Face au tsunami bien prévisible de la rentrée littéraire, les Éditions Blanche ne se sont pas sagement retirées dans les terres pour y attendre que les eaux se dispersent. Bien au contraire, elles ont décidé de lancer leur vaisseau, toutes voiles dehors, et orné par la plus belle figure de proue qui se puisse imaginer, à savoir celle de la grande dame de la littérature érotique, Françoise Rey.
Le volume rassemble, sous le titre Aventures Délirantes, six nouvelles, qui font rimer le délire du titre sur le désir qu’on a le droit de trouver sous la plume de Mme Rey. Et dans plusieurs d’entre elles, la création artistique – dans un sens assez large – tient le haut du pavé, comme dans celle qui ouvre le recueil, Pinceau, dans laquelle est repris le mythe très ancien et toujours d’actualité de Pygmalion et de sa Galatée, à savoir l’œuvre d’art dont son créateur tombe éperdument amoureux. Sujet riche en connotations, et dont Françoise Rey tire un très grand profit en développant, dans un style très sobre et presque classique, les conséquences érotiques, présentes depuis les origines du mythe. Et en soulignant aussi que c’est surtout de lui-même que l’artiste tombe amoureux, de ses propres capacités créatives, plutôt que de sa création dont la beauté fournit tout au plus un prétexte.
Une autre nouvelle, Un K morbide, reprend le sujet très actuel du droit d’auteur, de la copie, et de l’utilisation du travail d’un tiers, le tout placé dans un contexte d’enquête policière, et sur un ton plutôt frivole, bien adapté au monde des Dames du Bois.
On hésite par contre de classer de nouvelles les deux textes qui clôturent le recueil. Tous les deux, dédiés à d’éminentes artistes, Camille Claudel et Norma Jeane Baker aka Marylin Monroe, sont plutôt des essais sur le côté destructeur de la création qui, très souvent, laisse des épaves dans son sillon, comme ces deux femmes dont l’une est morte à l’asile tandis que l’autre s’est suicidée. Des textes dont je recommande pourtant très fortement la lecture, rien que pour la richesse des réflexions de l’auteur face aux sculptures de Camille et aux affiches des films de Norma.
Parmi les deux autres, qui n’ont pas de connotations artistiques, Conditionnements en cascade m’a tout particulièrement frappé par son sujet assez inhabituel, au moins décliné au féminin, où une femme est confrontée à la peur angoissante du changement de sa sexualité, de la perte du sexe même, suite à une observation qu’elle n’arrive plus à chasser de sa tête. Du jour au lendemain, ses habitudes sexuelles changent radicalement, et elle se retrouve une autre, jusqu’à finir internée, aliénée à elle-même.
Des récits troublants, tant par leur érotisme raffiné et envahissant que par la finesse des observations, et par la proximité qu’elles illustrent entre désir et délire.
Voici la liste des titres que vous trouverez dans le recueil :
- Pinceau
- Conditionnements en cascade
- Sexsomnie
- Un K morbide
- La Valse triste
- La Désaxée
Françoise Rey
Aventures Délirantes
paru le 13 septembre 2012 aux Éditions Blanches
ISBN : 978–2846283090