Avant de commencer la lecture de cet article, soyez avertis : Celui-ci ne prétend aucunement à une interrogation philosophique de ce qu’est la vérité, où à une analyse politique des courants populistes et d’extrême-droite qui pourrissent la vie des sociétés depuis un certain temps. Il s’agit juste d’une prise de position du Sanglier, d’un passage en revue de ses expériences avec internet, outil qu’il manie depuis le début des années 90. Et vous voilà mis en garde.
Internet – outil de débat et amplificateur de mensonges
Internet a permis à ses utilisateurs, dès ses débuts plutôt modestes, d’entretenir des conversations autour du globe. Avec l’avènement des messengers comme ICQ, MSN et al. ces conversations sont devenues pratiquement instantanées, un développement qui a permis à n’importe qui de faire l’expérience de ce que peut être la mondialisation, et les décalages horaires sont devenus le plus grand obstacle pour une discussion avec une personne aux États-Unis, ou dans n’importe quel coin auparavant perdu de la planète.
Ensuite est arrivée la Toile 2.0 avec son lot de réseaux numériques dits sociaux tels que MySpace, Facebook, Google+ & Cie. Ces réseaux ont permis au grand nombre d’ajouter un public à leurs échanges, prises de position ou coups de gueule, donnant à des tiers la possibilité d’entrer dans les discussions, de s’exprimer, voire de partager.
Sur un registre personnel, tout cela m’a permis, entre autres,
- d’entretenir une correspondance avec une personne à Adélaïde, en Australie
- de découvrir, avant même leur parution, les poèmes de Hera Lindsay Bird, une poétesse néo-zélandaise
- d’entrer en relation avec Amber Jahn, une artiste de San Diego, et de parler ici-même de ses œuvres
- de papoter quotidiennement avec mes amis en Belgique, en France, et un peu partout en Europe et dans le monde
Et puis, last but not least, la Bauge littéraire elle-même – en tant que tribune littéraire tenue par un Allemand et destinée à un public francophone – a été rendue possible grâce à internet et ses moyens de communication planétaire.
Tout ceci n’est pas nouveau, à la limite du banal même, et je ne sais même pas si une personne née depuis le milieu des années quatre-vingt-dix du siècle précédent peut seulement imaginer la rupture apportée par la montée de la Toile. Quoi qu’il en soit, le positif n’est qu’un côté de la chose, et comme tout outil, le réseau des réseaux peut servir des desseins tout à fait contraires aux espoirs d’un échange libre et pacifique qu’il a portés pendant longtemps. Initialement salué par certains comme un moyen de démocratisation profonde, moyen qui rendrait les gens capables de former leurs opinions sans passer par les filtres des États ou des médias, internet a été aperçu comme le moteur d’un empowerment (autonomisation) sans pareil. Hélas, chaque jour qui passe apporte la preuve de ce que le réseau semble être devenu un outil de la régression et internet ressemble aujourd’hui à un espace où les mensonges les plus éhontés trouvent de telles répercussions qu’ils en tirent comme une légitimation, devenant des contre-vérités qui exprimeraient ce que les médias classiques passeraient sous silence. Évidemment, des cas existent où les médias en question n’ont pas été à la hauteur de ce que l’on a le droit d’attendre d’eux, et où la vérité (quoi que ce soit au juste) a été dévoilée (ou rétablie) par des activistes ou des témoins sur les lieux, et des médias tels que Twitter permettent une couverture « médiatique » auparavant impossible (avec toutes les multiples « subjectivités » que cela charrie). Malheureusement, des campagnes de désinformation (pour être clair : des campagnes appuyées sur des mensonges) à très grande échelle comme celle menée par les partis et les personnalités favorables au Brexit ou celle de Donald Trump aux Présidentielles des États-Unis ont apporté la preuve qu’internet, c’est aussi et surtout le réseau de tous les mensonges, jusqu’à réaliser la prophétie de Howard Wolowitz qui a affirmé, dans un épisode distribué le 27 avril 2009 (!), que la vérité n’avait pas sa place sur internet :
« there’s no place for truth on the internet. » [1]Howard J. Wolowitz in : The Vegas Renormalization, saison 2, épisode 21 de la Big Bang Theory
Les dictateurs ont toujours su se servir des nouveaux médias, le cas d’Hitler et de son Volksempfänger (récepteur du peuple aka poste de radio) qui lui permettait d’arriver au plus près des gens, au cœur même de leurs foyers, n’étant que l’exemple le plus spectaculaire de cet abus d’une technologie à peine inventée. Aujourd’hui, les mensonges se propagent et se relaient avec une vitesse incroyable, et un nombre énorme de personnes finit par croire ce que, de toute façon, ils veulent croire, peu importe la véracité de ce qui est affirmé. Et la stratégie semble payante, les ennemis de la liberté se faisant passer pour les amis du petit peuple (un autre trait qui les rapproche du dictateur allemand, cf. le livre révélateur de Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands : Le IIIe Reich. une dictature au service du peuple), les véritables démocrates qui rendraient la parole aux opprimés de la finance (tiens, encore un souvenir du Grand Con), et les autocrates qui écrasent la liberté de leurs peuples sous leurs talons d’airain, comme Poutine en Russie et Erdogan en Turquie, se font saluer par certains comme une alternative souhaitable à ce qu’ils perçoivent comme les papotages incessants des parlementaires (tous des corrompus, de toute façon) et les agissements des agents de la finance mondiale.
Je me relis, et je me demande comment on a pu en arriver là, à un point où les acquis des sociétés libres d’après-guerre sont non seulement remis en question, mais ouvertement piétinés par certains. La paix qui dure depuis maintenant plus de soixante-dix ans est sans doute une des plus importantes réalisations de la politique de réconciliation menée par les grands Européens que furent Jean Monet, Robert Schuman, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, inaugurant une coopération que peu ont cru possible après le bain de sang et la série interminable de guerres, principalement entre la France et l’Allemagne. L’essor économique des décennies après-guerre doit tout à cette coopération, institutionnalisée à travers les communautés européennes avec comme premier point culminant le traité de Rome de 1957.
2017 – année du combat
Cet héritage est bien trop précieux pour l’abandonner, et la coexistence en paix des peuples européens, la quasi-abolition des frontières, les libertés fondamentales valables dans chaque pays adhérents, ce sont là des atouts qui méritent d’être défendus. Tandis que le retour à l’Europe d’avant, celle de Bismarck régie par les « nations » avec leurs éternels conflits d’intérêt et les jeux des alliances, mettrait le continent sur une route menant tout droit à la guerre.
[clickToTweet tweet=« 2017, l’année du combat contre l’europhobie et le populisme national-fascisant. » quote=« 2017, l’année du combat contre l’europhobie et le populisme national-fascisant. »]
Je déclare donc 2017, avec ses élections en France, aux Pays-Bas et en Allemagne, l’année du combat contre l’europhobie, contre le populisme national-fascisant et le dénigrement de nos valeurs républicaines. Et c’est précisément le réseau tant abusé qui pourra être mis au service de ce combat en aidant à créer un public pan-européen, où l’information ne s’arrête plus aux frontières « nationales ». Faisons donc tomber Marine Le Pen, Geert Wilders, Nigel Farage et tous les autres ennemis de la liberté dans le néant qui les a recrachés à la figure des peuples :
« Go back to the abyss prepared for you ! Go back ! Fall into the nothingness that awaits you and your Master. Go ! » [2]« Retournez à l’abîme préparé pour vous ! Retournez ! Tombez dans le néant qui vous attend, vous et votre Maître. Allez ! » Gandalf s’adressant au seigneur des Nazgûl dans J.R.R. Tolkien, The … Continue reading
Je sais, je suis un nerd tout à fait incorrigible, mais que voulez-vous, c’est le fruit de mes lectures depuis l’âge de mes dix-huit ans :-) . L’important étant de faire passer le message et de montrer à tous sous quelle bannière se range le Sanglier (qui, pour une fois, n’est pas celle de Gowron).
Références
↑1 | Howard J. Wolowitz in : The Vegas Renormalization, saison 2, épisode 21 de la Big Bang Theory |
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↑2 | « Retournez à l’abîme préparé pour vous ! Retournez ! Tombez dans le néant qui vous attend, vous et votre Maître. Allez ! » Gandalf s’adressant au seigneur des Nazgûl dans J.R.R. Tolkien, The Return of the King |