Le Sanglier, c’est bien connu, est tombé depuis bien longtemps sous le charme de la beauté féminine. Ce qui explique sans doute, dans une certaine mesure au moins, ma préférence pour les genres érotique et pornographique. Rajoutez à cela le fait que votre serviteur raffole de l’art, et vous saurez pourquoi je suis un aficionado des sites qui en font leur raison d’être, comme celui dont je vous rebats sans cesse les oreilles, DeviantArt.
J’aime regarder, explorer, me gaver, des richesses que les artistes y exposent – certains poussant le vice jusqu’à rendre disponibles des fichiers en pleine résolution – et parfois l’envie me prend d’aller plus loin, de m’engager dans la durée et de leur acheter quelque chose, afin de soutenir les créateurs et pour faire briller un peu de clarté au fond de la forêt teutonique où j’ai élu domicile.
Mes activités littéraires en tant que propriétaire de la Bauge littéraire n’étant pas (encore ?) suffisantes pour me faire des couilles en or (comme dirait l’ami Zarca), il va de soi que des toiles comme on peut en trouver dans les galeries sont hors de portée. Coup de bol, je préfère les « petits formats », les dessins en A5 ou A4, exécutés au crayon, au feutre, au stylo, voire au copic, et si ces dessins sont nettement plus abordables, ils ne sont pas moins ravissants pour autant. Et il y a des artistes qui savent y aller avec une telle obsession du détail que le charme qui s’en dégage est tout simplement irrésistible. Il faut certes chercher un peu, et si on a parfois l’impression de fouiller à pleines mains dans une botte de foin, ces recherches sont une excellente occasion pour exercer l’œil et raffiner le goût.
Cette fois-ci, je vous présente un dessin signé Amber o’Brien : Nude sexy Woman. Un titre qui, n’ayant rien de poétique, a le mérite d’être clair et d’attirer l’attention sur l’essentiel. Le regard, aussitôt magnétisé par la femme nue qui se dresse au milieu du dessin, se promène le long de ses courbes, celles de son corps, celles de sa poitrine plantureuse, celles de sa crinière qui semble se jeter dans les vagues comme une chute d’eau. L’air rêveuse, la beauté marine a les yeux fermés, la main gauche enfouie dans sa crinière abondante, tandis que la droite repose sur son épaule dans un souci d’équilibre. Derrière ses jambes il y a un morceau de terre, une sorte d’îlot ou de récif minuscule caressé par les vagues, lopin de terre marin sur lequel sont posées, à gauche et à droite de la protagoniste, deux étoiles de mer. Derrière elle et jusqu’à l’horizon s’étendent les vagues, délimitées par un ciel noir sur lequel se dégage, à droite du corps qui semble faire écho aux ondulations des flots, la sphère de la lune, à moitié engloutie par les flots, mais toujours assez fort pour verser sur les vagues une traînée de lumière qui semble se transformer en écume. De l’autre côté de la tête, du côté vers lequel coulent les cheveux dans un mouvement liquide qui n’est pas sans rappeler une cascade, se dressent des structures géométriques – pointues, pyramidales – qu’il est difficile d’identifier avec certitude. S’agit-il de montagnes stylisées ? D’habitations ? À moins que la première impression ne soit la bonne et que ce seraient effectivement – des pyramides ? Au premier coup d’œil, ces structures avec leurs pointes et leurs angles coupants qui font penser à des becs ou à des ciseaux, peuvent sembler déplacées dans ce paysage marin tout en courbes et en ondulations, mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu’elles ne sont qu’un lointain écho du triangle placé au centre de la composition, celui qui dessine le sexe stylisé à l’extrême et auquel répondent les bras des étoiles de mer, les pointes des vagues et jusqu’aux angles pointus de ces étranges constructions.

À force de contempler la composition, on peut d’ailleurs se demander si le corps, malgré les couleurs qui le composent et qui se reflètent dans celles des vagues, de la terre et de la faune marine, fait réellement partie de la scène, ou s’il n’y est pas plutôt posé – un peu comme une barre qui couperait en deux le paysage marin. Sortant du cadre par le haut et le bas, placée de façon légèrement oblique, la femme ne se tient nulle part, sans attaches avec la terre, étrange visiteuse de passage dans le paysage nocturne, rêve passager sorti de l’écume et baigné par les rayons de lune, mélange d’Aphrodite et d’Arthémis, instant figé pour rendre honneur au passage du divin ?

Mais à côté des considérations métaphysiques, l’artiste ne dédaigne pas non plus l’anecdote, et elle se permet, avec un clin d’œil aux créatures féeriques des dessins animés, un petit sourire tout ce qu’il y a de plus charmant. J’ai déjà évoqué les étoiles de mer dont les angles répondent à celles du sexe de la protagoniste. Espèce de pentagramme vivant, symbole de la féminité, on peut aussi leur donner une autre signification qui, elle non plus, ne s’imagine sans rapport avec la féminité, les étoiles de mer servant parfois de cache-sexe aux créatures marines telles que les naïades. Dans le cas de la Sexy woman, est-ce qu’on aurait sous les yeux une sorte de sirène libérée de sa condition première ? Qui, issue de l’océan, ne serait pas réduite à se dresser sur une queue de poisson ? Et qui montre son sexe, fière du pouvoir de celui-ci, tandis que les restes de sa pudicité reposent à ses pieds…
Quoi qu’il en soit de tout ce que l’on puisse être tenté d’imaginer en contemplant ce petit dessin, il faut concéder que l’artiste a cerné des échantillons d’un univers entier, conjuré sur l’espace restreint d’une feuille de papier, avec juste quelques couleurs d’une palette très restreinte comme soutien. Et rien que sa façon de traiter la lumière envoyée par la lune, traînée lumineuse sur l’immensité des vagues, mérite qu’on s’y attarde pendant des heures. Je vous le disais, l’amour, voire l’obsession, du détail – c’est à partir de cela que se construisent les mondes.