Méla­nie G., Je suis une ogresse du sexe

Cette fois-ci, chères lec­trices, chers lec­teurs, je ne vais pas me pri­ver de vous annon­cer la cou­leur dès le départ… Le texte que je vous pré­sente aujourd’­hui est assu­ré­ment un des meilleurs, des plus ban­dants et des plus indé­cents qu’il m’ait été don­né de lire. Une affir­ma­tion qu’il faut sans doute mesu­rer à l’aune de ma consom­ma­tion de textes éro­ti­co-por­no­gra­phiques qui est, comme vous le consta­te­rez aisé­ment en par­cou­rant la Bauge, assez phé­no­mé­nal. Tout comme la pro­ta­go­niste du texte, je pour­rais affir­mer que je suis un ogre quand il s’a­git de textes por­no, même si la consom­ma­tion de chair humaine y est au second degré, par textes inter­po­sés, à la dif­fé­rence de cette Méla­nie qui se gave de chair chaque fois que l’oc­ca­sion se pré­sente. Et ces occa­sions-là, elle n’est pas femme à tran­quille­ment les attendre, pré­fé­rant lar­ge­ment les pro­vo­quer afin de rajou­ter le plai­sir de la consom­ma­trice à celui de la pré­da­trice et de l’initiatrice.

Et voi­ci nom­mée l’i­dée autour de laquelle le texte est construit : l’i­ni­tia­tion. Et qui dit ini­tia­tion évoque, dans la plu­part des cas, une sorte de dés­équi­libre entre celle ou celui qui dis­tri­bue son « savoir-faire » et celle ou celui qui le reçoit. Et quand je dis « savoir-faire », il est clair que tout tourne ici autour des gali­pettes et des actes et gestes de l’a­mour phy­sique. Pour être tout à fait clair : de la baise. L’his­toire de Méla­nie est donc celle d’une ini­tia­trice, d’une femme d’un cer­tain âge – pas loin de la qua­ran­taine – qui guette les ado­les­cents, qui repère les endroits où ils se trouvent et qui, telle une ondine, les attire dans ses filets. Une image par­ti­cu­liè­re­ment adap­tée aux dix pre­miers cha­pitres (deux tiers du roman à peu près) qui se passent dans une ambiance esti­vale et marine – sur la plage, dans l’eau, dans une vil­la à deux pas de la plage d’où on peut admi­rer les esti­vants qui se pro­mènent en cos­tume d’Ève et d’Adam :

Des vacan­ciers nus cir­cu­laient dans les allées sableuses entre les vil­las. Je tra­ver­sais la route et met­tais le pied sur la plage, sem­blable à un immense amphi­théâtre. C’était comme si j’avais une pièce à jouer ; je connais­sais mon rôle par cœur.

Cette cita­tion tirée du dixième cha­pitre – à quelques jours de la fin des vacances – montre une pro­ta­go­niste déjà bien rodée dans les arts de la séduc­tion, experte quand il s’a­git de tendre le piège, de pré­sen­ter ses charmes les plus intimes de la façon la plus pro­met­teuse pour atti­rer le gibier à trois pattes, les jeunes tou­jours prompts à ban­der qu’il suf­fit de ramas­ser pour ensuite se gaver de ce qu’ils ont à offrir. À savoir des jeunes bites qui durent et qui durent et qui durent, peu importe le rythme des jutages qu’on leur impose, un réser­voir inépui­sable de sperme qu’ils répandent un peu par­tout avec l’in­sou­ciance de la sexua­li­té qui se réveille – sur les peaux, les visages, dans les che­veux, sur les seins et bien sûr entre les cuisses, dans ces pro­fon­deurs magiques que ces mêmes ados viennent à peine de quit­ter et qu’ils retrouvent main­te­nant du haut de leur vigueur de jeunes mâles.

À lire :
Lectures estivales 2016 - appel à textes

Mais reve­nons vers le début afin de conve­na­ble­ment pré­sen­ter notre pro­ta­go­niste et de don­ner aux lec­trices et aux lec­teurs une idée de la dis­tance par­cou­rue par celle qui a cru s’é­pa­nouir en offrant un plai­sir presque inno­cent aux PDG et celle que nous croi­sons, quelques cha­pitres plus loin, en train de guet­ter ses proies à la sor­tie des lycées et dans les bars han­tés par les ados. Entre les deux incar­na­tions de cette Méla­nie G. qu’on hésite à pré­sen­ter comme la même femme, la dif­fé­rence la plus visible est la perte d’une pilo­si­té tout à fait extra­or­di­naire : « buis­son hir­sute [qui] s’étalait du nom­bril à l’entrecuisse », com­po­sée de « poils four­nis et très noirs », sa

toi­son remon­tait le long de la raie de [s]es fesses, d’où elle débor­dait en bou­clettes ser­rées.1

Mais, une fois en contact avec les regards des bandes d’a­dos rameu­tées par le spec­tacle des femmes dénu­dées, un chan­ge­ment s’im­pose. Comme si la jeu­nesse était conta­gieuse et vou­lait se com­mu­ni­quer à tout ce qui entre en contact avec elle :

Sans tar­der, je me suis fait épi­ler à la cire. Ça m’allait bien ; ma vulve avait retrou­vé une nou­velle jeu­nesse.2

Une fois donc la jeu­nesse retrou­vée3 – celle au moins de ses par­ties – le contact avec les jeunes se fait plus aisé­ment, ne se réserve plus aux seuls regards. Après avoir invi­té ceux-ci à se pro­me­ner entre les cuisses indé­cem­ment écar­tées, on se croise dans l’eau, on nage ensemble, les peaux s’offrent, s’at­tirent, se touchent, les lèvres se collent les unes aux autres, et les bites ne tardent pas à se dres­ser, ni les moules à se mouiller.

Ces cha­pitres qui se passent à la plage sont d’une sen­sua­li­té aus­si vio­lente que déli­cieuse et ce sont pré­ci­sé­ment celles-ci qui m’ont pous­sé à cla­mer mon enthou­siasme pour un texte qui à lui seul résume l’i­dée même de l’é­té et des vacances sous le soleil et sur la plage. Je vous invite, chère lec­trice, cher lec­teur, à par­tir à la décou­verte de cette mer­veille, ce conden­sé du sexe à la plage4, peu importe que vous en pro­fi­tiez pour vous mettre dans l’am­biance, pour ravi­ver les sou­ve­nirs ou pour chauf­fer à blanc vos fan­tasmes déjà irri­tés par les corps si peu cou­verts voire dénu­dés qui à lon­gueur de jour­née s’offrent à vos regards avides. Le tout est de savoir profiter !

Après, c’est le retour à Paris, et c’est là qu’on assiste à la nais­sance de la pré­da­trice. Ayant bien­tôt trou­vé une par­te­naire de vice qui l’aide à se dés­in­hi­ber, à trou­ver les bons gestes, à repé­rer les endroits pro­pices aux ren­contres, Méla­nie hante les nuits et les jours de la capi­tale, en per­ma­nence à l’af­fût, han­tée par la peur de se faire rat­tra­per par les années :

Sur­tout, le temps passe si vite pour nous, belles femmes de qua­rante ans !

Et voi­ci qu’on retrouve, à la fin du texte, dans l’é­pi­logue, cette idée fixe : Il faut pro­fi­ter ! Peu importe le prix, peu importent les cir­cons­tances. Parce qu’au bout de la route, c’est l’âge, la déchéance, la mort. Et si on doit bien pas­ser par là, il vau­dra mieux le faire sans regrets. Et c’est pour cela que l’o­gresse se gave de la chair des ados afin de retar­der encore un peu la confron­ta­tion fatale. Jus­qu’à tom­ber dans le vice :

Cet été, nous irons sans doute toutes les deux au Maroc, où foi­sonnent, dit-on, les ado­les­cents peu farouches, avec qui une Occi­den­tale peut se per­mettre de prendre les plus extrêmes liber­tés.5

C’est ce pas­sage qui m’a fait pen­ser à une des mer­veilleuses BD d’Axel consa­crée au tou­risme sexuel, Le prix de l’amour, et à sa pro­ta­go­niste, Valé­rie, quin­qua­gé­naire qui passe ses vacances sur les Îles afin d’y pro­fi­ter des corps jeunes et mus­clés des blacks qu’elle ramasse à la plage comme d’autres des moules. Le texte de Méla­nie G. a été publié il y a à peu près un quart de siècle, et on se demande par­fois s’il aurait pu être écrit aujourd’­hui. Parce qu’à la dif­fé­rence de la pro­ta­go­niste d’Axel, le seul regret ima­gi­nable de Méla­nie pour­rait être celui de ne pas pro­fi­ter assez. Et c’est pré­ci­sé­ment ce qui consti­tue le charme prin­ci­pal de ce texte auquel il est si dif­fi­cile de se sous­traire : La force vitale de la pro­ta­go­niste et de ses proies, une force qui se tra­duit par une libi­do que rien ne sau­rait empê­cher de se frayer son che­min. Une libi­do joyeuse loin de se remettre en ques­tion, parce qu’un tel acte se sol­de­rait par la mort et une vieillesse amère.

À lire :
Rebecca, Hot Moms #4

Je tiens à saluer ici le cou­rage des édi­teurs de chez Média 1000 qui donnent une nou­velle vie à un texte que cer­tains pré­sen­te­ront comme une hor­reur et une atteinte à la morale qu’il fau­drait sup­pri­mer du pay­sage. J’es­père que leur cou­rage se solde par de belles chiffres d’af­faire et d’in­ces­sants arri­vages d’au­trices et d’au­teurs sou­la­gés de trou­ver quel­qu’un qui leur per­mette de libre­ment expri­mer les pul­sions qui font tout sim­ple­ment par­tie de la condi­tion humaine.

Mais, loin de suc­com­ber à la moro­si­té des mora­li­sa­teurs à deux balles, je vous sou­haite sur­tout de pas­ser des vacances sen­suelles sous le soleil ! Ce soleil invo­qué par une Méla­nie en plein délire :

Le soleil était mon meilleur allié : il dénu­dait les corps, les chauf­fait, les fai­sait cou­ler.6

Méla­nie G.
Je suis une ogresse du sexe
Média 1000
ISBN : 978−2−74481−503−4

  1. Celle et les cita­tions pré­cé­dentes sont tirées du 1er cha­pitre, Une grande brune bien en chair. ↩︎
  2. Méla­nie G., Je suis une ogresse du sexe, cha­pitre II, Sur la plage de Pam­pe­lonne. ↩︎
  3. Je tiens à rap­pe­ler ici la per­sis­tance du motif faus­tien. Sou­ve­nez-vous un peu du doc­teur qui, une fois retrou­vée sa jeu­nesse, a fini par cor­rompre la jeune Mar­gue­rite. ↩︎
  4. Je pense sur­tout au cha­pitre VII, Inter­mède au large ↩︎
  5. Épi­logue ↩︎
  6. Cha­pitre 10, Un appé­tit d’ogresse ↩︎
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95