Wolf Fer­ri, Dépu­ce­lage en Vacances !

Il me semble qu’il y a une chose qu’on peut affir­mer avec cer­ti­tude, mal­gré les crises mul­tiples et un ave­nir qui ne semble plus très ras­su­rant, c’est que l’é­di­tion 2020 des vacances d’é­té aura un goût assez par­ti­cu­lier. Certes, beau­coup choi­si­ront de ne pas par­tir du tout, les uns de peur de tom­ber malade, les autres dégoû­tés par des condi­tions tout sauf nor­males dans une ambiance où le voya­geur en herbe peut avoir la nette impres­sion que ses hôtes, tout en accep­tant qu’il leur vire son fric, auraient pré­fé­ré le voir res­ter chez lui. Cela nous don­ne­ra, dans les mois et les années à venir, du fil à retordre, et je ne suis pas très ras­su­ré à pro­pos des effets que cela aura sur la convi­via­li­té, l’hos­pi­ta­li­té et le carac­tère ouvert de nos socié­tés, indis­pen­sable, selon moi, pour vivre comme des humains. Mais bon, en atten­dant, il y a tou­jours les Lec­tures esti­vales, un évé­ne­ment tout en vir­tua­li­té dont vous pour­rez pro­fi­ter dans votre coin, bien confor­ta­ble­ment ins­tal­lé au fond de votre fau­teuil, à la façon de ce brave des Esseintes, pré­cur­seur du confi­ne­ment – encore que, pour lui, c’é­tait un choix, et non une obli­ga­tion impo­sée par un gou­ver­ne­ment pris en otage par une popu­la­tion en train de pani­quer devant ses écrans de télé.

Lec­tures esti­vales, c’est un mot qui, pour moi, évoque le goût du sel sur la peau des femmes, le par­fum de la crème solaire, les vagues qui cla­potent et le sable qui brûle sous les pieds. Mais c’est aus­si l’a­près-midi sous le soleil pas­sé à mater les corps plus qu’à moi­tié dénu­dés, ce sont les soi­rées en boîte avec leurs expé­di­tions de drague, les hec­to­litres d’al­cool ingur­gi­tés comme s’il n’y avait pas de len­de­main, ce sont les ren­contres éphé­mères, les nuits pas­sées dans la sueur à s’a­breu­ver de liquides que seul le désir sait faire cou­ler à flots. Et ce sont bien évi­dem­ment les pre­mières fois. Com­bien d’a­dos qui partent avec comme seul espoir de pou­voir enfin se débar­ras­ser ce cette qua­li­té de puceau ? De croi­ser celle ou celui qui vou­drait bien leur tendre la main pour leur faire fran­chir une autre étape – la plus impor­tante peut-être – dans le voyage vers l’âge adulte (et tous les incon­vé­nients qui viennent avec, mais chut ! pas besoin de leur gâcher le plaisir ;-) ) ?

Et voi­ci venu l’ins­tant où j’ar­rête de râler ou de me vau­trer dans la nos­tal­gie pour enfin abor­der le texte que je tiens à vous pré­sen­ter aujourd’­hui, un texte qui porte la notion même de pre­mière fois ins­crite dans son ADN lit­té­raire : Dépu­ce­lage en vacances. Un texte signé Wolf Fer­ri, un auteur avec à son actif une bonne qua­ran­taine de titres[1]Ce nombre est approxi­ma­tif. Il y a une telle quan­ti­té réper­to­riés sous son nom d’au­teur que j’ai arrê­té de comp­ter. J’ai choi­si de par­ler d’une qua­ran­taine afin d’ar­ra­cher ce mots des griffes … Conti­nue rea­ding, dis­po­nibles dans la biblio­thèque numé­rique de chez Kobo. Je me demande un peu com­ment j’ai pu faire pour pas­ser à côté d’un auteur aus­si pro­lixe, d’au­tant plus qu’il y a dans le tas plu­sieurs titres à conno­ta­tion « esti­vale » comme Croi­sière Échan­giste, Dépu­ce­lage au bord de la pis­cine ! ou encore Après-midi liber­tine à la plage. Vous aurez com­pris que ces titres entre­ront dans le menu de mes nour­ri­tures esti­vales, non ?

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Nicolas Kapler, À l'abri des vieilles pierres

Quoi qu’il en soit, aujourd’­hui, c’est donc Dépu­ce­lage en vacances. Mais, au lieu de se conten­ter de vous mettre en scène un bête dépu­ce­lage comme tous les autres, l’au­teur s’a­muse à titiller le désir de ses pro­ta­go­nistes en les expo­sant aux fan­tasmes les plus ten­ta­teurs. La tante liber­tine, incar­na­tion par­faite de la MILF sans être mère, la cou­sine qui frôle de si déli­cieu­se­ment près l’in­ter­dit du sexe en famille, le ton­ton doté du pres­tige de ses expé­riences et qui, pas content d’en­voyer ses com­pagnes en l’air, s’a­muse à leur faire per­cer le mur du son, un beau défi­lé qui ne tar­de­ra pas à chauf­fer à blanc les corps et les méninges, noyés sous une marée d’hor­mones. Et le tout dans une ambiance des plus esti­vales, au bord d’une pis­cine en plein Midi, à deux pas de la mer. Qui, mal­heu­reu­se­ment, doit se conten­ter de quelques petites évo­ca­tions par-ci, par-là, en rap­port avec le bron­zage topless culti­vé par la belle tata[2]J’ai com­pris, après avoir pas­sé en revue ses titres, que la plage est le décor d’un autre dépu­ce­lage, je ne vais donc pas me plaindre plus que ça….

L’in­trigue, comme la plu­part du temps dans ce cas de figure, n’a rien d’ex­tra­or­di­naire. Après tout, qui se sou­cie de savoir com­ment les deux inté­res­sés en sont arri­vés là pour­vu qu’on nous montre dans le détail ce qu’ils s’ap­prêtent à faire ? Dans le cas d’A­man­dine[3]Qui, le temps d’un seul para­graphe, s’ap­pelle Angé­lique, l’au­teur ayant sans doute eu l’i­dée de faire chan­ger son per­son­nage de nom en cours de route. et de Gabriel, c’est pra­ti­que­ment un cas de figure clas­sique : deux jeunes per­sonnes, la majo­ri­té à peine atteinte, le bac en poche et prêts à pas­ser à une nou­velle étape de leurs vies res­pec­tives. Avec entre l’an­cien et le nou­veau monde la mythique paren­thèse des vacances, l’es­pace de tous les pos­sibles et de tous les fan­tasmes, pro­pices aux ren­contres. Dans le cas d’A­man­dine et de Gabriel, cet espace leur est four­ni par l’oncle Adam et tante Rose, tous les deux des liber­tins invé­té­rés que l’i­dée de séduire la pro­gé­ni­ture de la famille fait tiquer. Et, afin de mettre tout le monde dans l’am­biance, le pro­ta­go­niste et le lec­teur en même temps, l’au­teur a trou­vé le geste qu’il faut, un geste si savam­ment exé­cu­té par tante Rose :

Après s’être rele­vée, elle [i.e. tante Rose] fit remon­ter ses mains sous sa robe, et sans s’embarrasser de manière, elle fit glis­ser son string jus­qu’à ses che­villes. Un petit string blanc qu’elle reti­ra puis qu’elle dépo­sa à son tour dans le tam­bour… [4]Wolf Fer­ri, Deṕu­ce­lage en vacances, empla­ce­ment 123

Le ton est donc don­né pra­ti­que­ment dès la pre­mière page, et il ne peut y avoir de doute quant à la direc­tion que ne man­que­ront pas de prendre les choses. Encore que l’au­teur n’a pas dédai­gné de se don­ner la peine d’in­ven­ter quelques péri­pé­ties afin de ne pas faire oublier aux pro­ta­go­nistes qu’une bonne par­tie de jambes en l’air, cela se mérite, et à plus forte rai­son quand c’est la pre­mière. Et puis, il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas ici à par­ler des vicis­si­tudes de la socié­té ou de la com­plexi­té de la notion d’un amour cen­sé être exclu­sif, condi­tion­né par les exi­gences socié­tales. Non, nous par­lons ici de légè­re­té, celle qu’on trouve sous le soleil, à la plage, éten­due dans son tran­sat, la main tou­jours insi­dieu­se­ment près d’un entre­jambe qu’il s’a­git de titiller. Ou de cal­mer, selon le carac­tère plus ou moins épi­cé des pas­sages qu’on est en train de lire.

À lire :
Les 24 heures d'écriture - la vidéo

Dans le cas de Wolf Fer­ri, de ses deux jeunes pro­ta­go­nistes et du vieux couple liber­tin qui les a accueillis dans son repaire pour s’y repaître de leurs jeunes corps en fleurs, le texte ne manque pas de lais­ser de bons sou­ve­nirs. Et comme cela arrive assez sou­vent – à votre ser­vi­teur, de toute façon – c’est bien la femme mûre, tata Rose, qui en laisse les meilleurs, même si elle doit se conten­ter d’un rôle de second plan. Rien que son geste que je vous ai révé­lé quelques para­graphes plus haut, est à lui seul ample­ment suf­fi­sant pour en faire le modèle res­plen­dis­sant de la cou­gar en pleine chasse. Un genre de femme qu’on aime­rait plus répan­du afin que chaque jeune homme puisse en croi­ser un spé­ci­men sur sa route vers l’é­pa­nouis­se­ment sexuel. Vous avez dit « vieux per­vers » ? Et ben, vous n’a­vez pas tort. Et c’est sans doute cette par­ti­cu­la­ri­té-là qui me donne assez de per­sé­vé­rance pour vous par­ler sexe sous toutes les cou­tures depuis bien­tôt dix ans…

Je vous laisse donc en com­pa­gnie de ce petit manège et de ses fan­tasmes, dans l’es­poir que ceux-ci ne tar­de­ront pas à se pro­pa­ger aux lec­teurs qui, je compte des­sus, évi­te­ront tout geste-bar­rière afin de suc­com­ber d’au­tant plus rapi­de­ment aux charmes de ce texte et de ses pro­ta­go­nistes, jeunes et moins jeunes.

Mise à jour (13 juillet 2023)

La Bauge dis­pose d’un outil pour véri­fier les liens, et celui-ci m’a aler­té sur la dis­pa­ri­tion du conte­nu rela­tif à l’au­teur Wolf Fer­ri. Et j’ai effec­ti­ve­ment dû consta­ter, après véri­fi­ca­tion, que Wolf a dis­pa­ru de chez Kobo. J’ai retrou­vé ses textes dans la biblio­thèque de Google Livres, j’ai donc cor­ri­gé les liens. J’es­père que les textes y res­te­ront disponibles.

Wolf Fer­ri
Dépu­ce­lage en Vacances !
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Réfé­rences

Réfé­rences
1 Ce nombre est approxi­ma­tif. Il y a une telle quan­ti­té réper­to­riés sous son nom d’au­teur que j’ai arrê­té de comp­ter. J’ai choi­si de par­ler d’une qua­ran­taine afin d’ar­ra­cher ce mots des griffes des hys­té­riques de l’hy­giène et lui rendre une cer­taine innocence.
2 J’ai com­pris, après avoir pas­sé en revue ses titres, que la plage est le décor d’un autre dépu­ce­lage, je ne vais donc pas me plaindre plus que ça…
3 Qui, le temps d’un seul para­graphe, s’ap­pelle Angé­lique, l’au­teur ayant sans doute eu l’i­dée de faire chan­ger son per­son­nage de nom en cours de route.
4 Wolf Fer­ri, Deṕu­ce­lage en vacances, empla­ce­ment 123
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95