
L’épisode estival n’est ici qu’un ingrédient parmi d’autres, épisode dans un épisode dont on sait d’avance qu’il n’a aucune vocation à se prolonger. Après tout, il s’agit de raconter les détails des aventures respectives des deux amants, grâce à des histoires qui appartiennent au passé et ne font ici que revenir comme des fantômes entre les lèvres des protagonistes. Mais, épisode ou non, Jean Darmen a su exploiter le potentiel fantasmatique de la plage, l’endroit propice non seulement aux découvertes, mais aussi aux conclusions et aux excès. J’ai surtout apprécié la façon qu’a l’auteur de faire de sa plage un théâtre où ses protagonistes se mettent en scène, où se jouent leurs passions et où les regards – ceux du narrateur, mais ceux aussi de potentiels observateurs cachés entre les replis des dunes – sont essentiels.
Ayant avant tout cherché des textes pour l’édition 2020 des Lectures estivales, je n’ai pas pu lire l’entièreté du recueil. Si je ne peux donc pas me prononcer sur la facture de l’ensemble, je peux quand même affirmer que l’idée à la base me paraît plus que solide et très efficace, surtout dans le domaine érotique où le lecteur est ainsi comme branché sur les protagonistes qu’il côtoie pendant que ceux-ci découvrent, en même temps que lui, leurs personnalités et leur passé au fur et à mesure des récits échangés et des désirs évoqués.
Du point de vue du lecteur, le fait de proposer le recueil en plusieurs épisodes vendus séparément peut paraître désavantageux d’un point de vue financier. Ce n’est pas faux, mais le problème se relativise dans la mesure où les textes font partie du programme Kindle Unlimited, les lecteurs pouvant donc emprunter les titres grâce à une sorte d’abonnement au riche fond des auteurs auto-édités. À vous de voir si une telle formule vous convient.

Jean Darmen
Les rencontres
H comme Helen (t. 3) &
Minette à la plage (t. 6)
Auto-édition
ASIN : B07T1XBGP5
ASIN : B07SXCSDPL