Pour célébrer l’ouverture de la porte vers l’au-delà et l’arrivée très prochaine des morts prêts à s’engouffrer dans des contrées qu’ils ont dû quitter, jadis pour les uns, naguère pour les autres, le Sanglier littéraire se permet un petit écart vers une littérature où, s’il y est bien souvent question de chair et de liquides corporels, Vénus s’est pourtant faite remplacer par sa noire sœur Proserpine qui y manie un sceptre d’airain – à moins que ce soit plutôt de plomb. Et quelle meilleure lecture à quelques jours de la Fête des Morts que ce petit texte venu tout droit du Mexique avec ses traditions macabres, pays où la mort semble réellement côtoyer les vivants, que cette histoire d’une vengeance servie non pas froide mais en quatre chapitres, La Niña Blanca de Christophe Semont. Texte proposé, pour mettre les points sur les i, par une maison installée elle-même au cœur du pays où le récit emmène ses lecteurs, House Made of Dawn.
Le texte, divisé donc en quatre chapitres dont chacun est consacré à la mort d’un homme, d’un homme en rapport plus ou moins étroit avec un des cartels qui infestent le Mexique, s’ouvre sur une scène d’exécution au cours de laquelle une des victimes confie sa vengeance à la Santa Muerte, superstition populaire du Mexique, et voici planté, dès les premières lignes du récit, le décor lugubre où se déroulera désormais une intrigue de plus en plus violente. Car cette drôle de Sainte semble avoir exaucé les vœux funestes qui lui furent adressés, et son envoyée ne tardera pas à enchaîner les assassinats. Le secret de cette Fille blanche n’est révélé qu’à la dernière page, donnant au lecteur l’occasion de savourer le dépaysement dans une région qui semble mieux exister dans ses légendes plutôt que sur les cartes, où la violence est primordiale, tellurique, et où la Mort est vénérée sur les cimetières où les gens apportent, aujourd’hui encore, à manger à leurs morts, perpétuant des traditions millénaires ayant résisté – et bien résisté – au Christianisme conquérant des conquistadores.
Le texte est court, très court même, et c’est là sans doute le reproche le mieux fondé qu’on puisse lui adresser. Parce qu’on aimerait goûter plus longtemps à la puissance presque magique que Christophe Semont sait faire émaner de ses paroles, puissance à laquelle on cède avec une facilité qui est d’autant plus étonnante que le noir est profond par delà le seuil qu’elle nous aide à franchir.
Christophe Semont
La Niña Blanca
House Made of Dawn éditions
ISBN 979−10−92791−19−8