Jean Dar­men, Ren­contres (tt. 3 et 6)

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Si j’ai décou­vert Jean Dar­men dans le rayon des auto-édi­tés de chez Ama­zon, j’au­rais pu le croi­ser ailleurs, comme par exemple chez Domi­nique Leroy où il a col­la­bo­ré à la deuxième édi­tion du recueil Fan­tasmes auquel il a contri­bué la nou­velle Sor­tir du brouillard. Ou encore chez Numé­rik­livres où j’ai même ache­té un de ses titres, P900, sans jamais avoir trou­vé l’oc­ca­sion de le lire. Mais comme tard vaut tou­jours mieux que jamais me voi­ci donc avec deux de ses textes, H comme Helen et Minette à la plage, tous les deux des nou­velles dédiées à ce thème cher à votre ser­vi­teur – les vacances avec leur cor­tège de ren­contres et de par­ties de jambes en l’air. Les deux textes font par­tie d’une sorte de recueil inti­tu­lé Ren­contres, mais comme ils racontent cha­cun des épi­sodes tirés de la vie de l’un des pro­ta­go­nistes, on peut les dégus­ter sépa­ré­ment. J’ex­plique en vitesse :

Les nou­velles en ques­tion – ou peut-être plu­tôt les épi­sodes – ne font pas sim­ple­ment par­tie d’un recueil thé­ma­tique, mais sont reliées entre elles par un récit-cadre four­ni par la ren­contre des deux pro­ta­go­nistes, Alex et Méla­nie. Ceux-ci, tom­bés fol­le­ment amou­reux l’un de l’autre suite à ce qu’il convient d’ap­pe­ler un coup de foudre, ignorent jus­qu’au plus petit détail de leurs vies res­pec­tives. Et comme c’est le désir réci­proque qui est à l’o­ri­gine de leur ren­contre et de leur rela­tion qui va en s’ap­pro­fon­dis­sant grâce aux gali­pettes en conti­nu, ils ont choi­si un angle d’at­taque cor­res­pon­dant en se racon­tant, à tour de rôle, « leurs amours d’a­vant »[1]Texte expli­ca­tif sur Ama­zon.. Et il faut sans doute ajou­ter que le sexe et les fan­tasmes se sont très vite mêlés de l’af­faire, confé­rant à tous ces récits un carac­tère déli­cieu­se­ment érotique.

Dans le pre­mier des épi­sodes choi­sis, H comme Helen, c’est Méla­nie qui raconte un sou­ve­nir de l’é­poque de ses dix-huit ans, à savoir sa ren­contre avec Helen, une jeune Bri­tan­nique embau­chée par les parents de notre héroïne afin de, pen­dant les vacances d’é­té, par­faire l’é­du­ca­tion lin­guis­tique de la fra­trie au grand com­plet, réunie pour cela sous le toit de la mai­son paren­tale. Hor­reur, dites-vous ? Mouais, vu que c’est une grande mai­son avec pis­cine près de la mer, cela peut se sup­por­ter, sur­tout que la pré­cep­trice semble être pous­sée par d’autres moti­va­tions que celui d’in­cul­quer la langue de Sha­kes­peare à ses élèves. Sinon, pour­quoi se ferait-elle un malin plai­sir de rendre plus doux le réveil de sa jeune dis­ciple en lui cares­sant les fesses ? Quoi qu’il en soit, la jeune Méla­nie découvre les pré­mices des plai­sirs saphiques entre les mains de Helen, et si les semaines sui­vantes seront bien dédiées à l’ap­pren­tis­sage de la langue, ce sont sur­tout les bases de son appli­ca­tion phy­sique qui lui seront révé­lées. Et tant mieux si elle peut ajou­ter à ses leçons quelques vocables du bara­goui­nage d’outre-Manche.

À lire :
Louis-Stéphane Ulysse, La solitude de l'ours polaire

Après cette pre­mière décou­verte à pro­pos des moti­va­tions de la pro­fes­seure de langue, il y en aura d’autres qui ne man­que­ront pas de révé­ler à la jeune pro­ta­go­niste un côté insoup­çon­né de ses géni­teurs, sou­cieux de par­faire l’é­du­ca­tion de leurs filles. Mais comme je n’ai pas l’in­ten­tion de vous gâcher le plai­sir de la lec­ture et de la décou­verte, il fau­dra délier les cor­dons de vos bourses afin de plon­ger davan­tage dans l’u­ni­vers des Ren­contres.

Le deuxième texte, Minette à la plage, place d’emblée nos héros dans une ambiance plus clas­si­que­ment esti­vale, à savoir sur la – plage. C’est là que le couple évo­qué par le récit, for­mé par Alex et une dénom­mée Chloé, se donne ren­dez-vous avec une copine de Chloé, la Minette du titre. Alex n’est pas sans savoir que sa copine a des goûts un peu par­ti­cu­liers – elle lui demande par exemple dès la deuxième page de l’at­ta­cher, fai­sant preuve non seule­ment de son goût pour des pra­tiques peu cou­rantes, mais encore d’une cer­taine incons­cience, confiant son corps et son bien-être à une per­sonne qui n’a aucune expé­rience dans ce domaine et qui en est réduit à suivre « le mode d’emploi illus­tré qu’elle avait ache­té avec les cordes. »[2]Jean Dar­men, Minette à la plage, empla­ce­ment 93

Après un tel début, il ne faut sans doute pas trop s’é­ton­ner de ce qu’A­lex se retrouve, avec Minette et Chloé, dans un drôle de ménage à trois où c’est la jalou­sie qui fait tout tour­ner la machine, où les filles se dis­putent les ser­vices du mâle, veillant l’une sur l’autre afin de se le par­ta­ger à doses égales, et où le mâle en ques­tion n’a qu’à déguer­pir dès que ces demoi­selles décident de vou­loir se consa­crer désor­mais au seul plai­sir au féminin.

Quant au côté esti­val, il y en a bien tous les ingré­dients – la plage avec ses dunes, la crème solaire, les ser­viettes éten­dues sur le sable, les bai­gnades, les sil­houettes des jeunes femmes se pro­me­nant sur la plage dans le plus simple appa­reil – et l’au­teur sait s’en ser­vir pour créer une belle ambiance pro­pice à l’in­dé­cence et au déchaî­ne­ment des sens :

Je [i.e. Alex] regar­dai le cha­lou­pé de ses [i.e. de Minette] hanches, les sou­bre­sauts de ses fesses, le balan­cé de ses bras. elle mar­chait bien, elle don­nait envie de la suivre jus­qu’au bout du monde.[3]Minette à la plage, empla­ce­ment 285.

En fin de compte, Alex pré­fère l’en­tre­cuisse de ces demoi­selles au « bout du monde » et se contente de faire voguer la galère sur les ondes du plaisir.

À lire :
Jean-Philippe Ubernois, Le Candauliste

L’é­pi­sode esti­val n’est ici qu’un ingré­dient par­mi d’autres, épi­sode dans un épi­sode dont on sait d’a­vance qu’il n’a aucune voca­tion à se pro­lon­ger. Après tout, il s’a­git de racon­ter les détails des aven­tures res­pec­tives des deux amants, grâce à des his­toires qui appar­tiennent au pas­sé et ne font ici que reve­nir comme des fan­tômes entre les lèvres des pro­ta­go­nistes. Mais, épi­sode ou non, Jean Dar­men a su exploi­ter le poten­tiel fan­tas­ma­tique de la plage, l’en­droit pro­pice non seule­ment aux décou­vertes, mais aus­si aux conclu­sions et aux excès. J’ai sur­tout appré­cié la façon qu’a l’au­teur de faire de sa plage un théâtre où ses pro­ta­go­nistes se mettent en scène, où se jouent leurs pas­sions et où les regards – ceux du nar­ra­teur, mais ceux aus­si de poten­tiels obser­va­teurs cachés entre les replis des dunes – sont essentiels.

Ayant avant tout cher­ché des textes pour l’é­di­tion 2020 des Lec­tures esti­vales, je n’ai pas pu lire l’en­tiè­re­té du recueil. Si je ne peux donc pas me pro­non­cer sur la fac­ture de l’en­semble, je peux quand même affir­mer que l’i­dée à la base me paraît plus que solide et très effi­cace, sur­tout dans le domaine éro­tique où le lec­teur est ain­si comme bran­ché sur les pro­ta­go­nistes qu’il côtoie pen­dant que ceux-ci découvrent, en même temps que lui, leurs per­son­na­li­tés et leur pas­sé au fur et à mesure des récits échan­gés et des dési­rs évoqués.

Du point de vue du lec­teur, le fait de pro­po­ser le recueil en plu­sieurs épi­sodes ven­dus sépa­ré­ment peut paraître désa­van­ta­geux d’un point de vue finan­cier. Ce n’est pas faux, mais le pro­blème se rela­ti­vise dans la mesure où les textes font par­tie du pro­gramme Kindle Unli­mi­ted, les lec­teurs pou­vant donc emprun­ter les titres grâce à une sorte d’a­bon­ne­ment au riche fond des auteurs auto-édi­tés. À vous de voir si une telle for­mule vous convient.

Jean Darmen, Minette à la plage (t. 6 de Rencontres)

Jean Dar­men
Les ren­contres
H comme Helen (t. 3) &
Minette à la plage (t. 6)
Auto-édi­tion
ASIN : B07T1XBGP5
ASIN : B07SXCSDPL

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Texte expli­ca­tif sur Ama­zon.
2 Jean Dar­men, Minette à la plage, empla­ce­ment 93
3 Minette à la plage, empla­ce­ment 285.
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95